« J’aurai besoin de »…10 milliards. Le candidat Emmanuel Macron a envoyé samedi 26 mars une lettre à tous les maires de France confirmant » des engagements réciproques [..]pour contribuer à l’indispensable maîtrise de la dépense publique ». Il fait référence, sans l’expliciter, aux 10 milliards de contribution au redressement des comptes publics évoqués par le rapporteur du Budget Laurent-Saint-Martin lors d’un grand oral des candidats organisé le 22 mars par France Urbaine et Intercommunalités de France. Une manière pour le moins alambiquée d’annoncer le retour de la contractualisation. Le ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt l’avait pourtant révélé sur le Club le 4 mars dernier dans une interview dans nos colonnes : « le chantier de la contractualisation sera rouvert par le prochain gouvernement si le président de la République est réélu ».
Si Emmanuel Macron est réélu pour un quinquennat supplémentaire, les élus locaux pourront donc célébrer en 2026 –chichement forcément – les dix ans d’assistance à comptes publics en danger, si on débute le compteur à partir de la baisse des dotations. Certains pourront même souffler ces tristes bougies dès 2024 s’ils lancent le chronomètre à partir du gel de ces mêmes dotations.
Proportionnalité de l’effort
Les acteurs locaux le répètent souvent : d’accord pour participer, mais à hauteur de leur poids dans la dette, soit peu ou prou 8 %, voire même leur part dans la dépense publique, environ 20 % du total. Or, l’ardoise totale présentée par le candidat Macron pour redresser les comptes publics s’élèverait à 20 milliards. Demander 10 milliards aux collectivités, c’est donc exiger la moitié de l’effort aux collectivités, soit une part bien supérieure à leur « empreinte » dans les comptes publics.
Leur poids est d’ailleurs à relativiser au vu des efforts de gestion déjà effectués. Grâce à eux, les élus locaux ont –rarement- permis de réduire la dette, mais toujours amorti les effets délétères des crises qui creusent les déficits publics d’Etat, comme l’a confirmé le 29 mars, le ministre délégué aux Comptes publics Olivier Dussopt : « Le déficit [est] une fois encore revu à la baisse à 6,5% pour 2021 (contre 8,2% prévus fin 2021) et une dette à 112,9%, loin des 120% un temps envisagé. La principale raison de cette amélioration est dans le compte des collectivités locales excédentaire de 4,7Mds€, soit plus qu’en 2018 (4,2Mds) » a-t-il twitté.
Et pour toute récompense des efforts faits, il y aura vraisemblablement au pied du sapin de Noël 2022 une loi de programmation incluant une économie de 10 milliards et des étrennes probablement sous forme d’un article dans la prochaine loi de finances portant sur la disparition de la CVAE.
l’esprit de la dépense publique dévoyée
La gestion corsetée, les élus locaux connaissent. Le mécanisme choisi sous ce quinquennat a eu pour caractéristique d’être bien moins violent que la baisse des dotations –l’effort portait sur les évolutions de dépenses des 322 plus grandes collectivités. Mais il a aussi eu l’effet pervers de ne pas tenir compte suffisamment des efforts de gestion déjà effectués par les meilleurs élèves avant la signature du contrat. Les collectivités cigales ont ainsi paradoxalement moins souffert que les fourmis de la limitation des dépenses à plus ou moins 1,2 % à partir d’un référentiel plus confortable que les collectivités économes.
Cette année, pas question de se laisser avoir. Profitant d’une petite ouverture entre un répit sanitaire et une échéance électorale nationale, les métropoles et régions ont multiplié les dépenses de fonctionnement et d’investissements comme ces éphémères qui se dépêchent de se reproduire avant de s’éteindre quelques heures plus tard. Ce qui est pris, n’est plus à rendre, ou du moins à un niveau plus supportable se sont-elles dit !
Entre un Etat qui pérennise sa dîme sur la bonne gestion locale et les collectivités qui pratiquent l’optimisation financière pour s’en accommoder au mieux, c’est l’esprit même de la dépense publique qui est minée par l’opposition insoutenable entre autonomie financière et fiscale : au nom de la première, l’Etat pioche à discrétion dans la ressource locale, dont la recentralisation permanente de la fiscalité locale n’est qu’un des avatars. Au nom de la seconde, les collectivités revendiquent une indépendance vite oubliée en cas de coup dur. De part et d’autres, il y a des choix à faire, et donc, des renoncements aussi.
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