Devant un parterre d’Ă©lus locaux rĂ©unis au palais du Luxembourg le 17 juillet, le PrĂ©sident de la RĂ©publique a surpris en annonçant, au dĂ©tour d’une phrase, vouloir « engager une rĂ©duction du nombre d’élus locaux » comme pour les parlementaires. « Nos concitoyens ne comprendraient pas, sinon, un tel traitement diffĂ©rencié », a-t-il expliquĂ©. Avant de prĂ©ciser de façon floue : « moins d’élus, mais des Ă©lus plus protĂ©gĂ©s, mieux rĂ©munĂ©rĂ©s et plus libres de leur action. »
Les conseillers municipaux, une espèce en voie de disparition ?
C’est Jacques Mézard, le ministre de la cohésion des territoires qui s’est chargé de préciser les fonctions visés. « Je pense, dans un premier temps, que ça devrait viser les conseils municipaux parce que changer le nombre d’élus départementaux ou régionaux, ça nécessite de rechanger le système, ce qui n’est pas extrêmement facile » a-t-il expliqué sur LCI. Comprendre : pas question de revenir sur le mode de scrutin des élections régionales ou départementales, déjà complexes.
« Dans un conseil municipal, lorsqu’il y a 35, 39, 43 Ă©lus locaux, il est bien Ă©vident que l’on peut rĂ©duire le nombre, je ne pense pas que ça posera de problème considĂ©rable » a poursuivi l’ancien sĂ©nateur du Cantal. Il suffit en effet de modifier les textes pour faire Ă©voluer le nombre de conseillers municipaux. A l’heure actuelle, mĂŞme les toutes petites communes ont au moins 7 conseillers municipaux tandis que les plus grosses villes montent jusqu’Ă 69.
Avoir moins de conseillers pour éviter les doublons
Plusieurs parlementaires saluent la mĂ©thode et estiment que les Ă©lus locaux sont trop nombreux. Parmi ceux-lĂ , Julien Aubert (LR), dĂ©putĂ© du Vaucluse : « il faut limiter le nombre de conseillers des intercommunalitĂ©s en les faisant Ă©lire dĂ©mocratiquement. Et je pense que dans les communes rurales de moins de 5.000 habitants, on peut avoir moins de conseillers municipaux sans porter atteinte Ă la dĂ©mocratie » souligne sur BFM-TV celui qui est aussi ancien vice-prĂ©sident du Conseil rĂ©gional de Provence-Alpes-CĂ´te d’Azur.
Didier Guillaume, président du groupe PS au Sénat partage le même point de vue. «Oui, il existe des grandes villes et des intercommunalités pour lesquelles les élus peuvent faire doublon » a-t-il expliqué sur sur Public Sénat.
Arnaud Duranthon, maĂ®tre de confĂ©rence Ă Strasbourg et ancien adjoint municipal Ă Saint-Pierre-de-Lages (Haute-Garonne) est pourtant en franc dĂ©saccord avec cette position. « C’est le fait d’avoir beaucoup d’Ă©lus locaux qui permet de prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es. Dire qu’il y a trop de conseillers municipaux, c’est mĂ©connaĂ®tre la complexitĂ© de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral de l’Ă©chelon communal. Et oublier au passage que les conseillers municipaux se rĂ©unissent dans plusieurs commissions comme celles des finances ou des affaires scolaires pour prendre les meilleures dĂ©cisions possibles » estime-t-il.
Didier Guillaume lance toutefois un avertissement : « on ne gère pas la France Ă Paris, Lyon, Marseille comme on la gère dans un petit village de la DrĂ´me. »
Dans les petites communes, les conseillers municipaux mettent la main à la pâte
La mise en garde est partagĂ©e par Bruno Retailleau, sĂ©nateur (LR) de VendĂ©e, qui tient Ă parler de l’investissement des conseillers municipaux. « Il faut aller dans les petites communes. Les problèmes que Paris n’arrive pas Ă rĂ©soudre retombent sur les Ă©paules des Ă©lus locaux. Ce sont eux qui sont chargĂ©s, comme disait Tchekhov, de rĂ©parer les vivants » explique l’ancien bras droit de François Fillon pendant la campagne.
