1 ÉTYMOLOGIE
Au XVIIe siècle, le handy-cap est un troc associé à un pari où l’arbitre mise dans la casquette (hand in cap) avec deux partenaires. Un siècle plus tard, c’est aux chevaux que se réfère ce terme : il désigne un genre de course où les différences de valeur sportive sont neutralisées par une surcharge de poids et, ainsi, un désavantage imposé à un concurrent en vue d’égaliser les différences. Dans ce contexte, nous parlons de handicap parce que nous voulons que chacun soit « dans la course ». Le mot handicap a été transféré aux domaines médicaux et sociaux après une longue histoire où il ne désigne plus la situation mais bien ce qui la modifie, ce qui la rend plus difficile : le handicap est maintenant ce qui fait obstacle à l’égalité des chances et non plus l’inverse.
2. LES DÉFINITIONS DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ
En 1980, l’Organisation mondiale de la santé a aidé à la clarification de la notion de handicap en publiant, pour la première fois et à titre expérimental, une classification internationale des handicaps (CIH). Immédiatement considérée comme une avancée conceptuelle, cette classification fut remplacée en 2001 par une nouvelle classification appelée : classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF). La CIH constitue cependant encore la trame de l’analyse actuelle de la notion de handicap, sous-tendue par son approche médicale du handicap.
a. Définition de l’OMS de 1980
(classification internationale des handicaps – CIH)
Dans la perspective de proposer un langage uniformisé et normalisé, les mots n’ayant pas le même sens d’un pays à l’autre, l’Organisation mondiale de la santé a donc proposé en 1980 une classification connue sous le nom de classification de Wood, inspiré des travaux de l’épidémiologiste Philip Wood, et connue en français sous le titre de « classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH). »
Selon l’OMS, « est handicapé un sujet dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge, d’une maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromis ».
La classification de l’OMS de 1980 distingue trois plans : la déficience, l’incapacité et le désavantage. Selon cette classification : le handicap est une (ou des) pathologie(s)
qui crée(nt) une (ou des) déficience(s)
qui amène(nt) une (ou des) incapacité(s)
qui provoque(nt) un (ou des) désavantage(s) social(aux).
La déficience correspond à toute perte ou anomalie d’une structure ou d’une fonction psychologique ou physiologique. Plusieurs maladies peuvent s’accompagner de la même déficience.
La classification internationale des handicaps (CIH) retient neuf catégories de déficiences qui font elles-mêmes l’objet de nombreuses subdivisions.
- Les déficiences intellectuelles :
- les déficiences de l’intelligence (retard mental) ;
- les déficiences de la mémoire (amnésie) ;
- les déficiences de la pensée (déroulement, contenu, restriction).
- Les déficiences du psychisme :
- les déficiences de la conscience et de l’état de veille ;
- la déficience de la perception et de l’attention ;
- la déficience des fonctions émotives et volitionnelles (capacité à vouloir) ;
- les déficiences du comportement.
- Les déficiences du langage et de la parole.
- Les déficiences auditives :
- déficiences de l’acuité auditive.
- Les déficiences de l’appareil oculaire :
- les déficiences de l’acuité visuelle : totale, partielle, d’un ou des deux yeux ;
- autres déficiences : champ, couleur…
- Les déficiences des autres organes :
- déficiences des organes internes : déficiences mécaniques et motrices, des fonctions cardio-respiratoires, gastro-intestinales, urinaires ;
- déficiences d’autres fonctions spécifiques : mastication, déglutition…
- Les déficiences du squelette et de l’appareil de soutien :
- déficiences de la région de la tête et du tronc ;
- déficiences mécaniques et motrices des membres : paralysie, spasticité (raideurs)…
Les déficiences esthétiques :
- altérations, difformités… de la tête du tronc et des membres.
- Les déficiences des fonctions générales, sensitives et autres déficiences :
- déficiences des fonctions générales : déficiences multiples, du métabolisme (transformations physico-chimiques…).
