LA NOTION DE « HANDICAP » peut être appréhendée par le biais de la situation telle que perçue par les personnes concernées. Pour l’approche subjective, le lecteur pourra utilement se reporter à l’enquête qui a été menée de 1998 à 2002 par l’INSEE intitulée Handicaps, incapacités, dépendance (HID)(1).
De manière évolutive, la société, comme telle, définit également à chaque époque ce qui est considéré comme « handicap » et le rapport que cette société entretient avec ce que l’on a appelé longtemps « infirmité ». Pour une approche historique, sociologique et anthropologique de cette question, le lecteur pourra se reporter à l’ouvrage d’Henri-Jacques Stiker, Corps infirmes et société, Essai d’anthropologie historique (Dunod, 3e éd. 2005).
Dans la présente fiche nous nous en tiendrons à des définitions objectivées par une définition légale officielle issue de quatre sources juridiques :
- la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
- la définition du handicap dans le droit communautaire européen ;
- la définition de l’Organisation des Nations Unies (à travers la convention internationale) ;
- la définition française (à travers la loi du 11 février 2005).
LA DÉFINITION DE L’OMS
L’OMS a arrêté en 1980 une définition du handicap qui, bien que sensiblement transformée par une nouvelle définition datant de l’année 2001, continue à « irriguer » ou pour le moins « sous-tendre » l’approche contemporaine du handicap.
Définition OMS de 1980 (Classification internationale du handicap – CIH)
Pour l’OMS, « est handicapé un sujet dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge, d’une maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école où à occuper un emploi s’en trouvent compromis ».
Inspirée des travaux de l’épidémiologiste Philip Wood, la classification de l’OMS de 1980 distingue trois plans : la déficience, l’incapacité et le désavantage.
La déficience correspond à toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Neuf domaines sont identifiés : déficiences intellectuelles et du psychisme ; du langage et de la parole ; auditives ; visuelles ; déficiences des autres organes (cardio-respiratoire, urinaire, sexuelle) ; les déficiences du squelette ; les déficiences esthétiques (difformité) ; les déficiences des fonctions générales, sensitives et autres (diabète).
L’incapacité est une résultante de la déficience. Elle correspond à une réduction ou impossibilité à accomplir certaines activités ou gestes de la vie quotidienne considérés comme normaux pour un être humain. Cette incapacité se décline dans neuf catégories : le comportement ; la communication ; les soins corporels ; la locomotion ; l’utilisation du corps (dans les activités domestiques par exemple) ; la maladresse et les incapacités générées par certaines situations (bruit, climat, contrainte de travail, etc.) ; des aptitudes particulières (résolution de problème, planification du travail, etc.) ; les autres restrictions d’activité.
Le désavantage, conséquence de l’incapacité, limite ou interdit l’accomplissement normal d’un rôle social en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels. Le désavantage résultant des déficiences et/ou incapacité est, pour partie, tributaire de l’environnement. Stricto sensu, le handicap est constitué de ce seul troisième niveau du désavantage, sachant que les trois dimensions de la déficience, de l’incapacité et du désavantage sont étroitement liées.
La classification CIH de l’OMS reste largement inspirée par une approche médicale. Son sous-titre en témoigne : Manuel de classification des conséquences des maladies.
Le guide-barème français institue par le décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993 reprend précisément l’approche de la CIH en termes de déficiences et d’incapacités. Ces modalités d’application sont explicitées dans une circulaire du 23 novembre 1993(2).
Définition OMS de 2001 : Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)
Cette nouvelle classification s’inscrit dans le prolongement de la CIH de 1980, tout en introduisant des changements majeurs :
- conceptuellement le point de départ est celui du fonctionnement de tout être humain (et non plus la déficience, c’est-à-dire le dysfonctionnement) ;
- la CIF renonce au vocabulaire stigmatisant de « déficience-incapacité désavantage » au profit d’un vocabulaire différemment connoté « fonctions et structures du corps-activité-participation » ;
- elle introduit, ce qui était absent de la CIH, les facteurs environnementaux comme éléments facilitateurs ou au contraire obstacles au fonctionnement ;
- elle renonce à hiérarchiser les « capacités en soi » (ce que la personne peut ou ne peut pas faire par elle-même) et les « capacités dans un environnement » appelées performances (ce que la personne peut ou ne peut pas faire dans un environnement donné) ;
Les fonctions organiques y désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques, y compris les fonctionnements psychologiques. Les structures anatomiques y désignent les parties anatomiques du corps telles que les organes, les membres et leurs composants. Les déficiences désignent alors des problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique tel qu’un écart ou une perte importante. Une activité désigne l’exécution d’une tâche ou d’une action par une personne. La participation désigne l’implication d’une personne dans une situation de vie réelle.
Les limitations d’activité désignent les difficultés rencontrées dans l’exécution d’une tâche ou d’une action, l’environnement étant supposé normalisé. Les restrictions de participation désignent les performances effectives de la personne en fonction de son environnement réel et des problèmes qu’elle peut rencontrer pour s’y impliquer. Il en découle une description globale de la situation de handicap selon l’encadré suivant et la figure 2.1.
La Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF)
Partie 1 : Fonctionnement et handicap :
– La composante « organique » (systèmes organiques ; structures anatomiques).
– La composante « activité et participation » qui décrit le fonctionnement du point de vue de la personne comme individu et comme être social (capacité et performance).
Partie 2 : Les facteurs contextuels :
– Les facteurs environnementaux classés du plus proche de l’individu à l’environnement global : produits et systèmes techniques ; environnement naturel et changement apportés par l’homme ; soutiens et relations ; attitudes ; services et système politique.
Dans la CIF, chaque composante peut être exprimée en termes positifs et négatifs.
À ce jour, le guide-barème français, outil légal permettant de déterminer un taux d’incapacité pour l’attribution de droits sociaux aux personnes handicapées, reste « calé » sur le CIH et n’a pas été révisé si ce n’est par l’ajout d’une introduction faisant le lien avec la définition du handicap introduite par la loi du 11 février 2005 et une révision du chapitre « déficiences viscérales et générales ».
Afin d’évaluer plus largement la situation de la personne handicapée, un autre outil a été élaboré par la CNSA, le guide d’évaluation multidimensionnel (GEVA)(3), qui intègre, lui, la logique environnementale issue de la nouvelle classification CIF. Cet outil, après une phase d’expérimentation, a acquis un statut réglementaire en 2008.
LE HANDICAP DANS LE DROIT COMMUNAUTAIRE EUROPÉEN (4)
La définition du handicap en droit communautaire découle d’un principe plus général, celui de l’égalité de traitement se traduisant notamment par l’interdiction de toute discrimination. Les textes européens communautaires ne définissent pas comme tel le handicap mais un arrêt de principe du 11 juillet 2006 de la Cour de justice des communautés européennes vient combler cette lacune. Celui-ci indique que le handicap s’entend, dans le domaine de l’emploi et du travail, comme la « limitation résultant notamment d’atteinte physique, mentale ou psychique et entravant la participation de la personne concernée à la vie professionnelle ».
Le traité d’Amsterdam (1997) indique :
- à son article 13, que le Conseil peut prendre des mesures en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. L’Union européenne est donc en mesure d’assister les organisations nationales et locales sur les questions touchant à l’intégration, à la défense des droits fondamentaux, aux personnes handicapées, aux minorités et d’une manière générale à la justice sociale ;
- à son article 137, que l’Union a mandat pour combattre l’exclusion et promouvoir l’insertion sociale et professionnelle. Ce qui permet de développer des mesures d’insertion en faveur des groupes vulnérables, dont les personnes handicapées, au-delà du cadre d’action de la politique de l’emploi.
La charte des droits fondamentaux de l’Union annexée au traité de Nice de l’année 2000 prévoit deux dispositions relatives aux personnes handicapées :
- l’interdiction de toute discrimination fondée notamment sur le handicap ;
- la reconnaissance et le respect du droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté.
Cette charte a une portée juridiquement contraignante par son intégration dans le traité européen de Lisbonne signé le 13 décembre 2007, traité désormais ratifié par les États membres de l’Union.
LA DÉFINITION DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
Le 13 novembre 2006, l’assemblée générale de l’ONU a adopté la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées(5).
Cette convention vise à empêcher toute discrimination et à garantir que les droits fondamentaux des personnes handicapées soient compris et respectés des États.
La Convention affirme, dans son préambule, le caractère universel, indivisible, interdépendant et indissociable de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et la nécessité d’en garantir la pleine jouissance aux personnes handicapées sans discrimination. Parmi les principes généraux on y trouve que toute discrimination fondée sur le handicap est une négation de la dignité humaine, l’importance de la reconnaissance pour les personnes handicapées de leur autonomie et de leur indépendance individuelles, y compris la liberté de faire leurs propres choix.
La Convention, dans son article 1er, définit les personnes handicapées comme présentant « des incapacités physiques, mentales, intellectuelles et sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».
Ouverte à signature et ratification à compter du 30 mars 2007, la Convention est applicable en France depuis le 20 mars 2010. L’Union européenne, comme telle, a également ratifié la Convention, fin 2010, devenant ainsi le 97e membre qui en applique les dispositions.
LA DÉFINITION FRANÇAISE DU HANDICAP
La loi du 11 février 2005 définit le handicap comme suit :
« Constitue un handicap […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans un environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé “invalidant” » (L. 114 CASF).
Cette définition du handicap s’inscrit de façon intermédiaire entre la définition de l’OMS de 1980 (CIH) et la définition de l’OMS de 2001 (CIF). En effet, cette définition française du handicap accorde à l’environnement un statut de contexte pour la personne handicapée quand la définition internationale indique que l’environnement est constitutif du handicap en raison des interactions entre le fonctionnement d’un individu et de son environnement1(6).
Le handicap y est défini comme une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société. Ce n’est donc pas l’altération fonctionnelle qui constitue stricto sensu le handicap mais bien les conséquences en termes de capacité et de participation.
