Attention, bousculement en vue. Depuis mai 2009, deux règlements européens, passés relativement inaperçus, changent profondément les règles d’éligibilité des fonds européens.
Les textes, qui concernent à la fois le Feder et le FSE, sont censés simplifier les procédures liées aux fonds européens, alors que la crise économique a quelque peu ralenti l’attribution des enveloppes financières. La Commission change totalement les méthodes de calcul du coût d’une opération financée par les fonds européens. On passe ainsi de la notion de «coût réel», justifié par des factures acquittées, à celle de coût préalablement établi, selon un forfait global.
Bruxelles vise Ă promouvoir trois mesures :
1 – L’UE permet dĂ©sormais de calculer de manière forfaitaire les coĂ»ts indirects d’un projet, afin d’en demander le remboursement.
La Commission affirme que ce type de montants peut atteindre 20% des coĂ»ts directs d’une opĂ©ration financĂ©e par les fonds europĂ©ens. En clair, Bruxelles autorise une nouvelle mĂ©thode pour Ă©valuer le calcul des dĂ©penses comme le chauffage ou les frais administratifs engendrĂ©s par la prĂ©paration d’un dossier de subvention.
C’est un changement de taille. Actuellement, les porteurs de projets doivent prĂ©senter une plĂ©iade de factures, propres Ă chaque dĂ©pense, pour se faire rembourser. Le dossier d’un projet modeste peut ainsi atteindre facilement la cinquantaine de pages, accompagnĂ©es d’autant de justificatifs.
Mais les «20%» indiqués par l’UE ne constituent qu’un plafond. En effet, chaque Etat membre doit encore déterminer ses propres chiffres, pour le Feder et le FSE, avant de le faire valider par la Commission.
En France, la rĂ©alisation d’une Ă©tude sur les coĂ»ts indirects des projets financĂ©s par le Feder est sur le point d’être lancĂ©e par la DĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle Ă l’amĂ©nagement du territoire et Ă l’attractivitĂ© rĂ©gionale (Datar). DĂ©but 2011, elle devrait ĂŞtre soumise Ă la Commission europĂ©enne.
En revanche, le travail est déjà fait pour le FSE, et la mesure pourra être appliquée dès le 1er janvier 2011. Un arrêté du 2 août 2010 autorise en effet les bénéficiaires du FSE à déclarer forfaitairement les coûts indirects, à hauteur de 20% des coûts directs. Cela ne concerne que les projets dont le montant total est inférieur à 500 000 euros. Avec cette mesure, il ne sera donc plus nécessaire, comme c’est le cas aujourd’hui, de conserver les factures entre 5 et 10 ans après le début du projet.
Les gestionnaires des fonds FSE attendent dĂ©sormais les documents qui permettront d’appliquer cette dĂ©cision. Avant la fin 2010, la Direction gĂ©nĂ©rale Ă l’emploi et Ă la formation professionnelle (DGEFP), qui supervise la gestion du fonds social europĂ©en en France, devrait envoyer aux relais locaux les nouveaux outils adaptĂ©s Ă cette Ă©volution. Parmi eux, les demandes de subvention, rapport d’instruction et autre bilans d’exĂ©cution sont particulièrement attendus.
« Cela va être une réelle avancée pour les porteurs de petits dossiers. Cela va les encourager à les déposer», explique Sébastien Halm, chargé de mission FSE à la Maison de l’emploi et de la formation de Mulhouse. Il affirme que ces changements représenteront «un réel gain de temps» à la fois pour les opérateurs et les gestionnaires de fonds. Mais s’il faudra fournir moins de pièces comptables, il faudra tout de même fournir d’autres justificatifs, comme des preuves que le projet a effectivement eu lieu. «Pour une formation, il peut s’agir de listes d’émargement ou de feuilles de présence», affirme M. Halm.
2 – Par ailleurs, la Commission autorise le remboursement de projets dont les coĂ»ts sont calculĂ©s «en utilisant des barèmes standards», toujours de manière forfaitaire.
Par exemple, pour calculer le coĂ»t d’une formation financĂ©e par le FSE, les organisateurs pourront se baser sur le prix d’une heure de formation, comprenant Ă la fois le salaire de l’intervenant, la salle, les assurances… «Cette mĂ©thode sera plus systĂ©mique dans le cadre du FSE que dans celui du Feder», explique Emmanuel Ballerini, chargĂ© de mission Ă la Datar.