L’incapacité, résultante de la déficience, correspond à toute restriction ou absence d’aptitude, résultat d’une déficience, à exécuter une activité de la manière ou avec l’ampleur considérées comme normales pour un être humain. Une même incapacité peut correspondre à des déficiences variées. De même, elle peut être temporaire ou permanente, progressive ou régressive, réversible ou irréversible.
De même que pour la déficience, nous distinguerons neuf catégories :
- incapacités concernant le comportement ;
- incapacités concernant la communication ;
- incapacités concernant les soins corporels ;
- incapacités concernant la locomotion ;
- incapacités concernant l’utilisation du corps dans certaines tâches ;
- maladresses.
- incapacités révélées par certaines situations ;
- incapacités concernant des aptitudes particulières ;
- autres restrictions d’activité.
Le désavantage, résultat d’une déficience ou d’une incapacité, correspond à ce qui limite ou empêche l’accomplissement d’un rôle qui est normal pour cet individu (selon l’âge, le sexe et les facteurs sociaux et culturels).
Ce niveau concerne l’impact social des déficiences et des incapacités, leurs conséquences dans le cadre des relations sociales, les désavantages qu’elles occasionnent. On distinguera sept dimensions :
- désavantage d’orientation ;
- désavantage d’indépendance physique ;
- désavantages de mobilité ;
- désavantage d’occupation ;
- désavantage d’intégration sociale ;
- désavantage d’indépendance économique ;
- autres désavantages.
Illustrations pour comprendre le processus du handicap selon la définition de l’OMS de 1980
Exemple 1
Supposons un patient qui a souffert d’un accident vasculaire cérébral et présente une hémiplégie gauche modérée. Cette hémiplégie gauche constitue un handicap. Il s’accompagne d’une baisse de la force musculaire des membres gauches et d’une limitation de la mobilité volontaire correspondante : c’est la déficience. Cela se manifeste concrètement par une difficulté à monter les marches d’une hauteur supérieure à trente centimètres : c’est l’incapacité. Sur le plan des rôles sociaux, on constate une impossibilité à utiliser l’autobus et donc à se rendre au travail : c’est le désavantage social.
Exemple 2
Supposons maintenant un enfant qui présente une perturbation névrotique : c’est un trouble psychopathologique. La manifestation la plus importante est un blocage de l’apprentissage de la lecture : c’est une incapacité. Pour peu que le vécu d’échec s’exprime par des troubles du comportement (autre incapacité), l’enfant ne peut plus participer à une scolarité normale : c’est le désavantage social.
b. Définition de l’OMS de 2001 (classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé – CIF)
Cette nouvelle classification constitue une révision de la classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH). Cette classification est le résultat de tests systématiques effectués sur le terrain ainsi qu’une consultation internationale qui s’est étendue sur cinq années. Elle fut entérinée lors de la 54e assemblée mondiale de la santé le 22 mai 2001 (résolution WHA54.21).
La CIF s’est éloignée d’une classification des conséquences de la maladie (version 1980) pour devenir une classification des composantes de la santé(1)
Afin d’étudier les déterminants de la santé ou les facteurs de risque, la CIF comprend une liste de facteurs environnementaux qui permettent de décrire le contexte dans lequel vit chaque individu.
- fournir une base scientifique pour comprendre et étudier les états de la santé, les conséquences qui en découlent et leurs déterminants ;
- établir un langage commun pour décrire les états de la santé et les états connexes de la santé afin d’améliorer la communication entre différents utilisateurs, notamment les travailleurs de santé, les chercheurs, les décideurs et le public en général, y compris les personnes handicapées ;
- permettre une comparaison des données entre pays, entre disciplines de santé, entre services de santé et à différents moments ;
- fournir un mécanisme de codage systématique pour les systèmes d’information sanitaire.
La CIF circonscrit le champ de ses composantes de la manière suivante.
