Dès la promulgation de la loi du 5 mars 2007, la plupart des observateurs et des professionnels de la protection de l’enfance ont bien pris soin de souligner que même si cette loi représente une avancée considérable, il ne s’agit que d’une étape.
Cette conviction est partagée y compris parmi les acteurs qui ont été à l’origine de la mise en marche du processus législatif. Tel est par exemple le cas de Claude Roméo, directeur Enfance et Famille du conseil général de Seine-Saint-Denis et instigateur avec Jean-Pierre Rosenczveig, de l’Appel des cent. Claude Roméo a ainsi choisi d’intituler l’article conclusif de l’ouvrage collectif Réforme de la protection de l’enfance : Du droit aux pratiques : « Poursuivre le débat par une loi d’orientation sur l’enfance ».
S’appuyant notamment sur les observations de la Défenseure des enfants de l’époque Claire Brisset, Claude Roméo appelle à la réflexion en faveur d’une « loi d’orientation sur le bien-être de l’enfance ». L’élaboration d’une telle loi devrait selon lui se fonder sur un diagnostic objectif et sans concession de la place que la société française réserve à l’enfant, et ce à tous points de vue : manque de places en crèches et en haltesgarderies, impact du mal logement (qui concerne 3 millions d’enfants), lacunes de la politique d’éducation à l’égard des enfants handicapés, nombre élevé de tentatives de suicide et de suicides effectifs parmi les adolescents, accroissement de la pauvreté (en particulier dans les familles monoparentales)… Quant au but d’une telle loi, il serait de garantir l’application effective des droits de l’enfant, en particulier de l’article 3 de la Convention internationale sur les droits des enfants, qui plaide en faveur de la prise en compte en toutes circonstances de « l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Rédigé par une équipe d’auteurs ayant directement participé à l’élaboration du projet de loi de réforme de la protection de l’enfance, l’ouvrage La réforme de la protection de l’enfance se conclut également par un article qui pose un enjeu social et politique fort pour ces prochaines années :« Utiliser la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance pour qu’une nouvelle dynamique s’instaure(1). »
Ces réflexions prennent place dans un contexte marqué par une forte incertitude. La remise en cause du rôle de l’État dans le champ de l’action sociale (et en particulier dans celui de la protection de l’enfance), la séduction exercée en France par certains dispositifs étrangers de protection de l’enfance, invitent à poser pour finir les questions suivantes : quelle protection de l’enfance demain ? Quelles sont les réformes en cours de discussion et qui seront peut-être mises en oeuvre dans les prochaines années ?
1. UN CONTEXTE INCERTAIN
a. La remise en cause du rôle de l’État dans le champ de l’action sociale
Même si ses effets ont été moins marquants en France que dans les pays anglo-saxons, le tournant néo-libéral entamé dans les années 1980 a débouché sur un reflux des interventions de l’État dans le champ économique (privatisations, déréglementation, etc.), mais aussi dans le champ de l’action sociale.
Le principe fondamental des réformes d’inspiration libérale entreprises dans les 20 dernières années est le suivant : il y a de nombreux domaines dans lesquels l’État ne doit pas agir lui-même et dans lesquels il doit simplement définir les grands objectifs à atteindre, en confier l’exécution à d’autres acteurs (collectivités territoriales, agences, groupements d’intérêt public, fondations, voire entreprises privées), et exercer un rôle de contrôle et d’inspection sur la façon dont interviennent ces acteurs. Conformément à un slogan en vogue en Grande-Bretagne au cours des années 1990, l’État doit « décider, mais pas ramer » (« steering, not rowing »)(2).
La décentralisation de la protection de l’enfance engagée en 1983 correspond à ce choix idéologique, de même que la loi du 5 mars 2007 désignant le conseil général comme le chef de file de la protection de l’enfance. On peut alors se poser la question : que reste-t-il à l’État dans le champ de la protection de l’enfance ?
b. La séduction exercée en France par plusieurs dispositifs de protection de l’enfance étrangers
Les réflexions sur l’avenir du dispositif français de protection de l’enfance sont de plus en plus irriguées par l’analyse des dispositifs étrangers, enparticulier en Europe (la Belgique, le Danemark, l’Allemagne…), mais aussi au Canada. En attestent plusieurs constats :
- Le souci de resituer le dispositif français au regard des dispositifs étrangers apparaît désormais comme une sorte de figure imposée dans tout colloque national sur la protection de l’enfance. Une séance plénière y a par exemple été consacrée lors des ateliers nationaux de la protection de l’enfance organisés en mars 2007 à Besançon par le conseil général du Doubs en partenariat avec le club ASE et l’ONED (« Des organisations de la protection de l’enfance diversifiées en Europe »).
