C’était un véritable serpent de mer : l’obligation pour les opérateurs funéraires de déposer en mairie un devis-type a été adoptée mercredi 28 janvier à travers la loi de modernisation de la justice.
Cela fait pourtant vingt-deux ans que cette disposition est inscrite dans la loi, puisque Jean-Pierre Sueur, alors secrétaire d’Etat aux collectivités locales, l’avait défendue pour la première fois en 1993, alors qu’il faisait voter la fin du monopole communal des pompes funèbres. Mais les textes réglementaires qui devaient instaurer ces devis-types ne sont jamais parus.
Comparaison facilitée – Ils réapparaissent en 2008, mais le texte laisse le champ libre à plusieurs interprétations, ce qui donne lieu à un grand ballet de circulaires et retarde encore sa mise en œuvre. Jean-Pierre Sueur, devenu sénateur du Loiret, ne désarme pas et l’obligation de déposer un devis-type dans les mairies vient finalement d’être adoptée : « Les régies, entreprises et associations habilitées déposent ces devis dans chaque département où elles ont leur siège social ou un établissement secondaire, auprès des communes où ceux-ci sont situés, ainsi qu’auprès de celles de plus de 5000 habitants » dit le texte qui ajoute : « Elles peuvent également déposer ces devis auprès de toute autre commune ». Le but : permettre aux familles endeuillées de comparer facilement les prestations des opérateurs.
Obligation – Ceux-ci ont pourtant déjà l’obligation d’établir des devis selon un modèle strict établi par l’arrêté du 23 août 2010. Ce modèle définit notamment les prestations obligatoires et les prestations facultatives. Mais les entreprises funéraires ont du mal à s’y plier : fin 2014, les enquêteurs de l’UFC-Que Choisir étaient seulement 26% à repartir avec un devis. Et parmi ceux-ci, seuls 20% étaient conformes à la loi tandis que 38% ne faisaient que s’en rapprocher. En obligeant les mairies à tenir ces devis à disposition (sur place ou via leur site), le texte adopté, qui constitue selon Jean-Pierre Sueur « une avancée importante », donne aux familles un aperçu des prix en leur évitant de faire la tournée des opérateurs funéraires.
« Ces devis ne seront pas représentatifs de la facture finale »
François Michaud-Nérard, vice-président de l’Union du pôle funéraire public et directeur des services funéraires de la Ville de Paris
Vous réjouissez-vous de l’arrivée de ces devis-types ?
Pas vraiment, je ne crois pas que ce soit une solution réellement pratique. Je crains l’usine à gaz. A Paris, il y a 160 opérateurs. Si chacun doit déposer un devis pour l’inhumation et un pour la crémation, cela fait 320 devis. Comment les familles vont-elles s’y retrouver ? Ces listes sont présentées par ordre alphabétique, ce qui favorise automatiquement les entreprises du début de l’alphabet. De plus, la loi leur permet de déposer leur devis dans n’importe quelle commune, c’est inexploitable.
Craignez-vous des ententes entre les entreprises qui s’accorderaient sur les prix ?
Je crains surtout une prime à la malhonnêteté, avec des opérateurs sans scrupules qui afficheraient des prix très bas et se rattraperaient sur le reste des prestations. Ces devis ne seront pas représentatifs de la facture finale. J’ai peur aussi que ces devis ne transforment les agents municipaux qui les présentent aux familles en conseillers voire en prescripteurs, avec les risques de tentatives de corruption que cela comporte.
Mais la possibilité de comparer les offres est un réel progrès, non ?
Oui, mais cette possibilité existe déjà, avec les devis-modèles instaurés par l’arrêté de 2010. Je trouverais préférable de faire progresser leur application plutôt que de créer de nouveaux textes.
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