LA SURDITÉ est un état pathologique caractérisé par une perte partielle ou totale du sens de l’ouïe. Dans son acception générale, ce terme renvoie le plus souvent à une abolition complète de l’audition. Dans le langage médical, surdité est synonyme d’hypoacousie (souvent employé pour les surdités légères ou moyennes). Pour la perte complète de ce sens, on parle d’anacousie ou de cophose. La surdité peut être :
- de transmission ;
- de perception ;
- mixte ;
- centrale.
1. REPÈRES SUR LES DÉFICITS AUDITIFS
Au niveau mondial, en 2004, plus de 275 millions de personnes souffraient de déficience auditive modérée à profonde. 80 % vivaient dans des pays à revenus faibles ou intermédiaire.
En France, en 2006, 4 092 000 personnes présentent un déficit auditif. Parmi celles-ci, 80 000 personnes sont nées sourdes profondes et pratiquent la langue des signes. 600 000 personnes malentendantes portent un appareil de correction auditive. 2,2 millions présentent un déficit léger entraînant une perte de 20 à 39 décibels (dB), 1,3 millions un déficit moyen (perte de 40 à 69 dB), 360 000 un déficit sévère (perte de 70 à 89 dB) et 120 000 un déficit profond (perte supérieure à 90 dB).
Le déficit auditif est étroitement lié à l’âge : plus on vieillit, plus les risques de présenter un déficit auditif sont importants. En France, les personnes présentant un déficit auditif moyen à profond ont :
- pour 10 % d’entre eux entre 41 et 50 ans ;
- pour 23 %, entre 51 et 60 ans ;
- pour 50 % entre 61 et 70 ans ;
- pour 75 % plus de 71 ans.
119 000 personnes utilisent la langue des signes française (LSF) en France métropolitaine.
2. L’AUDITION
L’audition est un sens essentiel dans les processus de communication que la personne entretient avec les autres et son environnement. La perception des sons ambiants et du langage apparaît indispensable au déroulement équilibré de la vie. La déficience auditive altère ainsi la communication et représente un handicap social souvent conséquent.
L’audition exerce deux fonctions :
- une fonction de communication par la parole et le langage ;
- une fonction de vigilance et d’alerte basée sur l’écoute permanente de l’ambiance sonore et de l’environnement proche.
Les sons sont des vibrations se propageant dans l’air sous forme de rapides variations de pression (onde). L’amplitude de ces ondes correspond à la sensation d’un son faible ou fort (intensité exprimée en décibel ou dB). Leur fréquence correspond à la sensation de sons graves et/ou aigus (exprimée en Hertz (Hz)) et le temps (exprimé en seconde). Ces sons, variables en amplitude, fréquence et durée, constituent alors des signaux, sous forme de bruits ou de paroles, que le système auditif réceptionne. Cette réception s’effectue en deux étapes qui utilisent deux niveaux fonctionnels :
- l’oreille (organe périphérique), qui capte les sons, les analyse et les transforme en influx nerveux ;
- un système central constitué des voies nerveuses et des aires auditives cérébrales dont la fonction est d’interpréter le message délivré par l’oreille.
L’oreille comprend trois parties ayant des fonctions distinctes :
- l’oreille externe est la partie la plus externe du conduit auditif. Elle constitue à la fois une protection et une caisse de résonance en concentrant les ondes sonores. Elle est constituée du pavillon et du conduit auditif fermé par une membrane élastique. Elle guide le son jusqu’à la membrane du tympan, membrane séparant l’oreille externe de l’oreille moyenne, dont le rôle est de capter les variations de pression sonore, comme le fait la membrane d’un micro.
