Ce propos de Clemenceau est célèbre : « La guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » A en juger par certains signes concernant la décentralisation, les territoriaux sont des militaires, au regard de ce que pourrait être leur implication.
Trois réalités peuvent poser question. En premier lieu, la façon dont l’action publique locale est présentée dans les débats de non-spécialistes. L’avenir des collectivités est souvent abordé au travers du seul prisme financier, sans que l’esquisse d’une vision stratégique ne soit exposée, sans que les premiers praticiens que sont les territoriaux n’aient voix au chapitre.
Exemple : il a fallu l’action des associations représentatives pour que des territoriaux soient associés à la conférence sociale de juillet.
On peut également s’interroger sur la composition des cabinets ministériels. Il est de tradition que les fonctionnaires d’Etat, au premier rang les énarques, soient représentés.
Mais, à observer la composition de cabinets dont l’action publique est pourtant dépendante de celle des collectivités (développement durable, logement et égalité des territoires…), il est incompréhensible que les cadres territoriaux y soient aussi peu présents.
La logique de réseau de l’ENA fonctionnant à plein, il y a fort à parier que les politiques mises en place ne seront pas marquées du sceau de l’ardeur décentralisatrice.
Enfin, l’écho limité rencontré par des initiatives territoriales ambitieuses pose question. A l’instar du « manifeste de la décentralisation », présenté en juin par l’Association des administrateurs territoriaux de France, ou du rapport de l’Association des régions de France publié début juillet, « Les régions au cœur du nouvel acte de décentralisation », ces productions peinent à susciter l’intérêt hors du monde territorial.
Comme les livres d’une bibliothèque – Ce constat est décevant car ces initiatives traitent d’enjeux cruciaux. « Le Tigre » aurait-il donc raison ? Les territoriaux ne sont pas plus éminents que d’autres, mais ils constituent sans doute un danger : ils risqueraient, par leurs propositions et la plus grande variété de leurs profils, de mettre à mal de puissantes oligarchies.
Peut-être un autre propos de Clemenceau illustre-t-il cette situation : « Les fonctionnaires sont comme les livres d’une bibliothèque : ce sont les plus haut placés qui servent le moins. »
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