La Cour des comptes a conduit, en liaison avec les chambres régionales des comptes, une expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales.
Sur les cinquante collectivités qui avaient fait acte de candidature, vingt-cinq ont été retenues pour l’expérimentation et ont conventionné avec la Cour des comptes jusqu’à la fin des travaux (en 2023).
Le travail s’achevant, la Cour des comptes a établi un bilan définitif à destination du gouvernement et du Parlement, sur les conditions de la certification des comptes du secteur public local, qu’il s’agisse de la nature des états financiers, des normes comptables applicables, du déploiement du contrôle interne comptable et financier ou encore des systèmes d’information utilisés.
Certification vertueuse
La principale conclusion est que la certification des comptes publics locaux devienne obligatoire pour les régions et les départements, ainsi que pour les autres collectivités, selon un ou des seuils qui sont à préciser.
Pourquoi ? Tout simplement car l’expérimentation a clairement démontré que la fiabilité des comptes des collectivités concernées avait substantiellement progressé permettant de se rapprocher de l’objectif énoncé au second alinéa de l’article 47-2 de la Constitution : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
Au-delà, on ne peut que constater que la certification permet de rapprocher le comptable du physique et de manière générale de pallier les faiblesses du cadre comptable des collectivités qui n’est pas assez bilantiel. Pour preuve, les collectivités ne suivent et ne votent pas de bilan avec leur compte administratif. Seul le compte de gestion adopté au même moment contient un bilan qui n’est que comptable… Et pas du tout économique.
Certification obligatoire
Pour généraliser la certification, la Cour envisage des seuils définis selon des critères financiers ou démographiques, comme le niveau du budget de fonctionnement des collectivités correspondant au niveau de chiffre d’affaires dans le secteur privé exigeant une certification annuelle. Selon ce critère : 3 573 collectivités devraient faire l’objet d’une certification annuelle de leurs comptes, soit 5,4 % du nombre total de collectivités territoriales et 86 % du total des budgets de fonctionnement.
Autre possible envisagé : le niveau de budget des établissements publics de santé (100 M€ de produits du compte de résultat principal) qui impliquerait une obligation de certification pour 347 collectivités locales.
Enfin, si le seuil financier retenu était semblable à celui des contrats dits « de Cahors », soit les collectivités locales dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 M€, la démarche de certification concernerait 568 collectivités. Les autres collectivités territoriales pourraient se voir proposer un mode alternatif à la certification (examen limité annuel, audit périodique des comptes, mission de présentation des comptes). La Cour est néanmoins d’avis que la certification annuelle, qui constitue le mode de fiabilisation le plus abouti et le plus complet, devrait être privilégiée.
Les magistrats financiers des comptes indiquent que l’intervention d’un auditeur externe serait souhaitable pour assurer, non seulement la régularité, mais aussi la sincérité et l’image fidèle des comptes de ces collectivités. Elle constituerait une contribution à la transparence de la gestion publique, pour les responsables de leur gestion et pour l’ensemble des élus et des citoyens.
Des évolutions comptables nécessaires
La certification suppose une évolution du cadre comptable. Sans être exhaustif, quelques propositions majeures émergent.
La mise en œuvre d’un compte financier unique à l’échelle de l’entité, fiable et lisible par tous apparaît indispensable. La Cour estime qu’un rapport de gestion devrait s’imposer afin d’exposer aux élus et aux citoyens la situation financière de chaque collectivité, comme cela est déjà le cas pour d’autres établissements publics.
Dans le même sens, il faut faire évoluer le référentiel comptable et lui conférer une valeur réglementaire. L’instruction budgétaire et comptable M57 a constitué le référentiel comptable retenu pour l’expérimentation, en l’absence d’un recueil des normes achevé et approuvé par voie réglementaire.
Le contrôle interne doit être rendu obligatoire, comme le prévoit, pour d’autres entités publiques, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
La Cour pointe aussi que les élus doivent être associés pleinement à cette évolution salutaire, gage de transparence de l’action publique.
De manière plus technique, la Cour pointe :
- le potentiel d’amélioration des performances d’Hélios ;
- le besoin d’accès aux informations détenues par des tiers, en particulier relatives aux immobilisations mises en concession ou mises à disposition, aux subventions d’investissement versées, aux recettes fiscales, aux charges d’intervention et aux fonds européens gérés par les régions ;
- la nécessité de disposer d’un référentiel d’audit propre au secteur public local, afin de prendre mieux en compte les spécificités du secteur public local.
Si la Cour est suivie, la généralisation de la certification devrait s’effectuer par vagues successives, comme cela avait été fait pour la certification des hôpitaux, et sur une durée n’excédant pas cinq années après la promulgation de la loi. Durant cette phase, les collectivités auront besoin d’un accompagnement afin d’effectuer notamment un état des lieux à travers un diagnostic global d’entrée et d’audits ciblés, comparable à celui réalisé en 2017 pour les entités expérimentatrices. Ce diagnostic est essentiel pour structurer un plan d’action permettant de changer en profondeur la gestion comptable et financière afin de la tourner vers les risques. Dit autrement, le passage du monde comptable au monde réel…
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