- l’oreille moyenne est composée d’une chambre contenant de l’air appelée caisse du tympan. Celle-ci contient une chaîne de trois osselets reliant le tympan à la fenêtre ovale et assure la transmission des vibrations du tympan : le marteau, l’enclume et l’étrier. Elle est fermée sur l’oreille externe par la membrane du tympan et, sur l’oreille interne par l’intermédiaire des fenêtres rondes et ovales. Elle transmet les mouvements du tympan à l’oreille interne et se présente comme une cavité prolongée en avant par la trompe d’Eustache qui aboutit dans le pharynx. Par la déglutition, elle assure l’équilibre de pression entre l’oreille moyenne et l’extérieur, condition indispensable à la mobilité du tympan. • l’oreille interne appelée également labyrinthe est au coeur du système auditif. Elle est composée de plusieurs vestibules intervenant dans l’équilibre et de la cochlée (ou limaçon). Seule cette dernière est dédiée à l’audition.
La cochlée dont la forme rappelle celle d’une coquille d’escargot est un tube de 35 millimètres de long enroulé autour d’un axe creux contenant le nerf auditif. La cochlée abrite environ 15 000 cellules sensorielles appelées les cellules ciliées dont le rôle est déterminant dans l’audition.
Par l’intermédiaire de ces cellules, la cochlée exerce une triple action :
- amplificateur des vibrations qui lui parviennent ;
- analyseur des vibrations afin de les orienter en fonction de leur fréquence vers les fibres nerveuses qui lui sont connectées ;
- transformateur : elle transforme l’énergie vibratoire en influx nerveux.
3. CLASSIFICATIONS
Nous pouvons distinguer quatre niveaux de surdité :
La surdité de transmission
La surdité de transmission ou surdité de conduction est due à une atteinte de l’oreille externe ou moyenne. Elle provoque un déficit de la perception des sons graves et de la voix chuchotée. Le plus souvent, cette surdité n’est pas très grave, n’occasionne pas de distorsions et peut être facilement traitée.
La surdité de perception
La surdité de perception ou surdité neurosensorielle est due, le plus souvent, à une atteinte de l’oreille interne et, plus spécifiquement, de la cochlée : si la transmission du son se fait normalement, la perception par l’oreille interne (la cochlée) est défectueuse. Elle provoque un déficit des sons aigus. Les bruits ambiants perturbent la réception et la compréhension du message vocal : le sujet entend mais a du mal à comprendre. Les acouphènes sont fréquents. Les voix chuchotées et fortes sont mal perçues.
La surdité de perception peut être également provoquée par une atteinte du nerf auditif ou des voies nerveuses centrales de l’audition : on parle alors de surdité centrale.
La surdité mixte
Elle associe, à la fois une surdité de transmission et de perception.
a. Causes
Les causes sont multiples, elles peuvent être innées ou acquises et induire des déficits qui peuvent être stables ou évolutifs. Le plus souvent les causes sont maladives. Les maladies de l’oreille touchent les trois parties de l’oreille mais, la plus fréquemment touchée est l’oreille moyenne ; la maladie la plus fréquente étant l’otite.
Causes de la surdité de transmission
Quand l’atteinte se situe au niveau de l’oreille externe, la surdité peut être due à :
- une aplasie majeure (malformation du pavillon auriculaire et/ou du conduit externe) ;
- un bouchon de cérumen ;
- une otite externe (inflammation de la peau ou de la muqueuse) ;
- un corps étranger du conduit auditif externe ;
- un ostéome (tumeur osseuse bénigne) ;
- une luxation ou une fracture post-traumatique d’un ou plusieurs osselets.
Quand l’atteinte se situe au niveau de l’oreille moyenne, la surdité peut être due à :
- différentes formes d’otites : otite moyenne aiguë, otite moyenne chronique, otite séreuse ;
- une otospongiose(1) ;
- une perforation du tympan ;
- une malformation congénitale ; • une destruction de la chaîne ossiculaire (traumatisme, infection…) ;
- la tympanosclérose (dépôt de calcium et de phosphate dans le tympan) ;
- le cholestéatome (pseudotumeur inflammatoire) ;
- une tumeur de l’oreille moyenne.
Causes de la surdité de perception
Nous pouvons distinguer deux niveaux de surdité de perception : la surdité de perception endocochléaire (au niveau de l’oreille interne) et de perception rétrocochléaire (au niveau du nerf auditif).
