Depuis que le siège du président de l’Afitf était laissé vacant par Philippe Duron en juin dernier, différents noms circulaient pour l’occuper. Mais jamais celui de Christophe Béchu. C’est pourtant le nom du maire d’Angers, “Macron-compatible”, un ancien des Républicains, qui a été proposé par Emmanuel Macron en février.
Avant d’être officiellement confirmé par décret, l’élu a dû se plier à deux auditions devant les commissions en charge de la thématique transports au Sénat et à l’Assemblée nationale, les 27 et 28 mars dernier. Pour l’édile, ce fut l’occasion de revoir d’anciens collègues, lui qui fut sénateur de 2011 à 2017 et a quitté le Palais du Luxembourg suite à la loi sur le non-cumul, lui préférant la mairie angevine.
Un novice qui s’assume
Devant les parlementaires, l’élu s’est employé à déconstruire le procès sur son manque de compétence qui pourrait lui être fait. De son propre aveu, Christophe Béchu est loin d’être un spécialiste du secteur des transports : “Très clairement, cette question n’est pas celle que je maîtrise le mieux”.
“Mais je suis quelqu’un qui travaille, et tout mon parcours m’a préparé à ce moment” a-t-il expliqué devant les sénateurs. A la tête du département du Maine-et-Loire de 20004 à 2014, il a suivi les questions d’aménagement du territoire et de transports interurbains. Conseiller régional entre 2010 et 2011, il s’est penché sur la problématique des TER.
Et en tant que maire d’Angers, il a suivi de près le dossier du tramway liste-t-il. Tactique classique de tout entretien d’embauche, Christophe Béchu a même présenté sa faiblesse comme un atout en vantant sa “capacité d’étonnement” et sa “fraîcheur du regard” sur ce dossier.
Une journée et demie de travail par semaine
Il a aussi répondu aux interrogations concernant la comptabilité de sa fonction de maire avec celle de président de l’Afitf. Ce cumul ne sera “pas plus prenant qu’un cumul de deux mandats parlementaires” a-t-il avancé. Et justement, le temps dégagé par l’abandon de son mandat de sénateur lui laisse le temps nécessaire à sa nouvelle fonction estime-t-il. Il envisage d’y consacrer une journée et demie par semaine.
Surtout, Christophe Béchu a plus généralement défendu la possibilité qu’un élu local puisse cumuler son mandat avec une fonction. “C’est souhaitable. Sinon, c’est une vision rigoriste du non-cumul qui aboutit à une professionnalisation des fonctions comme celle de président de l’Afitf”. Autrement dit, ce dernier estime “souhaitable que ce soit un élu local afin d’éviter la technocratie”.
Il s’est aussi défendu concernant les risques que pourrait générer sa double casquette : laquelle adoptera-t-il quand il s’agira de défendre des projets d’infrastructures sur son territoire ? “Je ne suis atteint d’aucune schizophrénie” a-t-il affirmé.
L’ancien sénateur a aussi caressé les parlementaires dans le sens du poil en leur faisant part de sa volonté de réintégrer un sénateur et un député au conseil d’administration de l’Afitf.
Se faire entendre
Mais ses deux auditions parlementaires ont surtout été l’occasion pour Christophe Béchu de faire preuve d’une certaine ambition pour l’Afitf, alors que l’Agence est régulièrement critiquée. En 2016, la Cour des comptes l’a par exemple qualifiée de “quasi coquille vide” servant à entériner les décisions du ministère des Transports sans pouvoir influer et permettant de contourner le Parlement pour les décisions budgétaires.
Christophe Béchu a d’abord joué l’ironie : “Si c’est effectivement une coquille vide, alors la question de ma compétence est secondaire et nous sommes en train de perdre notre temps avec cette audition”. L’édile, a, dans la foulée estimé qu’il y a “un plafond de verre dans cette agence, mais aussi une capacité à se faire entendre”.
Et il compte bien y parvenir, notamment au moment du débat sur la future loi d’orientation des mobilités (LOM) qui doit en principe être présentée en conseil des ministres les 16 mai.
Objectifs et performance
Le maire souhaite en outre que l’Afitf soit dotée d’un contrat d’objectifs et de performance, qui pourrait être voté en même temps que le volet “programmation pluriannuelle des investissements” de la LOM. Une mise en relation avec le Conseil d’orientation des infrastructures est aussi en réflexion.
Il souhaite aussi que l’Afitf soit un “lieu de débat” qui s’ouvre à la société civile via un comité consultatif. Christophe Béchu envisage également rencontrer régulièrement les élus locaux qui portent des projets d’infrastructures.
Défourailler à tout va
Pour autant, Christophe Béchu ne compte pas déborder ses prérogatives. “Je ne postule ni au ministère des transports, ni à un éventuel poste exécutif” a-t-il souligné avant d’ajouter que “les décisions politiques ne doivent pas être prises à la place de la représentation nationale”.
Reste que l’ancien soutien d’Alain Juppé a ses convictions. Il plaide pour le scénario intermédiaire en matière d’investissements, un “signal financier” en faveur du vélo, estime que “privatiser les sociétés d’autoroute n’a pas été la meilleure décision de l’Etat actionnaire”, souhaite que la France joue collectif avec ses homologues européens dans la course aux nouvelles technologies de mobilité, qu’on ne “fasse pas le procès de la route trop vite”…
Les sujets en cours ne manquent pas et de nombreux arbitrages auront lieu dans les prochaines semaines. Justement, Christophe Béchu “préfère être à la croisée des chemins, plutôt qu’au moment où le chemin a déjà été emprunté”. Il va avoir l’occasion de plonger directement dans le grand bain.
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