La participation des habitants subit des « cycles d’enchantement, désenchantement, réenchantement et des phénomènes de mode sur les dispositifs, a souligné d’entrée Rémi Lefebvre. Il y a une situation un peu ambiguë avec un impératif participatif qui s’est généralisé dans les collectivités –et certains élus multiplient les dispositifs – et finalement parfois il y en a trop, comme s’il fallait toujours surenchérir sur la démocratie participative ». A tel point que, ajoute le politologue, beaucoup d’élus « ne peuvent pas dire qu’ils ne sont pas pour », même s’ils « n’y croient pas trop, ne la trouvent pas très efficace car elle mobilise toujours les mêmes personnes et ralentit les processus de décision ».
Le politologue observe ainsi le développement des listes citoyennes aux élections locales, associé au reflux des partis politiques traditionnels qui favorise les démarches participatives, notamment les budgets participatifs. Mais, après s’être multipliés, ces dispositifs sont désormais en perte de vitesse, selon Rémi Lefebvre, car ils n’ont « pas tenu toutes leurs promesses ». La « nouvelle mode », poursuit-il, est aux conventions citoyennes et jurys citoyens.
Millefeuille participatif ?
A Rouen, la ville déploie une convention citoyenne, une assemblée citoyenne, des débats des mémoires et un droit d’initiative locale, « c’est-à-dire la possibilité pour un citoyen de poser une question qui sera débattue en conseil municipal si 1500 personnes soutiennent son projet », liste Hervé Debruyne, directeur adjoint chargé de la communication de la ville. Le hic : aucune question n’a été posée par ce biais depuis 2020, « ça ne prend pas », a-t-il observé.
A Pontoise (Val-d’Oise), la ville met en place peu à peu des dispositifs de participation citoyenne, mais se heurte à la difficulté d’attirer les habitants des quartiers les plus populaires, a remarqué Isabelle Onillon, directrice de la communication. Autre biais constaté : les participants les plus réguliers sont surtout mobilisées contre les projets évoqués.
La participation ne va en effet pas de soi, en particulier réussir à faire participer les habitants des catégories populaires, qui se sont éloignées de la vie politique, même locale.
Il y a une sorte de malentendu, souligne Rémi Lefebvre : une partie de la population, « une bonne moitié », n’en a pas envie. Au-delà des modalités pratiques, comme le tirage au sort ou la rémunération, le politologue a insisté sur la nécessité de légitimer les dispositifs proposés car selon lui « il vaut mieux ne pas avoir de participation qu’un simulacre de participation ».
Le « sentiment de se faire avoir », réel ou craint, produit une défiance durable. Pour l’éviter, insiste-t-il, « il faut produire de la confiance, être clair sur les objectifs, ne pas survendre la participation mais valoriser ce qu’elle produit et prévoir un droit de suite. »
Produire de la confiance
Il faut aussi que les dispositifs donnent envie de participer. La ville de Loos-en-Gohelle, dans un secteur du Pas-de-Calais où le paternalisme est pourtant très ancré, semble y parvenir, par exemple avec son programme « Fifty-fifty » créé par l’ancien maire, Jean-François Caron. Les habitants qui ont un projet le présentent au service concerné et s’il est retenu, ville et habitant (ou groupe d’habitants) signent une convention organisant leurs participation et responsabilités respectives.
Lors de « Chti Tdex », « des moments de réflexivité et de convivialité, ils mettent en récit ces projets, ce qui a marché ou les points de blocages, pour donner envie aux autres de s’impliquer aussi », a présenté Sébastien Trioux, responsable communication.
Pour Rémi Lefebvre, « la variable décisive du déclenchement de la participation, ce sont des élus qui y croient ». Et une administration locale qui ne traîne pas des pieds. Pour développer la culture de la participation dans les services, les budgets participatifs constituent d’ailleurs, à son avis, une opportunité pertinente.
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