Présentée par Laurent Wauquiez comme l’outil idoine pour mettre fin au « dumping social », « favoriser l’emploi régional » et encore « garantir la sécurité de tous les intervenants sur un chantier », la clause Molière n’aura pas convaincu les juges du tribunal administratif de Lyon.
Le rapporteur public avait estimé lors de l’audience du 29 novembre que ce texte conduisait à « un détournement de pouvoir ». Le Tribunal Administratif a donc suivi son avis en annulant le 13 décembre la délibération prise en février dernier par la Région AURA. Cette dernière prévoyait l’introduction d’une clause de langue française dans les marchés publics de la région.
L’argument de la sécurité ne passe pas
Pour fonder sa décision, la juridiction administrative a notamment démonté l’argument de la sécurité sur les chantiers. Celui-là même que Laurent Wauquiez avait mis en avant pour justifier son texte. Les juges ont pourtant estimé que ce texte visait surtout à combattre le travail détaché.
« La délibération a été adoptée non pour assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés, mais pour exclure les travailleurs détachés des marchés publics régionaux et favoriser les entreprises régionales en méconnaissance des principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats » a estimé le juge.
La « clause Molière » ne lutte pas contre le travail détaché illégal
Le juge relève également que le Conseil régional « n’apporte aucun élément de nature à établir que ces mesures, qui sont généralisées à l’ensemble des marchés de travaux de la région et concernent tous les salariés, contribueraient à l’amélioration de la sécurité des salariés ou même à la lutte contre le travail détaché illégal ».
Pour le tribunal administratif, la « clause Molière » de la Région AURA n’entre donc pas dans les objectifs de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui pose les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Dès l’annonce de cette décision, Laurent Wauquiez a confirmé ce qu’il avait laissé entendre en découvrant les conclusions du rapporteur public. Il fait appel et fustige au passage « le double discours du Gouvernement qui, tout en affirmant lutter contre le travail détaché et défendre l’emploi, entrave toute initiative qui va dans ce sens ». Reste que pour l’heure, cette décision annulant la « clause Molière » est une première.
« Le tribunal administratif de Lyon saisi par déféré dupréfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes est la première juridiction à juger de la légalité d’une telle délibération. En effet, la décision récente du Conseil d’Etat du 4 décembre 2017 porte, elle, sur la légalité d’une clause d’interprétariat dans un marché public et non sur la légalité d’une délibération mettant en place un dispositif de lutte contre le travail détaché », a d’ailleurs souligné le TA de Lyon en rendant sa décision.
Le 4 décembre, le Conseil d’Etat avait bien prévenu qu’il ne fallait pas confondre clauses « Molière » et les clauses d’interprétariat. Le message est donc bien parvenu jusqu’à Lyon.
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