La stratĂ©gie de prĂ©vention et de lutte contre la pauvretĂ©, prĂ©sentĂ© par Emmanuel Macron le 13 septembre, contient une sĂ©rie de mesures qui visent Ă s’attaquer aux racines de la pauvretĂ©. Elles ont beaucoup fait rĂ©agir. La plupart des acteurs du secteur s’interrogent en effet sur la rĂ©alitĂ© des moyens financiers qui seront mis en Ĺ“uvre pour les mettre en place.
« Je dis “banco” pour dĂ©velopper et mettre un coup d’accĂ©lĂ©rateur Ă ces mesures sur l’insertion ou l’enfance mais j’attends de savoir ce qu’il y a sur la table en termes de moyens car chat Ă©chaudĂ© craint l’eau froide », Ă©crit ainsi StĂ©phane Troussel, prĂ©sident (PS) de Seine-Saint-Denis, dans un communiquĂ©.
Un avis partagĂ© par le prĂ©sident (LR) du Bas-Rhin et prĂ©sident de la commission SolidaritĂ©s de l’ADF, FrĂ©dĂ©ric Bierry : « Permettre Ă un bĂ©nĂ©ficiaire du RSA d’avoir un suivi au premier mois de son inscription nĂ©cessite des travailleurs sociaux supplĂ©mentaires. Dans quelle mesure l’Etat peut accompagner les dĂ©partements pour ces financements ? L’investissement social, les dĂ©partements y croient tous, c’est notre quotidien. NĂ©anmoins, ce n’est pas neutre financièrement. »
Moins pour les pauvres que pour les riches
Le groupe de gauche de l’ADF trouve mĂŞme que la somme consacrĂ©e Ă la StratĂ©gie est sans commune mesure avec les cadeaux fiscaux accordĂ©s au plus riches : »Le manque d’ambition global de ce plan ne permettra pas d’éradiquer la pauvretĂ© mĂŞme si la mise en place de mesures pour lutter contre ne peut qu’aller dans le bon sens. Car ce sont simplement 2 milliards d’euros qui seront consacrĂ©s Ă la lutte contre la pauvretĂ©, dont une partie n’est que recyclage et redĂ©ploiement, ce qui semble bien peu comparĂ© aux 5 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consacrĂ©s aux plus riches chaque annĂ©e. »
L’ancienne secrĂ©taire d’Etat Ă la Lutte contre l’exclusion, SĂ©golène Neuville accuse mĂŞme le gouvernement actuel de ne pas mettre de financement supplĂ©mentaire sur la table :
D'où viennent les 8 milliards du #planpauvreté sur 4 ans annoncés par @emmanuelmacron? c'est simple, des 8 milliards en moins sur 2 ans pour les APL, les prestations familiales et les retraites avec le blocage sous l'inflation. Un beau discours pour zéro euro #presidentdesriches
— SĂ©golène Neuville (@s_neuville) September 13, 2018
Crainte sur les futures contractualisations
L’annonce de contractualisation entre les collectivitĂ©s et l’Etat pour obtenir les fonds annoncĂ©s, avec obligation de rĂ©sultats pour les territoires, est vue, elle, avec circonspection.
« Nous allons faire très attention Ă la contractualisation proposĂ©e. Je comprends bien les encouragements. Mais le malus, Ă©videmment, nous fait tiquer », explique FrĂ©dĂ©ric Bierry. De son cĂ´tĂ©, l’Association des maires de France estime qu’ « il est inacceptable que soit imposĂ©e aux collectivitĂ©s une obligation de rĂ©sultats en matière de lutte contre la pauvretĂ© et que les expĂ©rimentations prĂ©vues ne soient pas Ă©tendues Ă toutes les catĂ©gories de territoires, notamment les communes rurales et les petites villes ».
Pas un vrai revenu universel
En annonçant la crĂ©ation d’un « revenu universel d’activitĂ© », Emmanuel Macron a repris une expression qui avait animĂ© de nombreux dĂ©bats lors de la campagne prĂ©sidentielle de 2017 : la crĂ©ation ou non d’un revenu universel. La version du prĂ©sident de la RĂ©publique est très cadrĂ© : sous condition de revenu et en contre-partie d’une recherche d’emploi. Une dĂ©finition qui ne plaĂ®t pas aux tenants de la mise en place du revenu de base.
Philippe Grosvalet, prĂ©sident (PS) de Loire-Atlantique regrette ainsi que le revenu universel d’activitĂ© « manque d’ambition et aurait pu s’inspirer utilement » de la proposition des dĂ©partements de gauche d’un revenu de base.
Une critique reprise par le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB) : « Le PrĂ©sident Ă©voque la nĂ©cessitĂ© de “garantir Ă chacun un filet de sĂ©curité”. Pourtant, ce revenu universel d’activitĂ© serait particulièrement conditionnĂ© : si une personne refuse deux offres d’emplois “raisonnables”, elle perdra ce revenu. Jusqu’à prĂ©sent, ni le RSA ni le RMI avant lui n’ont Ă©tĂ© autant conditionnĂ©s, car ils constituaient le dernier filet de sĂ©curitĂ© sur lequel pouvaient compter les personnes les plus prĂ©caires. »
Les associations aussi attendent de voir…
Les associations de lutte contre la pauvreté attendaient beaucoup de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. François Soulage, président du collectif Alerte qui regroupe les principales associations, a fait le point pour la Gazette :

L’obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans est également à saluer. Les décrocheurs doivent être repérés par l’Education nationale et orientés vers les Missions locales qui font un travail de proximité.
En revanche, en ce qui concerne les 18 – 25 ans, l’absence d’incitation financière, en contrepartie d’un travail d’accompagnement global, est une déception. Je ne vois pas comment ces jeunes vont rentrer dans une logique d’accompagnement sans revenus.
On retrouve cette absence d’incitation pour les chômeurs de longue durée. Ils doivent s’engager dans un accompagnement renforcé et global sans aucune contrepartie financière. C’est regrettable. Nous avions demandé une allocation complémentaire pour ces allocataires du RSA ou de l’ASS qui s’engageront dans un parcours d’insertion.
Notre espoir rĂ©side dans les concertations qui vont ĂŞtre entamĂ©es pour la crĂ©ation du Revenu universel d’activitĂ© – la grande surprise du plan. Nous allons nous battre pour introduire cette allocation complĂ©mentaire pour les jeunes et pour les adultes Ă©loignĂ©s de l’emploi qui signeront un contrat d’engagement rĂ©ciproque et qui accepteront des activitĂ©s occupationnelles. Nous allons Ă©galement veiller Ă ce que ces activitĂ©s correspondent au profil des personnes. »
Thèmes abordés








