Dans la catégorie bateaux de plaisance, 90 % d’entre eux restent 90 % du temps au port. Or, bon nombre sont équipés de capteurs solaires ou d’éoliennes qui produisent de l’énergie. Une énergie dormante, certes faible, mais perdue. Partant de ce constat, Jean-Pierre Nicol, expert en batteries et sources d’énergie pour les bateaux, et Bertrand Castelnérac, navigateur, se sont associés à trois autres experts du secteur nautique pour créer la start-up Littoral énergies partagées, en mars 2024. Présentée dès 2022 au port de Kernével, géré par la société d’économie mixte Sellor, l’idée fait mouche.
« Nous avons eu un super accueil, notamment de Patrice Valton, président de la Sellor et maire de Larmor-Plage, car nous étions en pleine crise de l’énergie », raconte Bertrand Castelnérac. Leur dispositif ? Comptabiliser la production d’énergie du bateau, mais aussi sa consommation. Une solution d’autant plus intéressante que très peu de ports chiffrent l’eau et l’énergie de manière individuelle. Sur le ponton, leur accès étant libre et gratuit, le plaisancier ne paie qu’un abonnement annuel fixe.
Passe à ton voisin
En 2024, la start-up installe des panneaux solaires sur un lodge boat servant de démonstrateur et sur un bateau de plaisance. « Ces installations produisent pour elles-mêmes et leurs voisins de ponton via un appareil onduleur-chargeur grâce auquel l’électricité entre et sort. Notre concept de “smart-grid” permet de reconnaître le plaisancier lorsqu’il se branche sur sa borne. Mais cela demande de modifier toutes les bornes des ports », explique le cofondateur.
L’expérimentation de Kernével révèle qu’entre juin 2024 et février 2025, la production s’élève à 2,5 mégawattheures. « Par extrapolation, le calcul montre que si 25 % de la flotte étaient équipés de production d’énergie, cela permettrait de couvrir la moitié de la consommation du port. A ce jour, 150 bateaux, soit 15 % du port, sont équipés », souligne l’entrepreneur.
En quête de financement
Le futur port de Lorient, ainsi que ceux de Brest et Marseille, se sont déjà intéressés à ce dispositif, lauréat des Trophées « innovation océan » en novembre 2024. Pour développer l’expérimentation, la start-up compte embaucher deux salariés en mai, puis un directeur général. Si les finances suivent.
Car à ce jour, la société dispose d’un capital de 50 000 euros. La région Bretagne a financé l’étude de faisabilité et la start-up a déposé un nouveau dossier de financement. Parallèlement, elle a lancé une campagne de financement participatif et organisera une nouvelle levée de fonds destinée à développer le kit de raccordement « boat to grid » qu’elle souhaite prochainement mettre en vente. Avec un objectif final : créer la première communauté de plaisanciers-producteurs d’énergie.
« Les gestionnaires du port soutiennent le projet »
« Nous sommes engagés dans la démarche “port propre” depuis 2017, indique Florent Le Moigno, maître du port de Kernével à Larmor-Plage (8 300 hab., Morbihan). Kernével était le premier port breton certifié et l’aspect énergie est essentiel. Depuis 2022, le port interdit aux propriétaires de brancher leur bateau en leur absence. Ceci nous a permis de réduire notre consommation de plus de 300 mégawattheures par an en 2021 à 160 mégawattheures en 2024.
Dans la même logique, nous mettons à disposition de Littoral énergies partagées notre lodge boat, hébergement insolite que nous louons à la nuitée. La Sellor a financé l’achat des panneaux solaires et la start-up, leur installation. Nos élus soutiennent aussi le projet. Mais il faudra lever un frein juridique, car la réinjection sur le domaine public maritime n’est pas encore encadrée. »
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