1. DE LA LOI D’ORIENTATION DU 30 JUIN 1975
À LA LOI DU 11 FÉVRIER 2005
La loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées avait été fondatrice de la politique publique à l’adresse des personnes handicapées selon deux grands axes :
- une loi d’orientation affirmant un principe de solidarité nationale avec les personnes handicapées visant à favoriser leur autonomie et leur intégration ;
- une loi technique mettant en place des mécanismes et instances chargés d’accompagner la mise en œuvre d’une politique globale prenant en compte la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l’éducation et l’orientation professionnelle, l’emploi, la garantie de ressources, l’intégration sociale, l’accès aux sports et aux loisirs.
L’objectif de cette politique était de favoriser l’intégration des personnes handicapées et leur participation à la vie sociale. Cette loi précisait que l’action poursuivie assure, chaque fois que les aptitudes des personnes handicapées et de leur milieu familial le permettent, l’accès aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et leur maintien dans un cadre de vie ordinaire de travail et de vie. Pour atteindre cet objectif, la loi privilégiait l’accès aux lieux publics, aux transports en commun, à un logement ainsi que l’obtention d’un travail adapté.
Force était de constater trente ans après, que la loi de 1975, si elle a incontestablement amélioré la situation des personnes handicapées, a néanmoins échoué sur les objectifs généraux précédemment rappelés.
En effet, des insuffisances importantes se sont révélées dans les domaines suivants :
- une conception de la place de la personne handicapée pensée tout d’abord comme différente et par voie de conséquence comme devant être protégée, souvent dans des dispositifs spécialisés, par nature séparés, et seulement secondairement pouvant être intégrée dans un milieu dit « ordinaire », d’où une insuffisance grave de participation à la vie sociale et professionnelle ;
- un dispositif d’accompagnement et de prise en charge constitué principalement d’établissements et services spécialisés à caractère très institutionnels ne facilitant pas le libre choix du mode de vie ;
- un dispositif d’évaluation des besoins de la personne handicapée et d’orientation fondé sur une approche essentiellement administrative et ignorant le projet de vie de celle-ci ;
- une approche « tutélaire » de la personne handicapée insuffisamment impliquée dans les décisions la concernant ;
- l’insuffisante prise en compte de certains types de déficiences notamment psychiques et le polyhandicap ;
- l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement des personnes handicapées peu pris en compte dans les modalités d’accompagnement et de prise en charge ;
- le faible aménagement de l’environnement qui ne facilite pas l’accessibilité à l’environnement du bâti et des transports, du travail, de la culture et des loisirs, etc.
La réforme introduite par la loi du 11 février 2005(1) tente de remédier à ce constat en introduisant de nouvelles dispositions mais plus essentiellement, en modifiant un certain nombre de principes directeurs de la loi du 30 juin 1975 et de la mise en œuvre qui en a été concrètement faite.
Un principe général(2) guide cette loi, celui de la non-discrimination qui oblige la collectivité nationale à garantir à chacun les conditions de l’égalité des droits et des chances, notamment pour les personnes handicapées.
Cela implique que la nouvelle législation organise de manière systématique l’accès des personnes handicapées au droit commun tout en adaptant celui-ci ou le complétant par des dispositions spécifiques afin de généraliser une réelle égalité de traitement dans des domaines comme l’accès aux soins, au logement, au transport, à l’école, à la formation, à l’emploi, à la cité et reconnaître ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées.
De ce point de vue, le concept d’intégration qui présuppose l’adaptabilité de la personne handicapée marque le pas au profit du concept d’inclusion qui postule la pleine appartenance à la société de la personne handicapée quelle que soit l’ampleur de ses déficiences. Le titre même de la loi de 2005 – égalité des droits et des chances, participation, citoyenneté – constitue à lui seul tout un programme. Il témoigne, pour le moins, du changement idéologique volontariste initié par la nouvelle loi.
Le débat se déplace alors sur les modalités concrètes pour vivre cette appartenance, facilitée par une accessibilité de l’environnement et une compensation individualisée.
Trois axes de la réforme explicitent ce principe général :
- garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d’existence favorisant une vie autonome digne ;
- permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale grâce à l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisé qu’il s’agisse de l’école, de l’emploi, des transports, du cadre bâti ou encore de la culture et des loisirs ;
- placer la personne handicapée au centre des dispositifs la concernant en substituant à une logique administrative une logique de service.
