Inadaptation et hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des programmes, disparitĂ©s territoriales, qualitĂ© inĂ©gale des formaÂteurs, etc… Qu’il s’agisse du rapport de la Cour des comptes sur la gestion des forces de sĂ©curitĂ© publique, paru en juillet 2011, ou de celui des sĂ©nateurs RenĂ© Vandierendonck (PS) et François Pillet (UMP) sur les polices territoriales, en septembre 2012, nombreuses sont les voix qui pointent les insuffisances de l’offre de formation destinĂ©e aux poliÂciers municipaux.
« Dans son format, comme dans sa mise en oeuvre, [celle-ci] est diversement apprĂ©ciĂ©e par les Ă©lus et les agents », observaient Ă l’auÂtomne dernier les deux parlementaires en mission. Leurs prĂ©conisations ont pris la forme d’une proposition de loi (1) qui devrait ĂŞtre examinĂ©e au cours du premier semestre 2014.
Un texte largement souÂtenu par le ministère de l’IntĂ©rieur qui reconnaĂ®t, par le biais de son futur dĂ©lĂ©guĂ© ministĂ©riel aux coopĂ©rations de sĂ©cuÂritĂ©, Jean-Louis Blanchou, la nĂ©cessitĂ© d’« amĂ©liorer les conditions de l’efficaÂcitĂ© de la formation des agents ».
Carences – CĂ´tĂ© syndical, le tableau est plus nuancĂ©. Très critiques face Ă l’offre existante, certaines organisations, comme le Syndicat national des policiers municipaux-FO rĂ©clament depuis longÂtemps, « Ă l’instar des autres forces de police, la crĂ©ation d’un centre de formaÂtion ou d’une Ă©cole spĂ©cifique de police municipale ».
D’autres, en revanche, telle la CGT, estiment que « le CNFPT doit rester la référence en matière de formation », arguant que « l’accent doit désormais être mis sur la spécificité territoriale de cette filière ».
« La rĂ©aÂlitĂ© est que l’offre a considĂ©rablement progressĂ© depuis une quinzaine d’anÂnĂ©es, satisfaisant la grande majoritĂ© des agents », tranche la FĂ©dĂ©ration autonome de la FPT, selon laquelle « des amĂ©liorations sont nĂ©cessaires pour que la formation soit la mĂŞme en tout endroit du territoire ».
Le propos rejoint celui des associaÂtions de professionnels. L’ObservaÂtoire national des polices municiÂpales (ONPM), par exemple, reconnaĂ®t des « carences », mais juge que « le CNFPT a renouvelĂ© son offre et s’emÂploie Ă s’adapter aux besoins », prĂ©cise Steve Richard, son prĂ©sident.
Besoins propres – Des besoins propres Ă un mĂ©tier en armes peu comparables Ă ceux des autres filières de la FPT. « Des ajusÂtements sont nĂ©cessaires concernant des demandes spĂ©cialisĂ©es, comme ĂŞtre formĂ© Ă la rĂ©daction d’arrĂŞtĂ©s municipaux qui est confiĂ©e, dans les petites communes, au policier municiÂpal », relève Vincent Champenois, chef de service de PM Ă Aix-en-Provence (141 400 hab., Bouches-du-RhĂ´ne).
Dans le viseur aussi, la formation des unités cynophiles, longtemps mise de côté ; cela a conduit nombre de maîtres-chien à se former en dehors du CNFPT.
En conditions rĂ©elles – Corollaire de cette spĂ©cificitĂ© de la PM, toute la profession revendique des formations plus concrètes. « L’enÂseignement pratique n’est pas suffiÂsant et ne s’avère pas assez opĂ©raÂtionnel. Il faut une formation dans des conditions rĂ©elles de terrain », indique Eve Lamarche, chef de service de PM Ă Courbevoie (87 500 hab., Hauts-de-Seine). Rejoignant ainsi la demande, souvent partagĂ©e, « de plateformes d’entraĂ®nement, trop rares dans les dĂ©lĂ©gations, pour pratiquer les gestes techniques de protection et d’interÂvention ».
Autre lacune relevĂ©e : l’abÂsence de formation continue pour la centaine de directeurs de police muniÂcipale. Très attendu, un prochain texte rĂ©glementaire devrait y remĂ©dier.
Dans le mĂŞme temps, le seuil actuel de quaÂrante policiers municipaux nĂ©cessaire pour devenir directeur serait abaissĂ©. Une disposition qui crĂ©erait un appel d’air et obligerait le CNFPT Ă organiÂser des sessions de formation initiale, laquelle prend aujourd’hui la forme de parcours individualisĂ©s.
RedĂ©coupage gĂ©ographique – Dans ce contexte d’adaptation nĂ©cesÂsaire aux besoins, le CNFPT, qui, selon son directeur gĂ©nĂ©ral Vincent Potier, « affiche la volontĂ© forte de faire Ă©voÂluer la qualitĂ© de son offre », a tout d’abord revu sa propre organisation. L’objectif est d’harmoniser les praÂtiques pĂ©dagogiques et de permettre l’adĂ©quation de l’offre Ă chaque territoire.
L’organisme a ainsi dĂ©coupĂ© la France en neuf inter-rĂ©gions insÂpirĂ©es des zones de dĂ©fense, afin de mieux coordonner les dispositifs et de faciliter ses relations avec les services de l’Etat. Une Ă©volution si importante qu’elle figure dans la proposition de loi sĂ©natoriale sur la police territoriale.
