- Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris chargée de l’eau, présidente d’Eau de Paris
- Sylvain Rotillon, chef de projet sur les Services publics de l’eau et de l’assainissement à l’Onema
- Jean- Luc Perrouin, directeur de l’eau à Nantes Métropole
- Bertrand Lapostolet, chargé de mission à la Fondation l’abbé Pierre
- Pierre Van de Vyver, délégué général de l’IGD (Institut de la Gestion Déléguée)
Anne Le Strat adjointe au maire de Paris chargée de l’eau, présidente d’Eau de Paris
Dans la régie les gains sont réintégrés dans le service. En revanche, le contrôle de la marge du délégataire est difficile à réaliser. Le rapport qu’il rend n’est pas économique et le Conseil d’État passe ce point sous silence. La régie permet une vraie concurrence, notamment par les marchés qu’elle passe ensuite.
En cas de délégation, ce sont souvent les filiales qui réalisent les travaux. Mais le Conseil d’État a raison de dire que les régies sont mal gérées. Parfois, elles fonctionnent mal car une partie de l’argent de leur budget est inséré dans le budget général, ce qui illégal.
Sylvain Rotillon chef de projet sur les Services publics de l’eau et de l’assainissement, Onema
L’un des problème réside dans la faiblesse des données fiables disponibles concernant les services d’eau et d’assainissement. Il faut être pragmatiques et collecter les données qui sont collectables. Certaines collectivités de petites tailles ne sont pas aujourd’hui en mesure de fournir d’autres informations. De nouveaux indicateurs pourront être introduits ultérieurement.
Lorsque les services sont trop petits, les élus n’ont pas les connaissances nécessaires. Les services de grandes tailles arrivent plus facilement à atteindre un bon niveau de qualité.
Le Portugal a rassemblé 2 niveaux de services, avec un niveau haut : production de l’eau et traitement des eaux usées et un niveau bas qui concerne les services aux consommateurs, avec la distribution de l’eau et la collecte des eaux usées.
Les services hauts ayant été largement regroupés, cela a entrainé une mutualisation des couts importante. Par contre, tous les services aux usagers sont restés à une maille communale. L’élu local gardent ainsi le lien avec les usagers mais les parties plus techniques lui sont retirées.
Par ailleurs, l’organisation de l’eau et des compétences est compliquée en France. Nous avons mis en place en novembre 2009 un observatoire pour avoir une vision précise de l’organisation des services d’eau et d’assainissement. C’est une base de référence composés d’indicateurs de performance qui doivent être renseignés chaque année par les collectivités sur notre site services.eaufrance.fr. Les collectivités n’ont pas l’obligation de renseigner les indicateurs, mais nous les y incitons car c’est important en termes de transparence vis à vis de l’usager.
Jean- Luc Perrouin Directeur de l’eau à Nantes Métropole
Après avoir mené une étude pour déterminer quel était le mode de gestion le plus adapté à l’eau, nous n’avons pas pu déterminer quel mode de gestion étaient le plus efficace. Il nous a donc semblé plus pertinent de mettre la régie et la délégation de service public en concurrence. Nous avons donc créé un système de gestion mixte.
L’entité organisatrice comprend les élus, la direction générale et la direction. Elle prescrit les conditions d’exécution et contrôle le travail des opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Nous exigeons un rapport d’activité de tous les opérateurs qui sont présentés au conseil communautaire.
La collectivité doit s’assurer qu’elle a la propriété de son patrimoine et maitriser le coût de l’eau. Chaque année, le conseil communautaire fixe le tarif de l’eau. Cependant, il y a une condition sine qua none, c’est que la population retrouve le même niveau de service. Des conditions économiques et géographiques entrent jeu pour que ce système mixte puisse fonctionner. Pour avoir un opérateur privé, il faut qu’il y ait un nombre suffisants d’abonnés. Il y a une taille critique à atteindre.
Bertrand Lapostolet, chargé de mission à la Fondation l’abbé Pierre
On ne peut que saluer le fait que le rapport du Conseil d’Etat sur l’eau aborde la question du tarif social de l’eau. Mais nous sommes déçus par la place qu’occupe cette question dans le rapport. Bien que les Fonds de solidarité-logement (FSL) interviennent ponctuellement pour couvrir les impayés, il y a un vrai enjeu sur les dépenses contraintes autour du logement.
L’avantage de l’eau, c’est qu’il existe un droit à l’eau. Le coût de l’eau a augmenté pour les ménages modestes. La facture de l’eau ne devrait pas dépasser 3% du revenu. Il y a une proposition de loi visant à collecter, sur l’ensemble de la facturation de l’eau, un pourcentage des fonds pour l’affecter au FSL. Mais le groupe de travail du comité national de l’eau et l’OBUSASS (Observatoire des Usagers de l’Assainissement en Ile-de-France) vont plus loin et propose une allocation.
Il faut un système de compensation par allocation versée aux ménages fondé sur la solidarité de l’ensemble des usagers. Le système des caisses d’allocations familiales pourrait être utilisé car souvent, les allocataires pourraient bénéficier de cette allocation compensatrice.
Pierre Van de Vyver, délégué général de l’Institut de la gestion déléguée
Le rapport porte sur un sujet sensible que l’Institut de la Gestion Déléguée a abordé dans ses travaux consécutifs à la Charte des Services Publics Locaux, relatifs au libre choix et à la réversibilité du choix des modes de gestion. Le rapport du Conseil d’Etat montre que, pour qu’une gestion soit efficace, elle doit être évaluable, contrôlable et transparente. Il n’y a pas de fatalité technique.
On ne peut pas dire qu’une organisation est plus performante qu’une autre ; seule une comparaison a posteriori, sur la base d’indicateurs de performance, pourrait permettre de formuler un avis objectif. Si le service est bien géré, on doit aboutir aux mêmes résultats.
Les régies ont généralement moins de coûts à assumer : elles sont leur propre assureur pour une partie des risques et ne paye pas de redevance d’occupation du domaine public, ni de pénalités en cas de non-renouvellement des réseaux, etc. La régie n’est pas soumise aux mêmes obligations de compétition et de comptes rendus. Le non-renouvellement des réseaux dans les régies est souvent lié au manque de planification. L’eau étant une ressource stable, les banques prêtent pourtant volontiers aux collectivités, support des régies, pour financer le renouvellement des réseaux.
Toutefois, la plus grande des régies est plus petite que le plus petit des opérateurs de référence. Au niveau macro-économique, la régie ne bénéficie pas des mêmes effets d’échelle et d’expérience ni de structure. C’est pourquoi le rapport préconise le regroupement des autorités concédantes pour accroitre la performance et la réversibilité.