Pourquoi avoir lancé cette grande consultation nationale auprès des élus locaux ?
Nous souhaitions sonder le cœur et les reins des élus municipaux, pour comprendre comment ils se positionnent vis-à-vis de ces histoires de transition. Le but n’est pas de juger leurs mandats, mais plutôt de comprendre comment ils se sentent vis-à-vis de la transition.
Est-ce que ce domaine leur est familier ? Sont-ils à l’aise avec ces enjeux ? Certaines choses ne sont-elles pas claires dans leur esprit ? Existe-t-il des actions qu’ils aimeraient faire et qu’ils ne peuvent pas faire, ou à l’inverse, leur demande-t-on de faire des choses inutiles ? Ont-ils les moyens humains pour avancer ? Ont-ils les compétences nécessaires, qu’ils s’agissent d’eux-mêmes ou de leurs collaborateurs ? Il s’agit de savoir si ce sujet leur parle, s’ils ont envie de s’en occuper et à quelles conditions.
Et pourquoi avoir sondé précisément le niveau municipal ?
Parce que dans la classe politique, c’est le niveau le plus proche du terrain. Ce sont aussi les élus qui ont la confiance de la population. Et par ailleurs, le maire, ou la mairesse, a cette caractéristique d’être une espèce d’hybride entre un élu et un chef d’entreprise. Comme ce dernier, il doit délivrer des services : que l’eau coule au robinet, que la rue soit éclairée, qu’on puisse circuler dans cette rue, que la cantine scolaire fonctionne. Ils ont aussi des effectifs à gérer, des embauches ou des suppressions de postes à faire. Contrairement à un député ou un ministre, ils doivent faire face à un banquier, souscrire des polices d’assurance. C’est tout ça qui fait que leur fonctionnement ressemble beaucoup à celui d’un responsable d’une entité économique.
Cette double caractéristique nous a intéressé, ainsi que le fait d’être proche du terrain, de l’action concrète, et de devoir se positionner face au changement climatique, qu’il s’agisse de limiter les émissions ou de gérer l’adaptation. Savoir s’ils sont en capacité de s’emparer de ces enjeux, et s’ils n’y sont pas prêts, pourquoi…
Que pouvez-vous dire de leur ressenti sur leurs compétences et les moyens humains dont ils disposent ?
Cette grande consultation a été lancée le 13 octobre, c’est un peu prématuré d’en tirer d’ores et déjà des enseignements, car nous n’avons pas atteint un nombre suffisant de réponses et nous manquons encore d’une bonne représentativité. J’en profite pour appeler tous les élus municipaux à participer à cette consultation. Le recueil des réponses devait se terminer le 21 décembre mais nous allons prolonger cette phase jusqu’à début janvier.
Les élus doivent comprendre l’intérêt de notre démarche, qui est apolitique. On ne leur a jamais demandé leur avis sous l’angle que nous proposons. Et ça nous semble être un élément très utile à verser au débat.
N’y-a-t-il pas quelques éléments qui ressortent des premières réponses ?
Oui, il y a une chose dont je peux vous faire part. Cela correspond à une idée déjà apparue lors de nos précédents travaux avec les élus locaux, dans les territoires. C’est le sentiment de manquer de compétence. Pas nécessairement à titre personnel, mais dans les intervenants qui pourraient être mobilisés pour l’action.
Cela concerne leurs collaborateurs ou le tissu d’acteurs publics ou privés avec lesquels ils travaillent ?
En fait, les deux. Par exemple dans le domaine de l’adaptation climatique. C’est compliqué pour eux de se lancer, parce qu’il y a un vrai sujet de compétences. Que faire pour la voirie, l’école, les espaces verts, etc. ? Tout ça, ce n’est pas juste une déclaration d’intention. Cela implique des actions concrètes, comme isoler une école contre le chaud et trouver des entreprises pour faire les travaux. C’était déjà ressorti lors de notre travail sur l’adaptation au climat dans les territoires.
Et que pensez-vous de la difficulté qu’il peut y avoir, pour un élu, à prioriser son action ?
Il va falloir attendre un peu pour mesurer cela, mais lors de nos précédents travaux, en effet, ce point était également ressorti. Savoir par où commencer et savoir quoi faire, c’est loin d’être simple. Nous allons revenir sur ce point dans le cadre de cette consultation, pour voir si la situation a évolué ou pas.
Un autre point qui ressort – mais là encore je me méfie du biais lié au fait que les premiers répondants sont en général les plus motivés -, c’est qu’à une large majorité, les répondants considèrent qu’ils ont appris beaucoup de choses sur la transition écologique au cours de leur dernier mandat. Ce qui, au final, n’est pas très étonnant, dans la mesure où le sujet est beaucoup monté en puissance.
Dans les médias et au niveau national, on parle beaucoup du « backlash écologique ». Pensez-vous qu’il est moins présent au niveau local, que ce soit pour les élus locaux et les citoyens ?
J’en suis certain. Au niveau des citoyens, il n’y a pas eu de « backlash » ces dernières années. La préoccupation de la population pour les sujets environnementaux est à peu près constante, elle n’a en tout cas pas du tout diminué. Au niveau des élus locaux, ça fait partie de ce qu’on aimerait justement évaluer au travers de notre questionnaire. Mais mon sentiment, si on regarde au niveau de l’entreprise, avant de parler des élus locaux, c’est que les choses sont devenues un peu plus dures, sans doute plus à cause d’un sentiment d’incertitude globale plutôt que du backlash environnemental.
Dures dans quel sens ?
Les budgets sont un peu plus difficiles à trouver, les décisions sont un peu plus lentes à être prises, etc. Dit autrement, il y a un déterminant dans l’affaire qui n’a rien d’environnemental, et qui est tout simplement le fait que la conjoncture est moins facile, qu’il y a de l’incertitude. Vous ne pouvez donc pas investir sans savoir si cela correspondra à la direction qu’on va vous demander de prendre.
Au niveau des élus locaux, nous aurons la réponse avec la consultation que nous lançons, mais je n’ai pas l’impression que l’action locale soit mise à l’arrêt.
Concernant les citoyens, les sondages qui sont sortis récemment (ceux de l’Ademe, d’Engie, etc.) montrent même une forte attente par rapport aux enjeux environnementaux …
En effet. Je pense que les déclarations des élus nationaux correspondent à une surenchère pour se différencier et pas du tout à une volonté de refléter fidèlement le sentiment des électeurs.
Et que dire des élus locaux, appelés à agir, alors qu’ils sont frappés par une rigueur budgétaire et le retrait progressif de l’Etat ?
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que malheureusement, la situation ne va pas devenir ...
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