« On va regretter Dacian Cioloş », lâche d’emblée une source régionale française à Bruxelles à propos du départ brusque du commissaire roumain à l’agriculture, qui a bouclé la difficile réforme de la politique agricole commune. Très francophile, Dacian Cioloş était notamment sensible à la question des appellations d’origine. Des mois durant, son retour a été annoncé au même portefeuille.
Finalement, pour des raisons de politiques internes à la Roumanie et pour répondre aux attentes du nouveau président de la Commission, l’ex-Premier ministre conservateur luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui réclamait une plus forte présence des femmes, Bucarest a nommé l’eurodéputée socialiste Corina Cretu (47 ans).
Politique régionale : une commissaire très concernée – Comme d’autres pays, la Roumanie a obtenu le portefeuille qu’elle souhaitait : la politique régionale. Un choix stratégique de la part de Jean-Claude Juncker. Il estime en effet que les missions seront d’autant mieux remplies si elles sont pilotées par un commissaire issu d’un pays concerné de près par le dossier (la Roumanie a besoin des fonds régionaux pour se développer, tout en ayant du mal à les absorber).
Ces commissaires « initiés » pourront, en outre, mieux expliquer à leurs citoyens ce que fait Bruxelles, après des élections européennes de mai dernier marquée par la montée des eurosceptiques et des populistes. Le pari est toutefois risqué, puisque le commissaire pourrait être tenté de faire valoir les intérêts de son pays avant ceux de l’UE.
Chapeautée par un vice-président – Toutefois, à l’instar de plusieurs de ses collègues, le travail de Mme Cretu sera chapeauté par des « vice-présidents », qui auront le pouvoir de « filtrer » ses projets législatifs (sur 27 commissaires, 7 seront vice-présidents).
Dans son cas, elle devra en référer à la Slovène Alenka Bratušek, chargée de « l’Union énergétique », à l’Estonien Andrus Ansip, chargé de Marché numérique unique ainsi qu’au Finlandais Jyrki Katainen, chargé de l’emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité. Tous d’anciens Premiers ministres dans leur pays respectif.
Eurodéputée depuis 2007, diplômée en économie, Corina Cretu a derrière elle une carrière essentiellement politique (porte-parole du président roumain, sénatrice, après un passage par le journalisme). Selon la « lettre de mission » que lui a adressée M. Juncker, elle participera à l’élaboration, d’ici début 2015, d’un « paquet d’investissement » de 300 milliards d’euros destiné à lancer – entre 2014 et 2016 – des projets porteurs de croissance économique en Europe.
L’enveloppe sera financée via des sources publiques et privées, dont le budget européen et la Banque européenne d’investissement (BEI).
La commissaire roumaine devra, plus précisément, se concentrer sur l’absorption de fonds structurels dans des projets énergétiques et numériques.
Toutefois, selon la presse, le choix de Mme Cretu pourrait faire des vagues au Parlement européen (qui auditionnera chacun des 27 commissaires désignés entre fin septembre et la mi-octobre), en raison des liens supposés qu’elle aurait eu avec le KGB.
Les régions suivront également de près les travaux d’autres commissaires, à savoir :
- le conservateur allemand Günther Oettinger (61 ans), commissaire sortant à l’énergie, nommé à l’économie numérique ;
- le socialiste slovaque Maroš Šefčovič (48 ans), commissaire sortant aux relations interinstitutionnelles et à l’administration, nommé aux transports et à l’espace ;
- le conservateur Phil Hogan (54 ans), nommé à l’agriculture et au développement rural après avoir été ministre de l’environnement et des collectivités locales en Irlande. Un politicien controversé puisqu’en 2013 il aurait personnellement cherché à empêcher le relogement d’une famille de gens du voyage dans sa circonscription.
- ou encore la libérale Vera Jourova (50 ans), juriste et ancienne ministre du développement régional à Prague, nommée à la justice. A ce titre, elle sera notamment responsable du dossier sensible de la protection des données personnelles dont le droit européen fait actuellement l’objet d’une difficile réforme.
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