Une nouvelle Ă©tape de la dĂ©centralisation est en marche. Le PrĂ©sident Hollande s’y Ă©tait engagĂ© dès le 3 mars Ă Dijon : confier la gestion des fonds structurels europĂ©ens aux conseils rĂ©gionaux.
Cette rĂ©forme reprĂ©sente un enjeu de taille puisque sur la pĂ©riode 2007-2013, les fonds europĂ©ens reprĂ©sentaient pas moins de 23 milliards d’euros. Souvent mĂ©connus des citoyens europĂ©ens, ces fonds ont pourtant un impact direct sur le dĂ©veloppement de leur qualitĂ© de vie, dans leurs villes et leurs rĂ©gions. Ils sont un vĂ©ritable symbole de la solidaritĂ© entre les territoires europĂ©ens.
Cette somme est d’autant moins nĂ©gligeable que les collectivitĂ©s territoriales pâtissent d’un gel des dotations de l’Etat, d’une moindre rentabilitĂ© de la fiscalitĂ© locale et de responsabilitĂ©s toujours plus Ă©tendues.
C’est une rĂ©forme que les Ă©cologistes portent depuis longtemps et que les conseils rĂ©gionaux attendent depuis près de 10 ans. En 2004 dĂ©jĂ , Jean-Pierre Raffarin avait fait machine arrière au grand dam des prĂ©sidents de rĂ©gions. La France est dĂ©sormais Ă la traĂ®ne comparĂ©e Ă ses voisins qui confient de plus en plus la gestion des fonds europĂ©ens Ă leurs entitĂ©s rĂ©gionales : Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Pays-Bas, RĂ©publique Tchèque, Pologne… Et cette tendance se poursuit dans les derniers pays entrants d’Europe centrale et orientale.
Il est désormais temps que les régions deviennent les moteurs de la gestion de ces fonds, et ce pour au moins trois raisons.
La première raison est celle de la cohĂ©rence. Les prioritĂ©s fixĂ©es par l’Union europĂ©enne pour l’utilisation de ces fonds trouvent Ă©cho dans les compĂ©tences des conseils rĂ©gionaux : que ce soit en matière d’amĂ©nagement du territoire, de dĂ©veloppement Ă©conomique, d’environnement, de transports, de formation professionnelle, y compris en matière d’enseignement avec la construction d’infrastructures scolaires.
Ces fonds doivent aussi permettre à nos élus d’engager la transition énergétique et d’investir dans des projets réellement durables et inclusifs.
La deuxième raison est celle de l’urgence. Les fonds europĂ©ens peuvent constituer un vĂ©ritable levier d’investissements pour sortir de la crise, Ă condition d’ĂŞtre utilisĂ©s rapidement sur nos territoires. Jusqu’à prĂ©sent, les fonds transitaient par l’État ce qui a conduit Ă de nombreux retards lors des transferts de ces fonds.
La troisième raison est celle de l’efficacitĂ©. L’expĂ©rimentation de la gestion directe du FEDER par le conseil rĂ©gional d’Alsace, entamĂ©e en 2003, a Ă©tĂ© un tel succès qu’elle a Ă©tĂ© prolongĂ©e jusqu’en 2013. La seule rĂ©gion restĂ©e Ă droite n’a pas connu de retard dans la mise en Ĺ“uvre des fonds europĂ©ens, et au contraire l’expĂ©rience a montrĂ© qu’avec des moyens humains adĂ©quats la rĂ©gion n’avait rencontrĂ© aucune difficultĂ©.
Par ailleurs, les administrations de l’Etat sont trop cloisonnĂ©es, ce qui limite les complĂ©mentaritĂ©s entre les fonds, alors que les conseils rĂ©gionaux ont la possibilitĂ© d’établir des stratĂ©gies globales pour rĂ©pondre aux problèmes transversaux des territoires.
La nouvelle programmation des fonds europĂ©ens dĂ©butera le 1er janvier 2014 et les conseils rĂ©gionaux doivent ĂŞtre en mesure, dès son lancement, de prendre leurs responsabilitĂ©s pour sĂ©lectionner les projets et utiliser ces fonds. Pour cela, les Ă©lus rĂ©gionaux doivent ĂŞtre mieux informĂ©s et mieux sensibilisĂ©s qu’ils ne le sont aujourd’hui sur les possibilitĂ©s d’utilisation des financements europĂ©ens.
Par ailleurs, les compétences et les moyens actuellement dévolus à leur gestion dans les Préfectures doivent être mis au plus vite au service des conseils régionaux pour faciliter la transition.
HĂ©sitations du gouvernement – Cependant, de nombreuses incertitudes demeurent quant aux intentions rĂ©elles du gouvernement. Il hĂ©site sans rĂ©elle vision stratĂ©gique d’ensemble et risque ainsi de manquer l’occasion de rationaliser la gestion de ces fonds, au dĂ©triment Ă la fois de l’efficacitĂ©, de la visibilitĂ© de l’action europĂ©enne et a fortiori des bĂ©nĂ©ficiaires finaux que sont les porteurs de projets et les citoyens.
Pour l’heure, ce sont toujours les services dĂ©concentrĂ©s de l’Etat qui prĂ©parent la future programmation sans associer les collectivitĂ©s territoriales qui seront amenĂ©s Ă gĂ©rer ces fonds Ă l’avenir. De mĂŞme, le projet de loi de dĂ©centralisation a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© sans rĂ©elle concertation et dans un manque total de transparence : l’Association des RĂ©gions de France a Ă©tĂ© associĂ©e contrairement aux dĂ©putĂ©s europĂ©ens – qui nĂ©gocient actuellement les nouveaux règlements Ă Bruxelles -, aux autres collectivitĂ©s, et Ă la sociĂ©tĂ© civile qui n’ont pas Ă©tĂ© consultĂ©s.
Les acteurs de terrain sont aujourd’hui dans le flou le plus total, en particulier sur ce qui sera rĂ©ellement dĂ©centralisĂ© ou non. Si le FEDER devrait l’ĂŞtre en totalitĂ©, le projet de loi n’en fait pour l’instant qu’une possibilitĂ© et non une obligation. S’agissant du Fonds social europĂ©en, il semble qu’une grande partie de celui-ci restera entre les mains du Ministre du travail pour financer la politique nationale de l’emploi, tandis que le reste devra ĂŞtre partagĂ© entre les rĂ©gions et les dĂ©partements faute d’une rĂ©elle clarification de leurs compĂ©tences en matière de formation professionnelle, d’inclusion sociale ou d’emploi.
RĂ©ussir la dĂ©centralisation des fonds europĂ©ens doit donc ĂŞtre Ă la fois un moyen pour les Ă©lus d’engager la transition Ă©cologique et le redressement Ă©conomique de nos territoires, mais aussi un enjeu dĂ©mocratique afin de revaloriser la plus-value des politiques europĂ©ennes face Ă la montĂ©e de l’euroscepticisme, et ainsi rĂ©concilier nos concitoyens avec l’Europe et avec le pouvoir politique.
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