La surdité de perception endocochléaire peut être due à :
- une fracture de l’os temporal pour des raisons post-traumatiques ;
- une infection (oreillons, méningite, zona) ;
- la maladie de Ménière (altération ou lésion du circuit labyrinthique) ;
- une hypothyroïdie ;
- un traumatisme sonore ;
- une surdité génétique.
La surdité de perception rétrocochléaire peut être due à une atteinte du nerf auditif (neurinome ou une autre tumeur).
b. La prise en charge de la surdité
Il y a lieu, tout d’abord, d’effectuer un bilan étiologique puis d’évaluer le degré de la surdité, la gêne sociale occasionnée de manière à déterminer le traitement approprié.
Seules les surdités de transmission sont accessibles à la chirurgie fonctionnelle. Toute intervention chirurgicale étant extrêmement délicate, il est souvent plus sage de proposer un appareillage. Cet appareillage consiste en un amplificateur électronique adapté au type de surdité. Il peut être en contour d’oreille ou intra-auriculaire. Un implant cochléaire peut être pratiqué dans le cas de surdité endocochléaire : il s’agit de poser, sous anesthésie générale, des électrodes dans la cochlée, un récepteur et simulateur sous la peau et des microphones et transmetteurs sur la partie externe du crane, le plus souvent, juste derrière l’oreille.
c. La communication
L’apprentissage de la lecture labiale constitue un mode de compréhension du langage verbal aidant mais assez insuffisant : la lecture labiale permet de percevoir moins de 30 % de l’information parlée (tout du moins en français).
En effet, la langue française utilise 36 sons correspondant à seulement douze images faciales. Des sons tels que le V et le F sont identiques et le R est invisible rendant ainsi la compréhension aléatoire.
Pour palier à ces difficultés, la méthode du langage parlé complété (LPC) a été développée. Elle consiste à associer un son à un geste de la main placé près du visage afin de coder les voyelles (position de la main) et les consonnes (position des doigts).
Enfin, la langue des signes française (LSF) constitue le moyen de communication le plus utilisé par les personnes sourdes et leur entourage. La LSF est constitutive de la culture sourde. Il s’agit d’un langage visuel, longtemps abandonné dans l’enseignement (de 1880 à 1991), constitué d’un alphabet dactylologique, d’une grammaire et de signes dits iconiques (mimant des actions). Il n’existe pas de langue des signes universelles et de nombreux pays se sont dotés de leur propre langue des signes. C’est le cas, notamment, de la Belgique (LSFB), du Québec (LSQ) mais également du Royaume-Uni ou des États-Unis.
Suggestions de sites internet
http://www.cis.gouv.fr/ : site du centre d’information sur la surdité (CIF) du ministère de la cohésion sociale.
http://www.unapeda.asso.fr/ : site de l’union nationale des associations d’enfants déficients auditifs.
http://www.acfos.org/ : site de l’action Connaissance Formation pour la surdité.
http://www.oreillemudry.ch/ : site très complet sur l’oreille, ses maladies et ses traitements.
Éléments de bibliographie
BLAIS M. (2009), Apprendre à vivre aux frontières des cultures sourdes et entendantes.
Histoires d’enfants entendants issus de parents sourds, Laval, Presses de l’Université Laval.
COLL. (2008), La surdité : Quelle(s) histoire(s), Paris, éd. L’Harmattan.
COLIN D. (1978), La psychologie de l’enfant sourd, Paris, Masson.
FRACHET B., VORMES E. (2009), Le Guide de l’audition, Paris, Odile Jacob.
LEPOT-FROMENT C., CLEREBAUT N. (1996), L’enfant sourd : communication et langage, Paris, éd. De Boeck.
GOODE D. (2003), Le monde sans les mots : comment l’identité sociale d’enfants sourds-muets et aveugles est-elle construite ?, Paris, Érès.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 L’otospongiose est la surdité-maladie la plus fréquente chez l’adulte. Il s’agit d’une dystrophie osseuse de la capsule labyrinthique d’origine génétique qui entraîne une ankylose de l’étrier et une surdité de transmission évolutive. Elle est évoquée d’emblée lorsque l’adulte est jeune, de sexe féminin (deux femmes pour un homme sont atteintes) sans antécédents otologique. Retour au texte