Le secteur industriel français de la batterie atteint sa charge critique. A Dunkerque, du 1er au 3 avril, près de 70 entreprises, majors ou sous-traitantes, ont tenu à rencontrer lors de Batteries Event près d’un millier de professionnels et nourrir des débats stratégiques et prospectifs sur le secteur pour faire passer un message fort et clair : « il faut communiquer sur la réalité des projets et témoigner de la structuration de la filière », martèle Rafael Ponce, directeur général adjoint de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) et directeur général d’Ecosystème D, l’organisateur de l’événement.
Sur le territoire nordiste, l’enjeu est devenu capital. Dans leur plan global de réindustrialisation décarbonée, les acteurs locaux misent sur plusieurs gigafactories de batteries pour accueillir potentiellement, tous projets industriels inclus, 20 000 nouveaux emplois. Deux d’entre elles sont sur le point de devenir réalité : le bâtiment de 500 000 m2 du fabricant français de batterie lithium-ion Verkor devrait être mis en service d’ici la fin de l’année pour une capacité de production de 16 GWh et 1200 emplois directs.
Le taiwanais ProLogium Technology a de son côté obtenu son autorisation, en début d’année, pour construire une usine à batteries solides et semi-solides à partir de septembre 2025, pour un coût total évalué à 5,2 milliards d’euros, dont 1,5 milliard subventionné par l’État. Le groupe asiatique ambitionne de produire pas moins de 48 GWh d’ici 2030, créer 3000 emplois directs et même 12 000 emplois indirects. A terme, il pourrait sortir du territoire dunkerquois la moitié de la capacité de production de batteries françaises, selon Avicenne Energy, cabinet de consulting spécialisé dans l’industrie.
« Il y a deux ans, tout le monde se voyait beau »
Ces prévisions se vérifieront si le marché, détenu à près de 80 % par les chinois dont 33 % rien que par le géant CATL, tient toutes ses promesses initiales. Or, depuis quelques mois, « les nuages s’accumulent » reconnait Rafael Ponce. « Il y a deux ans, tout le monde se voyait beau, mais le chemin est beaucoup plus difficile que prévu », glisse Christophe Pillot, directeur d’Avicenne Energy.
Pour expliquer ce hoquet soudain, le spécialiste égrène les renoncements plus ou moins avoués des constructeurs automobiles : Toyota qui ramène son objectif de production de véhicules électriques de 1,5 à 1 million en 2026, Volkswagen qui veut réduire d’au moins 40 GWh sa capacité de batterie d’ici 2030 par rapport à ses objectifs fixés en 2021, Renault qui renonce à sa stratégie tout électrique d’ici 2030, ou Mercedes-Benz qui retarde de 5 ans son ambition d’atteindre 50 % de ses ventes avec des véhicules électriques.
Ce dernier, associé à Stellantis et Total Energies, va jusqu’à fragiliser l’usine ACC du site de Douvrin Billy-Berclau, entre Lens et Lille, dont ils sont pourtant co-actionnaires, en annonçant la construction d’un nouveau site en Espagne qui devrait produire à partir de 2026, 50 GWh de capacité batterie avec le géant chinois CATL. Cette entreprise du Pas-de-Calais, dont la première ligne de production d’une capacité de 15 GWh est déjà en activité, connait un démarrage difficile avec une suppression d’une centaine de postes, même si elle a réussi à lever 850 M€ pour une seconde ligne d’une capacité de 13GWh, selon le site de ressources documentaires sur l’industrie Techniques de l’Ingénieur. Pas forcément de quoi rassurer les acteurs dunkerquois sur l’avenir de la filière.
Les acteurs dunkerquois réduisent les voiles
La mise sous chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites du suédois Northvolt ou les suspensions d’usines du fabricant ACC en Allemagne et Italie, portent également un vent froid jusqu’aux pieds de la statue de Jean Bart, symbole vibrant du dunkerquois. ProLogium a ainsi fait savoir qu’elle ramenait son ambition de 48 à 16 GWh maximum d’ici 2030, avec un démarrage à partir de 2027 de seulement 2 à 4 GWh.
De son côté, le français Orano et le chinois XTS New Energy, coentrepreneurs du projet dunkerquois de giga-factory de batteries Néomat, va « réajuster son planning compte tenu du ralentissement des ventes de véhicules électriques » justifie Philippe Hatron, son directeur, venu en voisin au salon de la batterie. L’ajustement consiste en « un phasage du projet qui prévoit une production de 100 000 tonnes de matériaux actifs de cathodes à l’horizon 2035. Au lieu d’y aller d’un seul coup, nous allons démarrer avec une phase à 50 000 tonnes » précise-t-il. Son urgence est surtout « d’avoir nos décisions d’investissement » pour lancer la première phase à l’horizon 2028. La seconde phase sera lancée « quand les conditions de marché seront réunies ». Ce ne sera donc pas pour tout de sui ...
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes
Thèmes abordés
Régions