- «Mon employeur m’a écrit que j’étais physiquement inapte pour le poste », Béatrice * 36 ans, éducatrice spécialisée, discriminée en raison de sa grossesse.
- « Mes collègues masculins bénéficiaient de taux d’indemnités bien plus élevés que moi », Simone *, 56 ans, directrice de services, attachée principale, discriminée en raison de son sexe.
«Mon employeur m’a écrit que j’étais physiquement inapte pour le poste »,
Béatrice * 36 ans, éducatrice spécialisée, discriminée en raison de sa grossesse.
Je me croyais protégée de ce genre de dérive, en travaillant dans le social et à fortiori dans une maison de l’enfance. J’avais tort.
Je suis éducatrice spécialisée. J’ai été recrutée le 1 er janvier 2005, pour travailler au foyer de l’enfance du conseil général. Je n’étais pas titulaire. J’ai cumulé neuf missions en un an et demi. Je suis tombée enceinte en mars 2007, mon contrat se prolongeait jusqu’au 31 août. Mon employeur n’avait aucune raison de ne pas le renouveler car les besoins étaient toujours là, le nombre de jeunes accueillis au foyer n’avait pas diminué.
J’ai rapidement bénéficié d’un arrêt maladie, car c’était une grossesse gémellaire. Je n’étais donc pas à mon poste lorsque mon contrat est arrivé à terme. Sans me prévenir, mon employeur ne l’a pas renouvelé. Je n’ai toujours pas compris son choix. Qu’est-ce qui l’empêchait de me remplacer pendant mon congé maternité et de me reprendre après ?
Lorsqu’il m’a annoncé sa décision, il ne l’a pas motivé. J’ai envoyé plusieurs courriers pour avoir une explication. C’est alors qu’il a commis une grosse erreur : il m’a écrit que j’étais physiquement inapte pour ce poste.
Mon frère est juriste. Il savait qu’il est illégal de discriminer une femme enceinte. Il a contacté la Halde fin octobre 2007. J’ai eu un excellent contact avec la personne qui a pris en charge mon dossier tout le long de la procédure. Elle était très disponible. Nous avons eu plusieurs entretiens téléphoniques au cours desquels je lui ai exposé la situation. Elle a envoyé plusieurs courriers au conseil général qui n’a pas daigné répondre.
La Halde a statué le 28 avril 2008. Sa délibération spécifiait que mon employeur devait me proposer à nouveau du travail, ou à défaut, me verser une indemnité au vu des préjudices matériels et moraux subis. Il n’a répondu qu’un mois plus tard, en me proposant un remplacement de quatre mois, pendant les congés d’été. Il était pour moi hors de question que j’accepte à nouveau un contrat précaire. J’ai été reçu par la direction qui m’a proposé de m’inscrire à un concours de titularisation organisé en juillet 2008. Je me suis présentée. Mais les personnes qui constituaient le jury sont celles auxquelles j’ai été confrontée lors du litige. L’entretien était joué d’avance. Je n’ai pas été titularisée. J’ai continué à envoyer des courriers, en vain. Alors j’ai menacé mon employeur de contacter la presse. C’est là qu’il m’a proposé de signer un protocole dans lequel je m’engageais à ne pas diffuser cette affaire moyennant 8000 euros. J’ai hésité, mais j’étais lasse de me battre. Aujourd’hui je regrette d’avoir accepté, car ce que je souhaitais ce n’étais pas de l’argent mais du travail. Je n’en ai pas retrouvé car en m’opposant au conseil général, je n’ai pas beaucoup d’opportunités dans le département. Donc, pour l’instant, je m’occupe de mes filles. Elles ont deux ans.
J’ai mal vécu cette discrimination, d’autant plus que j’étais enceinte de jumeaux. En fait mon employeur m’a cassée.
« Mes collègues masculins bénéficiaient de taux d’indemnités bien plus élevés que moi »,
Simone *, 56 ans, directrice de services, attachée principale, discriminée en raison de son sexe.