Renouvellement des intervenants – RĂ©gulièrement mise en cause, la quaÂlitĂ© pĂ©dagogique des formateurs constiÂtue le deuxième chantier du CNFPT. Ces derniers, auxquels on demande du professionnalisme, sont de plus en plus appelĂ©s Ă faire Ă©voluer les rĂ©fĂ©rentiels de formation.
Au CNFPT, un processus de renouvellement des intervenants est en cours. « L’enjeu qualitatif concerne non seulement la labellisation des forÂmateurs, un processus long que nous avons engagĂ©, mais aussi les lieux et locaux, pour rĂ©pondre Ă cette exigence de qualitĂ© », prĂ©cise Vincent Potier.
Beauvau et le CNFPT associĂ©s – Dernier chantier de cette refonte : renÂforcer le partenariat avec le ministère de l’IntĂ©rieur. Le souhait d’une plus grande participation de la police et de la gendarmerie nationales Ă la formaÂtion des policiers municipaux a Ă©tĂ© forÂmulĂ© par Manuel Valls. La coopĂ©ration entre le CNFPT et le ministère, engaÂgĂ©e depuis 2008, pourrait donc trouver des prolongements.
Nombre de profesÂsionnels y voient un bĂ©nĂ©fice. « Chacun se forme de son cĂ´tĂ© sur ses propres compĂ©tences. L’intĂ©rĂŞt partagĂ© est de mutualiser des formations sur des champs communs, afin de renforcer le partenariat sur le terrain », souligne Thierry Palermo, directeur dĂ©parteÂmental adjoint de la sĂ©curitĂ© publique de Loire-Atlantique (1,3 million d’hab.).
Un point de vue partagĂ© par les poliÂciers municipaux : « Il faut crĂ©er de l’échange et de la transversalitĂ©. Le fait que les responsables des polices nationale et municipale se connaisÂsent permet d’avancer plus vite sur le terrain », confirme Steve Richard.
Sessions communes – Une rĂ©flexion est en cours entre le CNFPT et l’Ecole nationale supĂ©rieure de la police (ENSP). DĂ©jĂ , en 2011, dix-neuf directeurs de PM avaient Ă©tĂ© accueillis pour un stage portant sur la prĂ©paration et la coopĂ©ration lors d’un service d’ordre.
« L’école est sur les rangs pour dĂ©velopper des stages dans le cadre de la formation contiÂnue des directeurs de PM, dès que les textes rĂ©glementaires le permetÂtront. Ceux-ci pourraient participer aux modules de formation continue des commissaires de police sur le manageÂment, voire la gestion des conflits et du stress », indique Philippe Folletet, chef du dĂ©partement des formations prĂ©paÂratoires, partenariales et internatioÂnales de l’ENSP.
« Il faut orienter les cours vers davantage d’exercices pratiques »
Bruno Pinard, chef de service de police municipale Ă Melun (39 590 hab., Seine-et-Marne), formateur au CNFPT
« Les missions des policiers municipaux, de plus en plus actifs en matière de sĂ©curitĂ© publique, demandent une forte technicitĂ© et donc des formations toujours plus pointues. C’est un enjeu de premier plan pour toute la profession. Comme le mĂ©tier Ă©volue, il faut sans cesse inclure de nouvelles thĂ©matiques au sein des cycles, dont la urĂ©e ne peut pourtant augmenter indĂ©finiment. Ce qui peut, parfois, donner aux policiers municipaux l’impression d’insuffisances. ujourd’hui, l’enjeu principal est d’orienter la formation vers un plus grand pragmatisme avec davanÂtage d’exercices pratiques. La logique vouÂdrait aussi qu’il existe une plus forte contiÂnuitĂ© entre les formations initiale et continue des agents. Dans ce contexte, la qualitĂ© des formateurs est dĂ©terminante. Ceux-ci doiÂvent avant tout ĂŞtre des professionnels en lien permanent avec le terrain. Ce sont leurs expertise, expĂ©rience et rĂ©activitĂ© qui perÂmettent vĂ©ritablement d’adapter le contenu des rĂ©fĂ©rentiels et de rĂ©pondre aux attentes très concrètes des policiers municipaux. »
Ce que prévoit la proposition de loi
DĂ©posĂ©e en avril au SĂ©nat, la proposition de loi « police municipale » de François Pillet (UMP) et RenĂ© Vandierendonck (PS), qui vise notamment Ă fusionner les cadres d’emplois des policiers municipaux et des gardes champĂŞtres, prĂ©voit plusieurs mesures sur la formation. Le CNFPT verrait ainsi son champ d’intervention confirmĂ© et Ă©largi Ă un niveau interrĂ©gional. Autre disposition : la transmission au prĂ©fet et au procureur de la RĂ©publique de l’avis de fin de formation initiale, Ă©tabli par le CNFPT. Cet avis pourra servir d’élĂ©ment d’apprĂ©ciation pour dĂ©livrer l’agrĂ©ment des agents. Par ailleurs, le ministre Manuel Valls a exprimĂ© le souhait d’individualiser « des parcours initiaux pour les anciens policiers et gendarmes, qui ne doivent pas effectuer de stage dans leur ancien service » ou encore d’instaurer « une formation aux armes de nouvelle catĂ©gorie D (l’ex – 6e catĂ©gorie) qui devra ĂŞtre rendue obligatoire, tout comme celle aux activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es (maĂ®tre-chien, cavalier, motocycliste) ».
Références
Lire nos dossiers:
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement. Retour au texte