- Les fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques (y compris les fonctions psychologiques).
- Les structures anatomiques(2) désignent les parties anatomiques du corps, telle que les organes, les membres et leurs composantes.
- Les déficiences désignent des problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique, tels qu’un écart ou une perte importante.
- Une activité désigne l’exécution d’une tâche ou d’une action par une personne.
- La participation désigne l’implication d’une personne dans une situation de vie réelle.
- Les limitations d’activité désignent les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution d’activités.
- Les restrictions de participation désignent les problèmes qu’une personne peut rencontrer dans son implication dans une situation de vie réelle.
- Les facteurs environnementaux désignent l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent.
La CIF organise l’information en deux parties. La partie 1 traite du fonctionnement et du handicap, la partie 2 recouvre les facteurs contextuels. Chaque partie comporte deux composantes, chacune pouvant être désignée en termes positifs ou négatifs.
- Partie 1 : Fonctionnement et handicap.
- La composante « organisme » comprend deux classifications, une pour les fonctions organiques(3) et une pour les structures anatomiques(4). Les différents chapitres des deux classifications sont organisés selon les systèmes organiques.
- La composante « activités et participation » couvre la gamme complète des domaines définissant les aspects du fonctionnement, aussi bien du point de vue de la personne en tant qu’individu que du point de vue de la personne en tant qu’être social.
Partie 2 : Les facteurs contextuels.
- Une liste de facteurs environnementaux constitue la première composante des facteurs contextuels. Ces facteurs environnementaux ont un impact sur toutes les composantes du fonctionnement et du handicap et sont organisés de manière à aller de l’environnement le plus proche de l’individu à l’environnement le plus global.
- Les facteurs personnels constituent l’autre composante des facteurs contextuels. Ils ne sont cependant pas intégrés à la CIF en raison des importantes variations sociales et culturelles qui leur sont associées.
La CIF peut ainsi se résumer selon le tableau 1.1.
3. LA DÉFINITION FRANÇAISE DU HANDICAP
Il existe une nouvelle définition donnée par la loi du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » (L. 114 CASF)
En définissant le handicap comme une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société, l’environnement devient constitutif de celui-ci : ce n’est pas l’altération fonctionnelle qui constitue le handicap mais ses conséquences en termes de capacité et de participation.
Ainsi la liste des altérations fonctionnelles s’en trouve élargie en passant de trois champs, handicap physique, handicap mental, handicap sensoriel, préalablement mentionnés dans la loi d’orientation du 30 juin 1975, à sept catégories :
- le trouble invalidant de santé ;
- le handicap physique ;
- les troubles sensoriels ;
- le handicap mental ;
- le handicap cognitif ;
- le handicap psychique ;
- le polyhandicap.
C’est sur la base des six dernières catégories que nous allons, dans cet ouvrage, vous donner un aperçu général des handicaps. Les troubles invalidant de la santé qui prennent en compte les affections tels que le diabète ou les insuffisances respiratoires ne seront pas ici traités. Néanmoins,nous allons, dans la fiche suivante (fiche 2), définir l’ensemble des sept catégories.
OMS (2008), Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé.
Version pour enfants et adolescents (CIF-EA), Paris, CTNERHI.
La classification internationale du fonctionnement (CIF) est téléchargeable, en français, sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à l’adresse : http://www.who.int/classifications/icf/en/
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Les composantes de la santé définissent ce qui constitue la santé, alors que les conséquences se focalisent sur l’impact de la maladie ou tout problème de santé qui peut en résulter. Retour au texte
Note 02 Désignent les parties anatomiques du corps telles que les organes, les membres et leurs composants. Retour au texte
Note 03 Désignent les fonctions physiologiques, y compris les fonctionnements psychologiques. Retour au texte
Note 04 Désignent les parties anatomiques du corps telles que les organes, les membres et leurs composants. Retour au texte