Déterminer la qualité de voisin de l’ouvrage
Les voisins susceptibles d’être indemnisés des troubles résultant de l’existence ou du fonctionnement d’un ouvrage public – c’est-à-dire d’un bien immeuble, aménagé et affecté à un intérêt général ou une mission de service public – doivent, d’abord, avoir la qualité de tiers à l’égard de ce dernier. Concrètement, ils ne doivent entretenir aucun lien direct avec l’ouvrage – c’est-à-dire d’un bien immeuble, aménagé et affecté à un intérêt général ou une mission de service public – qui conduirait à les qualifier d’usagers.
Par ailleurs, si les personnes qui disposent d’un droit réel sur l’immeuble avoisinant l’ouvrage ont toujours qualité à agir pour obtenir réparation des conséquences dommageables de son existence ou de son fonctionnement, tel n’est pas le cas du simple locataire. Ce dernier pourra certes agir pour un trouble de jouissance, mais il ne sera pas fondé à solliciter la réparation d’une dépréciation de l’immeuble donné à bail (1).
Plus sévère est la situation des titulaires d’une autorisation précaire d’occupation du domaine public, tenus de supporter, sans indemnité, les nuisances causées par les ouvrages construits dans l’intérêt du domaine, sauf à ce que les troubles subis ne soient pas la conséquence nécessaire du fonctionnement de l’ouvrage (2). Fort logiquement, les occupants irréguliers du domaine public n’ont, aucun droit à réparation (3), leur action en responsabilité à l’encontre de la personne publique propriétaire ou gestionnaire de l’ouvrage serait rejetée par le juge.
Vérifier que le dommage subi est « spécial »
La réparation des dommages subis par les voisins des ouvrages publics – ne sont réparés que les préjudices qui présentent un caractère certain et qui sont réparables – obéit à un régime de responsabilité objectif et sans faute, fondé sur la rupture d’égalité devant les charges publiques. Mais si le voisin-victime n’a pas à prouver l’existence d’une faute commise par le maître de l’ouvrage, l’ouverture du droit à réparation suppose néanmoins que le préjudice allégué présente un caractère tout à la fois « spécial » et « anormal ».
Il en résulte que le dommage ne peut être indemnisé, d’abord, que s’il frappe la victime à titre particulier ou, a minima, ne concerne qu’un nombre réduit d’individus. Tel est, par exemple, le cas du préjudice économique subi par une société de restauration rapide à la suite de travaux de réhabilitation d’une gare routière (4), de la dépréciation de la valeur vénale d’un bien engendrée par l’édification d’une voie publique à proximité immédiate de celui-ci (5) ou des nuisances causées aux requérants, dont la demeure est la seule résidence habitée dans un rayon de 1 000 mètres autour de l’ouvrage (6). Le juge administratif estime au contraire que l’exigence de spécialité n’est pas satisfaite lorsque le préjudice résulte d’une atteinte portée à l’environnement – laquelle est susceptible d’affecter une population importante (voisins, habitants de la commune, touristes…) – (7), ou trouve son origine dans les désordres ayant largement frappé le territoire d’une commune (8).
S’assurer que le dommage invoqué est « anormal »
« Spécial », le dommage dont le voisin de l’ouvrage demande réparation doit, aussi et surtout, être « anormal ». Selon une formule jurisprudentielle classique, cela suppose que l’existence ou le fonctionnement de l’ouvrage soit à l’origine de nuisances qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage, c’est-à-dire les troubles susceptibles d’être habituellement supportés par les voisins des ouvrages publics (9).
A titre ...
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