Arnaud Duranthon va mĂŞme plus loin et explique que le PrĂ©sident de la RĂ©publique « oublie qu’en France, 50% des habitants vivent dans des villes de moins de 10 000 habitants. Et dans des petites communes avec peu d’agents municipaux, il n’est pas rare que les Ă©lus participent directement Ă l’entretien des espaces verts, du patrimoine… ».
Mais les proches du PrĂ©sident ont un argument Ă opposer : » quand vous avez quatre ou cinq communes qui ont moins de 100 habitants avec des dizaines de conseillers municipaux (…) c’est sans doute une richesse dans la vie territoriale. C’est sans doute aussi une forme de handicap dans la souverainetĂ© Ă assumer les compĂ©tences » explique François Patriat, prĂ©sident du groupe LREM du SĂ©nat. Il demande d’ailleurs Ă ses collègues de ne pas se livrer « à une vision de clocher » d’après nos confrères de Public SĂ©nat.
Et si les Ă©lus locaux refusaient d’assumer plus de travail ?
Pour rassurer les Ă©lus locaux, certains soufflent qu’il aurait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable d’en parler en amont avec les territoires. En effet, comme le souligne Jean-Luc Moudenc (LR), PrĂ©sident de France urbaine, ceux-ci « ont appris la nouvelle en direct de la bouche du chef de l’État. Il n’en a pas Ă©tĂ© question une seule fois ni dans les travaux prĂ©paratoires, ni dans les ateliers de cette confĂ©rence des territoires, ni dans les documents qui nous ont Ă©tĂ© remis » s’est-il plaint devant des journalistes Ă la fin de la journĂ©e.
Mais bien au-delà de la méthode, le fond de la réforme pose problème pour le maire de Toulouse qui craint le burn-out des politiques dans les territoires. « Si on veut réduire le nombre des élus locaux, comme les problèmes ne vont pas diminuer, ceux qui resteront auront une charge de travail supplémentaire ». Il a une autre crainte en ligne de mire, celle de la désertion : « on va décourager des gens qui préfèrent garder leur qualité de vie plutôt que de se présenter ». Le Président de Toulouse Métropole estime également que la mesure « risque de déstabiliser le travail silencieux, permanent des élus locaux ».
« Les collectivitĂ©s ne sont pas des entreprises qui doivent toujours baisser leur coĂ»t »
Autre risque soulevĂ©, celui de faire croire que les Ă©lus locaux coĂ»tent cher. « 90 % de ces Ă©lus ne perçoivent aucune indemnité » rappelle ainsi AndrĂ© Laignel, le vice-prĂ©sident de l’Association des maires de France (AMF) et maire (PS) d’Issoudun (Indre-et-Loire). [NDLR : les conseillers municipaux touchent au maximum 228 euros bruts et ce peu importe la taille de la commune dans la limite du barème fixĂ© par le code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales].
GĂ©rard Larcher (LR) s’est fait plus lyrique dans ses critiques. D’après le prĂ©sident du SĂ©nat, la mesure annoncĂ©e par Emmanuel Macron mĂ©sestimerait l’importance des Ă©lus de terrain : « la chance de la France, c’est sa trame de 550 000 Ă©lus locaux » a-t-il dĂ©clare au micro de BFM TV. Mais c’est l’universitaire Arnaud Duranthon qui dresse un rĂ©quisitoire particulièrement sĂ©vère et qui imagine un dessein plus vaste de la part du gouvernement: « derrière la rĂ©duction du nombre d’Ă©lus, c’est aux communes qu’on s’attaque en espĂ©rant qu’en rĂ©duisant leur nombre, elles vont coĂ»ter moins chères. Mais attention, les collectivitĂ©s n’ont pas vocation Ă ĂŞtre gĂ©rĂ©es comme des entreprises. »
Voilà le gouvernement prévenu.
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