Sur la gestion de la commune gardoise de Pont-Saint-Esprit entre 2005 et 2010, la chambre régionale des comptes (CRC) du Languedoc-Roussillon ne mâche pas ses mots : « Aucune des recommandations de la chambre portant sur la situation financière, l’impact des travaux en régie, la politique de recrutement ainsi que sur l’examen des dépenses d’animation touristique et d’entretien n’a été suivi d’effets (…). Les pratiques soulignées ont perduré, dégradant encore plus une situation financière déjà très fragile. »
Les difficultés de Pont-Saint-Esprit avaient déjà été relevées par la CRC dès 2000, jusqu’à l’accablant rapport d’observation définitive de mars 2008 sur les exercices 1999 à 2005.
A la demande de la chambre, le préfet du Gard avait ensuite imposé une forte hausse (de 56 à 80 %) des impôts locaux. De nouvelles élections municipales partielles avaient conduit en février 2011 à la fin des 40 ans de mandat de Gilbert Baumet, battu par Roger Castillon.
Dette de plus du double de la moyenne de la strate – Dans ce nouveau rapport du printemps 2012 qui porte sur les années 2005 à 2010, la chambre régionale relève des comptes « pour une large part, inexacts ». Si elle reconnaît que la situation de la dette a évolué dans le bon sens (de 2 484 euros/habitant en 2005 à 1 941 euros/habitant actuellement), c’est toujours « plus du double de la moyenne de la strate », 884 euros/habitant.
Elle souligne « l’absence de procédure organisée et formalisée » de passation des marchés publics et le nombre d’employés communaux (251 en 2011). Même si « la connaissance exacte des effectifs de Pont-Saint-Esprit reste un exercice difficile », il est « très supérieur à la moyenne de la strate ».
D’où des charges de personnel extrêmement hautes : « 57 % des charges réelles en 2008 et actuellement 64 %. Cette proportion est largement au-dessus des moyennes de la strate s’établissant à 50,3 % en 2009 ».
Ce n’est pas fini : la chambre pointe le train de vie de la commune sur la période, « pas compatible avec sa situation financière très dégradée », et « de coûteuses festivités » alors que des moratoires étaient négociés pour faire face à ses dépenses obligatoires.
Elle consacre aussi plusieurs pages à la situation de l’ancien directeur général des services, qui cumulait ce poste avec les directions du CCAS et de la communauté de communes Rhône Cèze Languedoc.
Réponses des élus – Le maire actuel de Pont-Saint-Esprit, l’ancien premier adjoint (maire par intérim à deux reprises durant quelques mois, entre 2009 et 2011) de Gilbert Baumet ainsi que ce dernier ont répondu au rapport 2012.
Gilbert Baumet (qui avait demandé un dépaysement refusé par la Cour des comptes) a répondu en détails via 61 pages au rapport d’observations définitives de la chambre régionale.
Un premier chapitre dénonce la « partialité » de la chambre et « les pressions » exercées, des éléments que la CRC a refusé de publier, arguant que la réponse « comporte des éléments mettant en cause la juridiction et plusieurs de ses magistrats. Ces éléments sont sans rapport direct avec les observations définitives formulées par la chambre et sont susceptibles à la fois de porter atteinte au secret de l’instruction et de recevoir une qualification pénale ».
Intervention auprès de l’Etat pour réparation – Elu depuis février 2011, Roger Castillon regrette pour sa part que l’Etat ait « tardé à intervenir dans ce dossier » : lors du conseil municipal du 22 mai, il a indiqué une future intervention auprès de l’Etat « pour demander réparation des négligences qui ont fait que l’hémorragie financière n’ait pas été stoppée plus tôt ».
Il insiste sur le « caractère délibéré des manquements du maire et du DGS » et souligne une « politique délibérée de mise à l’écart des élus » pour cacher les difficultés.
Une plainte a été engagée mi-février contre Gilbert Baumet, l’ancien premier adjoint et l’ancien DGS « et toute autre personne qui auraient contribué à ce délit de favoritisme » pour non-respect du Code des marchés publics.
Depuis la publication du rapport de la CRC, la commune a demandé la suspension à effet immédiat de l’ancien directeur général des services et l’ouverture d’une enquête administrative pour déterminer sa responsabilité.
Réorganisation – « Ces lourdes fautes de gestion et la gabegie organisée », indique le maire de Pont-Saint-Esprit, « ont conduit à un appauvrissement général de la ville. Même si ce rapport de gestion les met bien en évidence, la réalité est qu’il faudra poursuivre cet effort pendant au moins deux ans pour revenir à une situation normale. »
Côté organisation, le conseil municipal a validé en mars un nouvel organigramme renforçant l’encadrement, la remise du temps de travail en conformité avec la loi et la refonte du régime indemnitaire des agents.
Par ailleurs, la dette de Pont-Saint-Esprit atteignait encore 18,5 millions d’euros fin 2011, alors que le budget primitif 2012 voté fin avril s’élève à 22,5 millions d’euros.
Le compte administratif 2011 affiche un résultat global déficitaire de 0,5 million « à cause des pénalités de retard dues à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) découvertes en octobre 2011, de plus de 1 million d’euros » selon le bilan financier de mars 2012.
Sur 8 millions d’impayés, il reste 1 million de principal à rembourser et 2,2 millions de pénalités. La commune tente de négocier avec l’URSSAF et la CNRACL pour réduire ces pénalités…
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