La police municipale endeuillée. Vingt-quatre heures à peine après l’attentat meurtrier contre les journalistes de Charlie Hebdo, les représentants des 20 000 policiers de France se sont dits sous le choc après la mort de Clarissa Jean-Philippe, jeune policière municipale de Montrouge, abattue en pleine ville par un homme armé.
Sur son compte twitter, le Premier ministre, Manuel Valls a rendu hommage à cette professionnelle.
La policière municipale tombée ce matin fait l’honneur de la Nation. Gratitude à toutes les forces de l’ordre qui protègent notre liberté.MV
— Manuel Valls (@manuelvalls) 8 Janvier 2015
« Elle a été froidement abattue dans l’exercice de sa mission de protection des citoyens, victime d’un déchaînement de violence aveugle », a dénoncé pour sa part la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin dans un communiqué.
A Montrouge, un registre de témoignage a été mis en place dans les murs de l’Hôtel de ville.
A bout portant – Clarissa Jean-Philippe avait été appelée en début de matinée pour intervenir sur un accident de la circulation lorsqu’un homme armé a surgi et a fait feu, tirant à bout portant sur la policière municipale. Un agent de la voirie, qui l’accompagnait, a lui été blessé grièvement. Le tueur a aussitôt pris la fuite et, jeudi soir, était toujours activement recherché dans un contexte de grande confusion, où la police s’affairait également à retrouver les auteurs de l’attentat commis la veille contre les journalistes de Charlie Hebdo.
Après une visite du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve sur les lieux du drame, la section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête sur les tirs, notamment « au vu du contexte actuel », a annoncé le parquet. Mais il n’y a, à ce stade, pas de lien établi avec l’attentat commis la veille contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, toujours selon le parquet.
« Tout le monde est sous le choc » – Agée de 26 ans, cette jeune policière municipale, célibataire et sans enfant, d’origine martiniquaise, avait achevé à la fin novembre sa formation initiale d’application. Elle avait intégré le service de PM de Montrouge depuis un an et demi et travaillait sur la voie publique. Au moment des faits, elle portait un gilet pare-balle, mais, selon Fabien Golfier, secrétaire national de la FA-FPT « police municipale », qui était sur place, « la protection s’est avérée inutile car elle a été touchée à la carotide ».
De plus, à l’instar des autres policiers municipaux de la ville, elle ne disposait pas d’arme à feu. La municipalité de Montrouge n’a en effet pas fait le choix d’armer ses agents en dehors de bombes lacrymogènes.
« Tout le monde est sous le choc » a déclaré un fonctionnaire. Dans la cellule de crise installée au 1er étage de la mairie de Montrouge, les agents municipaux se sont succédés tout au long de la journée.
Relance du débat sur l’équipement des PM – Ce nouveau drame, qui rappelle l’assassinat d’une autre policière municipale, Aurélie Fouquet, tombée sous les balles de malfaiteurs à Villiers-sur-Marne en 2010, a suscité bon nombre de réactions.
Lire : Manuel Valls rend hommage à Aurélie Fouquet, «l’honneur de la France»
Elus et professionnels ont unanimement exprimé leur émotion. Ils ont également, pour une large part, relancé le débat sur l’armement et la protection des policiers municipaux.
Le député-maire (UMP) de Nice et président de la commission consultative des polices municipales, Christian Estrosi, s’est dit «sous le choc » et a demandé au ministre de l’Intérieur de prendre « des mesure exceptionnelles, eu égard aux circonstances, pour protéger et assurer l’intégrité des policiers municipaux, notamment ceux qui ne sont pas armés ou qui ne bénéficient pas des équipements de protection individuelle ».
Colère des syndicats – Dans un communiqué, la Fédération autonome de la Fonction publique territoriale (Fa-FPT), s’est dite « endeuillée » par la mort de la policière municipale « tuée en service sur une mission des plus banales de la voie publique » et a appelé « les collègues à porter les blasons barrés d’un bandeau noir en signe de deuil pendant huit jours », en accord avec la hiérarchie.
« Cet acte, aussi barbare soit-il, doit renforcer notre détermination à défendre la République et nos concitoyens. Faut-il encore en avoir les moyens ! » déclare le syndicat, qui, en décembre dernier, demandait déjà au ministère de l’Intérieur de traduire concrètement son appel aux maires.
« L’heure n’est pas pour le moment à la polémique, mais rapidement nous devons obtenir du gouvernement des mesures concrètes et des actions visant à protéger, ceux qui dans les villes, les villages sont chargés d’assurer la protection des populations » poursuit-elle.
Et d’appeler à la réunion de « toutes les instances nationales pour ensemble trouver les moyens adapter pour exercer notre profession ». entendu par l’Intérieur, la FA-FAPT participera ce vendredi 9 janvier à une réunion place Beauveau.
Lire : L’armement des agents de police municipale en 10 questions
Réunion le 8 janvier à l’Intérieur – Réunion à laquelle participera également le secrétaire général de Force ouvrière – police municipale, Patrick Lefèvre, qui s’est dit « ému et en colère ». « Depuis des années, les policiers municipaux se voient imposés des missions de sécurité sur la voie publique sans que leur soit donné les moyens de protection et de riposte adaptés, soit des gilets pare-balles et des armes à feux » a-t-il déclaré à la Gazette. En conséquence, poursuit-il, « nous demandons aux maires qui ne souhaitent pas armer leurs agents de les cantonner à des polices administratives. »
Droit de retrait ? – Même discours à la CFTC Police municipale qui va jusqu’à invoquer un droit de retrait. « Que la décision sur le droit de retrait soit prise à la vue de l’inconscience des maires d’envoyer des agents surveiller des sites sensibles » déclare la CFTC, qui appelle « les agents en tenue exerçant des missions de police , non armés, à se retirer de la voie publique. »
De même, le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM) dit « renouveler notre appel à Monsieur le Ministre de l’Intérieur, aux parlementaires des deux assemblées constitutives, à tous les maires de France, pour l’armement systématique de tous les policiers municipaux et ce sans aucune condition et concession ».
La CGT se démarque – Seule voix discordante dans ce paysage syndical, celle de la CGT, qui, par la voix de sa fédération des services publics, s’est démarquée des autres organisations.
« Suite à cette succession d’actes de violence, certains seraient enclins à exiger plus des forces de police municipale et en particulier leur armement, écrit-elle. Les conditions de travail de nos collègues policiers municipaux se sont dégradées, malgré la dangerosité de leurs missions. Ces dégradations sont les conséquences des réformes successives qui ont également engendré des baisses drastiques des moyens des forces de sécurité étatiques. Mais, pour la CGT, conclut-elle, la Police Municipale n’a pas vocation à se substituer aux services de l’Etat. Elle est et doit rester une Police de proximité et de prévention. »
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