Il reviendra à chaque autorité de déterminer les barèmes de référence, en fonction du type de projets concerné. Pour cela, «ils devront adopter une approche numériquement et statistiquement démontrable du barème utilisé», précise M. Ballerini.
Mais cette deuxième mesure n’est pas encore applicable. Les gestionnaires de fonds attendent en effet un décret reprenant les règles européennes dans le droit français. D’après nos informations, cet acte serait sur le point d’être signé par le ministre du Budget, François Baroin. Contacté, le cabinet du ministre n’a pas répondu aux sollicitations d’EurActiv.fr.
« Ce serait une Ă©norme rĂ©volution», explique Franck Sottou, professeur associĂ© au Conservatoire national des Arts et mĂ©tiers (Cnam). Ce spĂ©cialiste des fonds europĂ©ens estime que dans ce dossier, « la Commission europĂ©enne a un train d’avance sur les Etats membres ». Avant d’ajouter : « C’est un vrai dĂ©fi de la culture Ă©valuative des projets financĂ©s par l’Europe. Mais dans certains pays, comme en France, on n’a pas forcĂ©ment cette culture, qui relève peut-ĂŞtre plus de celle du privĂ© que du public». Il prĂ©conise une « introduction progressive » de ces mĂ©thodes, de manière Ă les tester d’abord « dans certains domaines».
3 – Enfin, les projets dont le coĂ»t total est infĂ©rieur Ă 50 000 euros pourront ĂŞtre remboursĂ©s selon un mode de calcul forfaitaire.
Par exemple, l’organisateur d’une conférence co-financée par des fonds européens pourra déterminer à l’avance, dès le dépôt de son dossier, le coût total de son événement. «Pour qu’une autorité de gestion valide un tel projet, il faut qu’elle ait en tête les prix du marché», explique Emmanuel Ballerini. La validation de ce forfait dépendra ainsi d’une négociation entre le porteur de projet et l’autorité de gestion des fonds.
Une fois sa conférence terminée, l’organisateur ne devra plus présenter les pièces comptables, mais la preuve que son projet a bien eu lieu, ou que les résultats visés ont été atteints. «Si le séminaire s’est bien déroulé et que les personnes invitées sont bien venues, on pourra considérer que l’action est réalisée», résume Emmanuel Ballerini.
En théorie, cette disposition est applicable directement par les autorités de gestion, et aucun décret ni arrêté n’est nécessaire.
Historique de la décision
Dès juillet 2009, la Commission a proposĂ© des mesures de simplification permettant d’utiliser plus rapidement les fonds structurels, afin de participer Ă la relance Ă©conomique. Une proposition a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le Parlement europĂ©en le 5 mai dernier et signĂ© par le Conseil des ministres le 3 juin 2010. Ces mesures de simplification sont entrĂ©es en vigueur le 25 juin 2010.
Toutes concernent la France, Ă l’exception de la mobilisation d’avances supplĂ©mentaires d’un montant de 775 millions d’euros pour l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie et la Roumanie. Ces cinq pays ont reçu un prĂŞt du FMI pour relever leur balance des paiements ou ont vu leur PIB diminuer de plus de 10% durant la crise.
Dans une rĂ©solution du 15 juin 2010, les dĂ©putĂ©s europĂ©ens ont Ă©galement soutenu un rapport demandant Ă la Commission europĂ©enne d’amĂ©liorer la transparence du financement des fonds europĂ©ens et de divulguer ses donnĂ©es sur les bĂ©nĂ©ficiaires des fonds de cohĂ©sion.
Références
- Commission européenne
Règlement sur le Feder en ce qui concerne l’éligibilité des investissements en efficacité énergétique - Commission européenne
Règlement relatif en vue d’ajouter de nouveaux types de coûts éligibles à une contribution du FSE - Journal officiel
Arrêté du 2 août 2010 relatif à la forfaitisation des coûts indirects des projets financés par le FSE - Journal officiel de l'UE
Règles simplifiées de gestion des fonds relevant de la politique de cohésion
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