A travers ce rapport d’étape, les deux rapporteurs entendent attirer l’attention sur plusieurs points : tout d’abord, il s’agit de « verser leurs premières conclusions au débat national sur la transition énergétique », et cela contre l’avis de la ministre de l’écologie Delphine Batho, qui avait déclaré vouloir « fermer la porte à l’exploitation du gaz de schiste » à l’automne 2012. Une urgence qui s’explique aussi par le fait que le projet de loi relatif à la transition énergétique est attendu pour l’automne 2013.
Réduire la facture énergétique – Autre enjeu, la question de la dépendance énergétique de la France, « presque totale s’agissant du pétrole et du gaz, comme l’a souligné Christian Bataille. « Notre facture énergétique est en constante dégradation, elle s’est élevée à 68 milliards d’euros en 2012, soit 83% de notre déficit commercial. » Autant d’arguments qui incitent les deux parlementaires à reconsidérer, sur la base d’une étude scientifique, le potentiel que représente l’exploitation du gaz de schiste…
Car à en croire le sénateur Jean-Claude Lenoir, « il serait possible de diminuer de moitié cette facture énergétique en 2030. »
Neuf propositions – Le rapport s’appuie sur des estimations réalisées par l’Agence Internationale de l’Energie, selon lesquelles «pour les hydrocarbures non conventionnels, les bassins identifiés sont le bassin parisien (pour les pétroles de schiste)
le bassin-sud-est (pour le gaz de schiste)
et les anciens bassins miniers de Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais (pour les gaz de houille), où des travaux récents ont confirmé la présence de gaz dans les couches inexploitées de charbon. » Pas moins de neuf propositions ont été avancées. Parmi celles-ci, « il s’agit de réaliser un inventaire de nos ressources en hydrocarbures, en privilégiant les techniques non invasives » recommandent les rapporteurs.
Abrogation de la circulaire du 21 septembre 2012 – Jean-Claude Lenoir préconise notamment « d’abroger la circulaire du 21 septembre 2012 » jugée « absurde ». On se souvient que la loi du 13 juillet 2011, qui n’interdit que l’usage de la fracturation hydraulique, a donné lieu à une circulaire, celle du 21 septembre 2012, qui interdit d’utiliser la technique de sismique si celle-ci n’est pas justifiée par la recherche des seuls hydrocarbures conventionnels. « Il faut mettre en œuvre la loi du 13 juillet 2011, à savoir mettre en place la commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, prévue par l’article 2 de cette loi, afin qu’elle rende un rapport chaque année sur cette question. » Cette technique consiste à créer des microfissures dans la roche, par injection d’eau à très forte pression, afin de libérer les hydrocarbures qui y sont enfermés. La loi de 2011 l’a interdite en raison de son impact potentiel sur l’environnement. Les ONG évoquent en particulier sa forte consommation d’eau, et l’utilisation d’additifs chimiques susceptibles de polluer les nappes phréatiques.
« Forer des dizaines de puits. » – En conséquence, les deux rapporteurs proposent « de forer quelques dizaines de puits d’exploration, en appliquant toutes les précautions connues permettant de trouver une solution à chaque problème environnemental dont aucun ne doit être nié. » « Ceci supposera de faire une exception à la législation de juillet 2011 » a reconnu Christian Bataille. Pour mémoire, la fracturation hydraulique est utilisée en France en géothermie depuis 1947, cependant sans le recours aux additifs.
Réactions des écologistes – Dès la publication du rapport, plusieurs ONG ont réagi vigoureusement en rappelant leur opposition aux gaz de schiste, et à leur exploration. Des réactions émanant de parlementaires ont fusé : Jean-Paul Chanteguet, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire estime pour sa part que « les arguments avancés par l’OPECST n’apportent aucun élément nouveau susceptible de revenir sur les choix opérés. Ils font également état d’affirmations profondément contestables concernant les avantages à explorer et à exploiter les gaz de schiste. » Contestant l’innocuité des additifs utilisés lors de la fracturation hydraulique, Jean-Paul Chanteguet a rappelé que « cette technique de production utilisait aujourd’hui 750 composés chimiques, dont 29 ont été reconnus cancérigènes. » Enfin, la réforme du Code minier, proposée par les rapporteurs, afin de faire bénéficier les propriétaires du sol de l’exploitation des ressources du sous-sol, dans le but de créer un intérêt local à l’exploitation ne satisfait pas davantage le président Chanteguet : « Non seulement ce code doit au contraire maintenir l’Etat dans son rôle d’arbitre de l’intérêt public, qui n’est pas la somme de quelques intérêts privés, mais sa réforme doit conduire à une meilleure défense de l’environnement, à laquelle nous oblige de toute façon le renforcement du droit européen à travers les directives eau, sol, Reach. »
Vers un cadre général européen – Le 4 juin 2013, la commissaire européenne Connie Hedegaard a répondu lors d’une audition à l’Assemblée nationale à la question posée par Bertrand Pancher, député de la Meuse et membre de la Commission du développement durable. Concernant ses positions sur l’extraction de gaz de schiste en Europe, la Commissaire européenne a souligné que « ce type de technique n’était pas la solution miracle pour régler les insuffisances de production énergétique sur notre continent. » Relevant qu’il s’agissait là de décisions des Etats, Connie Hedegaard a jugé qu’ « il était nécessaire que l’Union européenne propose un cadre général à la mise en place de ces techniques d’extraction d’ici la fin de l’année… » Affaire à suivre.
Références