La liste des altérations fonctionnelles a été élargie par rapport à celle antérieurement définie par la loi du 30 juin 1975(7) puisqu’on y trouve :
- l’altération physique, motrice ;
- les troubles sensoriels principalement visuels et auditifs ;
- l’altération mentale désormais différenciée selon trois aspects : les fonctions mentales (au sens des capacités intellectuelles), cognitives(8) (au sens des capacités d’acquisition de connaissances, de communication et d’apprentissage) et psychiques (au sens psychiatrique du terme) ;
- le polyhandicap est nouvellement introduit correspondant à un handicap grave à expression multiple chez lequel la déficience mentale sévère et la déficience motrice sont associées à la même cause entraînant une restriction extrême de l’autonomie(9) ;
- le trouble invalidant de santé qui permet de prendre en compte des affections graves comme le diabète, les insuffisances cardiaques ou respiratoires, etc.
La notion de handicap nécessite administrativement que l’altération soit substantielle. Il en découle que le guide-barème(10) définit deux seuils ouvrant droit à divers avantages ou prestations : incapacité d’au moins 50 % correspondant à des troubles importants entraînant une gène notable dans la vie sociale mais avec autonomie conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne ; incapacité d’au moins 80 % correspondant à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne avec atteinte à l’autonomie individuelle.
La notion de « handicap » se distingue de celle de « maladie » en ce que l’altération doit être durable ou définitive. Le guide-barème précité indique à ce sujet qu’il n’est pas nécessaire que la situation médicale soit stabilisée pour déterminer le taux d’incapacité. La durée prévisible des conséquences doit, cependant, être au moins égale à un an pour déterminer le taux.
Notes
Note 01 Les résultats de l’enquête HID de l’Insee ont été publiés sous forme de plusieurs études thématiques téléchargeables sur le site www.insee.fr à la rubrique « France en faits et chiffres », rubrique « santé » et onglet « études et analyses ». Retour au texte
Note 02 Le décret n° 2007-1574 du 6 novembre 2007 modifie très partiellement le guide barème de 1993 en en réécrivant le chapitre « déficiences viscérales et générales » et en y insérant une introduction générale faisant le lien avec la loi du 11 février 2005. L’altération d’une fonction renvoie à la notion de « déficience », la limitation d’activité à « l’incapacité » et la restriction de participation à la vie en société subie dans un environnement renvoie au « désavantage », c’est-à-dire à une limitation, voire impossibilité, de l’accomplissement d’un rôle social normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels Retour au texte
Note 03 Cf. décret n° 2008-110 du 6 février 2008 relatif au Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées. Le GEVA est téléchargeable sur le site de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à l’adresse http://www.cnsa.fr. Ce décret prévoit que pour apprécier les besoins de compensation, l’équipe pluridisciplinaire doit s’appuyer sur un guide d’évaluation prenant en compte l’ensemble de la situation de la personne handicapée, notamment matérielle, familiale, sanitaire, scolaire, professionnelle et psychologique. Retour au texte
Note 04 Pour plus de renseignements, le lecteur pourra consulter le site Internet du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes, http://www.cfhe.org/. Retour au texte
Note 05 L’Unicef et la Victor Pineda Foundation ont publié, en 2008, une version de la Convention à destination des enfants, intitulée « Une question de capacités. Explication de la convention relative aux droits des personnes handicapées », téléchargeable sur http://www.unicef.org/french/publications Retour au texte
Note 06 Il en découle un débat sémantico-idéologique, certains parlant de personnes en situation de handicap quand d’autres parlent de personnes handicapées, la première formulation mettant l’accent sur les données environnementales du handicap quand la deuxième en souligne les données tenant à des altérations fonctionnelles. Retour au texte
Note 07 La loi d’orientation du 30 juin 1975 ne définissant pas le handicap si ce n’est en sériant trois champs : physique, sensoriel et mental. Retour au texte
Note 08 L’introduction d’une dimension spécifiquement cognitive permet de prendre en compte aussi bien des difficultés comme les dysphasies, dyspraxies et dyslexies, que les troubles envahissants du développement, nouvelle catégorie globalisant notamment l’autisme. Retour au texte
Note 09 Le polyhandicap se traduit par une atteinte du système nerveux central, d’origine variée prénatal, périnatal et postnatale ou alors inconnue. Le polyhandicap est à distinguer du « plurihandicap » qui est l’association circonstancielle de deux ou plusieurs déficiences et du « surhandicap » qui est la surcharge à une déficience originelle mentale ou motrice, d’une atteinte sensorielle, viscérale ou d’un trouble du comportement. Le « multihandicap » sera, quant à lui, situé « entre » le polyhandicap et le plurihandicap, en ce qu’il n’y a pas nécessairement de déficience motrice dans le multihandicap mais intrication importante entre plusieurs types de déficiences graves (mentale, motrice, visuelle, auditive, viscérale, comportementale, etc.). Retour au texte
Note 10 Cf. décret n° 2007-1574 du 6 novembre 2007. Retour au texte