Comment créer – ou plutôt recréer – un impôt local nouveau sans l’avouer ? C’est à cette délicate question que le gouvernement pourrait se résoudre à répondre, tout en évitant le plus longtemps possible de le faire.
Franche et droite comme une vraie élue locale du Loir-et-Cher, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, avait posé le problème dès le 11 janvier dernier. L’ancienne sénatrice avait déclaré aux médias « que, pour le bloc communal […] il est important de laisser un impôt en lien avec le territoire, c’est-à-dire les citoyens ».
Soucieux de ne pas montrer qu’il se préparait à reprendre d’une main ce qui avait été donné de l’autre via le dégrèvement de la taxe d’habitation (TH), le gouvernement, par la voix du locataire en chef de Bercy Bruno le Maire, l’avait vite rabrouée et promettant qu’ « il n’y aura pas de nouvel impôt en France pendant le quinquennat ».
Slogan précieux mais qui s’use peu à peu
Aujourd’hui, ce slogan est d’autant plus précieux pour l’exécutif qu’il a besoin de rassurer des retraités en colère face à la hausse de la CSG en leur assurant que la suppression de la taxe d’habitation compensera leur perte de pouvoir d’achat. Sauf si un impôt nouveau apparaît bel et bien.
Les associations d’élus, jusqu’aux membres du CFL qui fait pourtant semblant d’ignorer cette option, n’imaginent pas le contraire. Désormais, la mission Richard-Bur, chargée de faire des recommandations pour élaborer une réforme de la fiscalité locale a, à son tour, officialisé l’hypothèse.
Devant les députés, ses membres ont reconnu la nécessité d’évoquer dans son futur rapport la « recréation d’un impôt local citoyen » porté par tous les contribuables et non pas seulement par les seuls propriétaires, « très substantiellement inférieur à celui de la TH », à hauteur « d’un quart ou d’un cinquième » et assis « sur les revenus à pouvoir de taux simple ».
Cette apparente concession faite par la mission aux élus locaux montre surtout ses efforts pour sortir de l’impasse intellectuelle dans laquelle il se mettrait s’il respectait le cahier des charges gouvernemental qui exclut toute nouvelle imposition. Ce qui reviendrait, dans les conditions actuelles, à imaginer une fiscalité sans le local et confondre ainsi déconcentration avec décentralisation.
Dans un monde toujours plus multipolaire, connecté, en recherche de proximité, opter pour une réforme de la fiscalité locale assise sur de seuls transferts d’impôts nationaux et sans lien territorial, serait pour le moins contre-intuitif, au pire rétrograde, comme une rémanence d’un (très) ancien monde.