Le titre de l’illustre film de Jean Renoir qualifierait l’annonce que le président de la République pourrait être tenté de faire aux élus locaux lors du prochain congrès des maires, en renonçant, par exemple, à baisser tout ou partie des 3,7 milliards d’euros de dotations aux collectivités dans le budget 2017.
Pourtant, il y a six mois à peine, en septembre 2015, à l’occasion de la journée de mobilisation des élus contre la baisse des dotations, les pouvoirs publics s’étaient montrés inflexibles sur le sujet, arguant que les collectivités devaient s’adapter, allant même jusqu’à parler de « justice territoriale » devant l’effort des finances publiques.
En renonçant ainsi, pour cause d’élections à venir, aux économies décidées dans un plan triennal, l’Etat enverrait un très mauvais signal dans les territoires, au monde économique et en direction de l’Europe.
Dans les territoires tout d’abord, où, depuis quelques années, les élus ont entamé un véritable travail de fond pour contenir la dépense publique. Les résultats commencent à voir le jour avec des dépenses de personnel contenues pour la première fois depuis la décentralisation de 1982.
Nombre de maires expliquent depuis des années que la régulation de la dépense publique est nécessaire pour redresser les finances de la France. Ils ont accepté cette baisse des moyens mis à disposition par l’Etat et refusé la hausse fiscale pour équilibrer leurs budgets.
Ils ont donc demandé à leurs équipes de baisser leurs dépenses. Seul ce cercle vertueux permet de dégager les ressources futures nécessaires pour investir.
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La puissance publique ne crée pas de la richesse économique
Le monde économique, quant à lui, ne pourrait que s’étonner de la facilité avec laquelle les pouvoirs publics renoncent à une ardoise d’économies potentielles de plusieurs milliards d’euros.
Il est temps de rappeler que la puissance publique ne crée pas de la richesse économique ! Elle la redistribue. On objectera que le gouvernement demanderait, en échange de cette mesure, que les collectivités s’engagent à consacrer ces fonds à l’investissement, et notamment dans les travaux publics.
On friserait la démagogie la plus pure, car ce n’est pas en accroissant le déficit de l’Etat, premier financeur des collectivités, rappelons-le, que l’on permettra d’investir dans les territoires. Au contraire, la raréfaction de l’argent public oblige désormais les partenaires à s’interroger davantage avant d’investir et de renoncer ainsi, parfois, à des projets surdimensionnés.
Enfin, quelle image donnerions-nous, une fois de plus, à nos partenaires européens, en termes de gestion budgétaire ? Rappelons que la France est à ce jour le seul Etat membre de l’OCDE à n’avoir présenté aucun résultat budgétaire excédentaire depuis 1979.
Mais, c’est vrai, nous entrons en campagne électorale ! Et après tout, l’actuel président de la République se dit que le budget 2017 sera certes préparé par son gouvernement, mais exécuté par l’équipe suivante.
En additionnant les cadeaux financiers à un an du scrutin présidentiel, la situation financière de la France continuerait de se dégrader. Bien sûr, l’équipe politique en place utiliserait un vocabulaire teinté de langue de bois, en nous expliquant que « le déficit diminue » et que la « trajectoire des finances publiques est la bonne ».
Alors que nous dépassons allègrement les 2 000 milliards d’euros de dette, et pour rester dans l’esprit des années 1930, invoquons la chansonnette « Tout va très bien, madame la marquise… » Mais après la drôle de guerre…
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