La maîtrise de la dépense inefficace comme celle de la dette excessive – dont on sait qu’elle ne peut monter jusqu’au ciel -, est une question d’hygiène collective. Avec pour objectif de plafonner ces indicateurs, le gouvernement s’attelle, dans la loi de programmation des finances publiques, à donner un cadre législatif au « nouveau pilotage national des finances locales », qui doit faire oublier la réduction sauvage des concours de l’Etat. Ainsi, l’article 10 organise la contribution des collectivités à l’effort de réduction du déficit public, tandis que l’article 24 instaure des règles prudentielles complémentaires sur l’endettement.
Une démarche expérimentale de certification des comptes
Parallèlement, et ce depuis plusieurs années, de nombreuses institutions (Parlement, Cour des comptes, direction générale des finances publiques) plaident l’amélioration de la performance de gestion au service de la démocratie en usant de régularité, de sincérité et de fidélité des comptes locaux. En ce sens, nombre de collectivités se sont inscrites dans une démarche expérimentale de certification des comptes ou, à tout le moins, de consolidation de leur fiabilité.
Au-delà des questions politiques que pose le risque d’affadissement de l’autonomie locale (et accessoirement l’effet sur le mode de gestion des services publics dont on tend à favoriser l’externalisation), la conjonction des logiques de contrôle budgétaire et de sincérité financière suscite des interrogations quant à leur efficacité à long terme.
En effet, il n’est pas rare de constater que les approches punitives, en l’espèce, réduire les dotations ou les investissements en cas de dérapage de la dépense ou de la dette au-delà d’une norme, peuvent produire des phénomènes pervers avec des résultats inverses de ceux recherchés.
Ainsi, à titre d’exemple, un ordonnateur sera tenté d’oublier ses rattachements des charges à l’exercice, de provisionner ses risques, d’annuler des créances douteuses ou de passer des charges exceptionnelles, pourtant essentielles à la sincérité de son bilan, si cela conduit à augmenter son ratio de dépense et impacte les dotations qu’il recevra l’année suivante. La qualité comptable s’en ressentira immanquablement, faussant d’autant le calcul du risque et encourageant des comptes « Potemkine », potentielles bombes à retardement budgétaires.
Le désastre des emprunts toxiques nous rappelle que le respect des normes formelles peut cacher les pires sottises sous l’empire de la nécessité politique et du jeu des experts fous.
Limiter les effets de biais et autres artifices
Le calibrage des périmètres comptables ainsi que la cohérence entre les mécanismes incitatifs et les enjeux précités seront donc essentiels pour réussir cette régulation et limiter les effets de biais et autres artifices qui découlent trop souvent des constructions hâtives. La contractualisation complémentaire avec les services déconcentrés peut constituer une piste intéressante si le « dialogue » est effectif et adapté aux problématiques locales, mais elle n’est pas très conforme à l’esprit de la décentralisation et exige des moyens.
La difficulté de l’exercice résidera surtout dans l’asymétrie d’information entre les organes de contrôle et les ordonnateurs locaux, laissant craindre que le marteau, quelle que soit la longueur du manche, frappe sans discernement.
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