Pourquoi les musées ne pourraient-ils pas vendre des objets faisant partie de leurs collections ? Telle est en substance la question à laquelle doit répondre Jacques Rigaud, ancien conseiller d’Etat et spécialiste des questions culturelles, dans un rapport au ministère de la Culture et dont les conclusions devraient être rendues publiques d’ici à la fin du mois. Cette idée, avancée par le président de la République, remet en question le principe de l’inaliénabilité des collections, qui prévaut jusqu’à présent dans les musées français. Elle embarrasse l’actuelle ministre de la Culture, Christine Albanel, plutôt réticente. Mais l’idée semble faire son chemin dans l’entourage de Nicolas Sarkozy et chez certains parlementaires. Jean-François Mancel, député de l’Oise (UMP), a d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens en octobre dernier. Une initiative passée inaperçue mais qui a consterné les professionnels des musées. L’AGCCPF (1), la Fédération des écomusées et musées de sociétés et l’ICOM-France (2) viennent de co-signer un manifeste, intitulé « Collections, l’exception française, en question». Ce texte, prend position contre cette proposition de loi, et plus, globalement, réaffirme l’attachement de la profession au principe d’inaliénabilité des collections, « parce qu’il est étroitement lié à une éthique des collections et à une déontologie professionnelle des métiers qui concourent à la gestion, à la conservation et à la valorisation de ces collections ». Ce manifeste a été diffusé pour la première fois le 15 janvier lors d’un débat organisé par l’Association des journalistes du patrimoine (AJP) auquel participaient des spécialistes des questions muséales, des responsables d’établissements patrimoniaux, ainsi que Françoise Cachin, ancienne directrice des musées de France, opposée à une remise en cause du principe d’inaliénabilité. Cette table ronde a mis en lumière la complexité de la question, certains intervenants ayant notamment souligné l’importance de s’interroger sur la finalité d’une quelconque cession d’oeuvre : que s’agit-il de financer (d’autres acquisitions ? une augmentation du budget de fonctionnent ? …), quelle est la destination des oeuvres (rejoignent-elles un autre musée dont les collections sont plus en cohérence avec l’oeuvre cédée ? une cession peut-elle s’envisager dans le cadre d’une politique globale de conservation, à l’échelon locale, ou nationale ? etc.). Autant de questions qui devraient nourrir le débat si le gouvernement avance sur cette idée au cours des prochains mois.
Pour en savoir plus :
– le manifeste « Collections, l’exception française, en question»
– La proposition loi de Jean-François Mancel tendant à établir une réelle liberté de gestion des établissements culturels
(1) Association générale des conservateurs de collections publiques
(2) Comité français du conseil international des musées
Thèmes abordés