Par ailleurs et enfin, on constate dans la loi du 11 février 2005 une convergence du modèle d’intervention des politiques publiques concernant les personnes âgées et handicapées, à travers le modèle de l’« autonomie dépendance » pour l’évaluation des besoins et celui de la « compensation » pour la détermination des aides(3)
Les principaux objectifs de la loi du 11 février 2005
Six grands objectifs structurent la loi du 11 février 2005 :
1. réaffirmer le droit à la solidarité nationale et la participation des personnes handicapées à la définition des politiques publiques les concernant ;
2. garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie. Pour cela, la loi :
– distingue clairement les moyens d’existence (revenus) et le financement de la compensation des conséquences du handicap,
– crée la prestation de compensation du handicap permettant de mettre en œuvre des aides humaines, techniques, d’aménagement de locaux ou véhicules, animalières ou d’acquisition de produits liés au handicap,
– affirme le principe d’un projet de vie comme donnée première et rénove en conséquence le système d’évaluation de la situation de handicap en prenant en compte les aspirations de la personne, ses aptitudes et capacités,
– adapte le système de revenus de la personne handicapée ;
3. viser une meilleure participation à la vie sociale par diverses mesures touchant à :
– la scolarité des enfants et adolescents handicapés, l’enseignement supérieur,
– l’emploi des personnes handicapées,
– une accessibilité généralisée du cadre de vie et de l’espace public, notamment bâti et transport ;
4. placer la personne handicapée au cœur des dispositifs qui la concernent par une simplification et une rénovation des dispositifs antérieurs se concrétisant par la création de la maison départementale des personnes handicapées et de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ;
5. rénover l’architecture des instances en charge du pilotage de la politique publique par :
– la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ayant une double mission d’allocation de ressources et d’expertise des divers plans et aspects contribuant à la politique publique à destination des personnes handicapées,
– l’élaboration de schémas nationaux d’actions prioritaires,
– l’élaboration de programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC),
– la gestion opérationnelle des dispositifs de proximité est confiée au département (schéma départemental, maison départementale des personnes handicapées, prestation de compensation).
6. abolir progressivement les barrières administratives d’âge jusque-là existantes qui différencient les enfants de 0 à 20 ans, les adultes de 20 ans à 60 ans et les personnes de plus de 60 ans. À savoir : extension aux enfants, dans un délai de trois ans après la parution de la loi, de la prestation de compensation, soit février 2008 ; suppression dans les cinq ans de tout critère d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissement, soit février 2010(4).
2. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA LOI DU 11 FÉVRIER 2005
Largement réformés par la loi du 11 février 2005, les principes généraux guidant la politique publique concernant les personnes handicapées sont les suivants.
a. Principe de solidarité et d’égalité de traitement (non-discrimination) par l’accès au droit commun
Article L. 114-1 du CASF :
« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. »
b. Principe de compensation
Article L. 114-1-1 du CASF :
« La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. »
La « compensation », à ne pas confondre avec la « prestation de compensation », est définie par ce même article L. 114-1-1 comme consistant à répondre aux besoins de la personne :
« […] qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service, permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d’entraide mutuelle ou de places en établissement spécialisé, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d’accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique […] »
c. Principe d’accessibilité
Article L. 114-2 du CASFS :
« […] l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie […] »
Thèmes abordés
Notes
Note 02 Cf. l’exposé des motifs du projet de loi tel que présenté au Sénat le 28 janvier 2004. Retour au texte
Note 03 Ce rapprochement, s’il constitue une indéniable avancée pour les personnes handicapées en favorisant la fin des barrières d’âge et assurant le financement de certains types d’aide, jusque-là non financés ou alors très mal, ne doit pas faire oublier que pour la majeure partie des personnes handicapées, la réalisation de leur projet de vie ne peut se réduire à la seule solvabilisation d’un plan d’aide juxtaposant diverses mesures de compensation. Retour au texte
Note 04 Sur ce dernier point, se reporter à la fiche n◦ 7 et au sous-chapitre « Vers la (non) création d’un cinquième risque "dépendance" ? ». Retour au texte