Plantée de milliers de pêchers dans les années 1970, maillée d’infrastructures hydrauliques et de pistes pour engins agricoles, le verger de Cossure présentait, il y a encore quelques mois, un paysage singulièrement travaillé au coeur de l’immense steppe sèche de la Crau. Cette ancienne exploitation située sur la commune de Saint-Martin de Crau (Bouches-du-Rhône) devrait pourtant retrouver à l’avenir un écosystème très proche de celui qui s’est développé dans le delta du Rhône, il y a plusieurs millénaires.
En décidant de créer sur cet espace linéaire la première «réserve d’actifs naturels» de France, la jeune société CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations a lancé une expérience pilote sur le plan scientifique, tout en innovant dans le domaine de l’écologie citoyenne. Après avoir acquis en septembre 2008 l’ancien verger devenu improductif, CDC Biodiversité a entrepris de nettoyer le site en arrachant, broyant et recyclant en pastilles de bois de chauffage les arbres fruitiers qui s’y trouvaient.
Une fois mise à nu, la terre de Cossure fera l’objet d’un traitement particulier. Les scientifiques du Conservatoire études écosystème de provence (CEEP) et de l’Institut Méditerranéen d’écologie et de paléoécologie (IMEP) de l’Université d’Avignon y transféreront des sols arides prélevés sur des emprises voisines et implanteront des semis d’espèces nurses récoltés dans les «coussouls», ces zones les plus reculées de la Crau. Objectif : reconstituer l’écosystème originel de la steppe méditerranéenne afin d’y réinstaller des espèces animales aujourd’hui disparues, de l’outarde canepetière au ganga cata, en passant par l’oedicnème criard et le lézard ocellé.
Au terme de l’opération, l’ex-verger devrait redevenir un lieu de pastoralisme ovin, les moutons mérinos de la Crau se voyant chargés d’entretenir le paysage semi désertique reconstitué.
Une référence pour la compensation écologique
Soutenue par les services de l’Etat, les collectivités territoriales, l’Europe, via les fonds Feder, et la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, cette initiative originale a nécessité de la part du groupe Caisse des dépôts un investissement évalué à 12,5 millions d’euros. Elle va également servir de référence aux nouvelles pratiques de «compensation écologique» que le gouvernement entend mettre en place. Constatant que ce mécanisme inscrit dans la loi «nature» de 1976 fonctionne mal, Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, s’est rendue le 11 mai sur le site de Cossure, afin de promouvoir le concept de «réserve d’actifs naturels».
«Il s’agit d’aboutir à un système d’équivalence écologique, sans pour autant marchandiser la nature par un quelconque droit à détruire à l’écosystème», a notamment estimé la responsable gouvernementale. Un porteur de projet qui, par exemple, portait atteinte à l’outarde dans la région pourrait trouver sur le site de Cossure une possibilité de compensation. En marge de sa visite provençale, Chantal Jouanno a, par ailleurs, annoncé son intention de réformer certaines procédures «environnementales», en particulier les études d’impact et les enquêtes publiques.