Cinq ministres du gouvernement Fillon cumulent leur maroquin avec la fonction de maire, signant la fin d’une règle non écrite souvent transgressée depuis 2002, et, en premier lieu, par Nicolas Sarkozy.
Alain Juppé, Xavier Darcos, Eric Woerth, Hervé Morin et Eric Besson sont concernés, en attendant d’éventuels cumuls avec des présidences de conseil régional ou général, lors de la nomination de nouveaux secrétaires d’Etat après les législatives.
Alain Juppé, ministre de l’Ecologie, du développement et de l’aménagement durables, conservera Bordeaux (Gironde). Xavier Darcos se partagera entre l’Education et sa ville de Périgueux (Dordogne). Eric Woerth (Budget, comptes publics et fonction publique) demeurera maire de Chantilly (Oise). Hervé Morin dirigera à la fois le ministère de la Défense et Epaignes (Eure). Enfin, Eric Besson, secrétaire d’Etat à la Prospective, ne renoncera pas à Donzère (Drôme).
Nicolas Sarkozy avait démissionné de la mairie de Neuilly-sur-Seine lors de son entrée au gouvernement en 2002. Mais à partir de 2004, il avait été à la fois ministre et président du conseil général des Hauts-de-Seine.
Beaucoup d’autres membres des gouvernements Raffarin et Villepin s’étaient aussi affranchis progressivement d’une règle imaginée en 1997 par Lionel Jospin et confirmée par Jacques Chirac en 2002. La « jurisprudence Jospin » n’allait pas sans quelque « hypocrisie », rappelle Didier Maus, professeur de droit constitutionnel. Bien des ministres démissionnaires de leurs fonctions locales les avaient troquées contre un poste de premier adjoint ou de premier vice-président.
Il reste que, selon l’expert, le cumul « pose des problèmes d’emploi du temps et de disponibilité. De plus, l’expérience montre qu’en cas de conflit d’emploi du temps entre le local et le national c’est le local qui l’emporte ».
Dans la pratique, poursuit Didier Maus, le nouveau président « ne peut pas dire à ses ministres : faites ce que je n’ai pas fait ». Et, à un an des municipales, « il serait humainement et politiquement impossible de demander à un maire en fonction de renoncer à sa mairie, s’il a envie d’être candidat de nouveau l’année prochaine ».
Le cas d’Alain Juppé est d’autant plus aigu que celui-ci n’a reconquis la mairie de Bordeaux qu’en 2006. Sans attendre, le n°2 du gouvernement a affirmé dès sa nomination que ses deux fonctions, la ministérielle et la municipale, avaient entre elles « une synergie évidente qui permettra d’enrichir l’une et l’autre ».
A l’opposé de cette situation, Hervé Morin ne préside aux destinées que d’un gros bourg de 1 200 habitants. Et Donzère, la cité d’élection d’Eric Besson, compte moins de 5 000 habitants.
L’entourage de Xavier Darcos soulignait le 22 mai la nécessité de « respecter l’engagement pris avec les électeurs de Périgueux », arguant encore du « lien très utile avec le terrain » pour un ministre. Eric Woerth comparaît sa situation à celle de « bon nombre d’élus locaux qui travaillent dans le privé, ce que personne ne conteste ».
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