Du jour où j’ai saisi la Halde, je suis devenue pestiférée. J’ai subi des tentatives d’intimidation, on a sali ma réputation. Lorsque ma hiérarchie est allée trop loin, je l’ai menacée de porter plainte pour harcèlement devant la police. Ultimatum qui a été efficace. Je n’ai trouvé aucun soutien au sein de ma collectivité, pas même auprès des syndicats. Je me suis battue seule, pendant pratiquement 4 ans.
J’occupe un poste de direction dans cette commune depuis plus de 10 ans. J’ai passé, en 2004, l’examen professionnel d’attaché principal. J’étais le seul agent de la collectivité à l’avoir réussi et pourtant, je n’ai pas été nommée, contrairement à un collègue masculin qui a bénéficié d’une promotion interne. Je suis juriste et je sais que cette pratique n’est pas illégale. J’ai eu recours à la Halde en 2006, pour un autre motif. Mes collègues masculins, à poste équivalent, dont certains avaient des responsabilités moindres, bénéficiaient de taux d’indemnités, bien plus élevés que moi. Par exemple, mon coefficient d’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) s’élevait à 3, le leur à 7. Cela faisait une grosse différence de salaire.
Je n’ai pas attaqué de gaîté de cœur. Traîner son maire devant la Halde, c’était novateur. Mes élus ne connaissaient pas cette institution. Les fonctionnaires ont plutôt recours au tribunal administratif. Mais je ne supportais plus cette discrimination, d’autant plus que je suis présidente d’un Centre d’information sur le droit des femmes et des familles. L’association reçoit des personnes qui sont discriminées en permanence. J’estimais donc que je ne devais pas me laisser faire. Mais ce combat a été difficile.
J’ai donc saisi la Halde par courrier. Je n’avais pas de preuve de ce que j’avançais, mais je savais qu’elle avait autorité pour se procurer les documents nécessaires. Ce qu’elle a fait. Cet organisme est une structure primordiale dans le paysage juridique français, mais elle est lente à statuer. Il manque du personnel et celui-ci est submergé par les dossiers. Sans compter que, pour moi, il n’y avait pas péril en la demeure, je n’avais pas perdu mon emploi, j’avais mon salaire de cadre, je pense que je n’étais pas prioritaire. Mais quand une personne a pris en compte mon dossier, elle a été très efficace et la discrimination a été prouvée.
Une médiatrice a été mandatée par la Halde en 2008, pour trouver un arrangement, alors qu’une nouvelle municipalité avait été élue. Ce qui n’a pas été facile à gérer, car le nouveau conseil municipal ne comprenait pas pourquoi je voulais poursuivre la procédure. J’aurais préféré qu’elle se conclue avec l’ancien maire. C’est lui qui était coupable.
Toutefois, un accord a été trouvé rapidement. J’ai renoncé aux quatre ans d’indemnités pour lesquelles j’avais été lésée qui s’élevaient à 15 000 euros, pour être nommée attachée principale. De plus, je suis désormais rémunérée sur les mêmes bases que mes collègues masculins.
* les prénoms ont été changés.
Cet article fait partie du Dossier
Discriminations dans les collectivités : état des lieux et bonnes pratiques
Sommaire du dossier
- L’essentiel – Discriminations dans les collectivités : état des lieux et bonnes pratiques
- Mobilisation contre les discriminations : ces collectivités qui innovent
- Des « ambassadeurs égalité » en écho au label « Diversité » pour lutter contre les discriminations
- Interview de Christine Jouhannaud, chef du pôle public à la direction juridique de la Halde
- Témoignages d’agents victimes de discrimination
- Fiche pratique 1 : Recruter sans discriminer
- Fiche pratique 2 : Gérer des équipes sans discrimination
- Fiche pratique 3 : Gérer la carrière des agents sans discriminer
- Ressources documentaires