- Plus significatif, une partie importante de l’activité de l’ONED consiste à étudier ces dispositifs (législation, pratiques, modalités d’articulation entre acteurs…), dans la mesure où ils « peuvent participer à l’amélioration du système français » (site Internet de l’ONED). Le centre de ressources numérisées de l’ONED est largement alimenté par des documents relatifs aux expériences étrangères en matière de protection de l’enfance.
- On peut aussi mentionner ici la place significative prise dans les débats entre experts consacrés à la protection de l’enfance par Alain Grevot. Directeur d’un service d’action éducative dans l’Oise (le SISAE), il est fréquemment invité à donner son point de vue sur les réformes en cours et à venir dans des revues professionnelles ou des colloques. Il a aussi participé à l’élaboration du projet de loi réformant la protection de l’enfance, puis à la rédaction des guides ministériels. Sa place dans les réflexions et les travaux de concertation tient avant tout à la connaissance des dispositifs de protection de l’enfance européens et nord-américains qui lui est attribuée : il est en effet auteur d’un ouvrage très souvent cité, Voyage en protection de l’enfance. Une comparaison européenne.
Toutefois, il n’existe pas de dispositif européen de protection de l’enfance. Chaque dispositif national est spécifique et présente, par rapport à la France, des similitudes et des différences plus ou moins nombreuses et significatives. De ce fait, les propositions de réforme du dispositif français qui s’appuient sur l’analyse des expériences étrangères consistent en général à mettre en exergue des procédures, des pratiques professionnelles ou des modes d’articulation entre acteurs qui existent dans tel ou tel pays européen ou nord-américain (mais pas dans tous), et dont la France gagnerait à s’inspirer.
Ce qui, dans les dispositifs étrangers de protection de l’enfance, exerce un attrait en France, tient à des raisons diverses, et qui varient selon les acteurs (ce qui séduit fortement les uns peut susciter chez d’autres un rejet vigoureux). Parmi les éléments les plus souvent mentionnés, on peut citer les suivants :
- Des professionnels français comme le docteur Maurice Berger vantent par exemple le fait qu’au Québec, l’intérêt de l’enfant, qui est aufondement de toutes les décisions des professionnels, est défini de façon précise dans la loi, laquelle fait notamment référence à la théorie et à la clinique de l’attachement.
- Beaucoup d’experts français de la protection de l’enfance souhaiteraient aussi que les décisions des professionnels français soient fondées sur des processus d’évaluation beaucoup plus poussés, formalisés, voire standardisés, à l’instar de ce qui se fait là encore au Québec. Cela débouche souvent, comme à l’ONED, sur la volonté de resserrer les liens entre le champ de la protection de l’enfance et la recherche scientifique.
- Le débat sur la place de l’institution judiciaire dans le champ de la protection de l’enfance (avec les notions de « subsidiarité » ou de « déjudiciarisation ») est également nourri par l’analyse des réformes qui ont récemment eu lieu dans plusieurs pays européens, par exemple en Belgique. Dans ce pays, mais aussi en Allemagne, en Angleterre ou au Danemark, le travail administratif en protection de l’enfance occupe une place et un statut bien plus éminents qu’en France, l’intervention du juge étant réduite à un nombre très restreint de situations (cf. infra).
2. VERS DE FUTURES RÉFORMES DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE ?
a. De nouvelles vagues de décentralisation ?
Les conditions dans lesquelles les dernières lois de décentralisation ont été votées et mises en oeuvre ont suscité un vif mécontentement dans les collectivités locales, en particulier parce que l’État a très mal compensé les charges qu’il leur a transférées (cf. le contentieux financier relatif au RMI ou à l’APA). Concernant les domaines de compétences des conseils généraux, l’ADF a explicitement demandé un moratoire sur tout transfert de compétences après la loi du 13 août 2004 sur les libertés locales, arguant qu’une pause était nécessaire pour permettre aux départements de « digérer » leurs nouvelles attributions.
En revanche, l’État continue à être demandeur en matière de décentralisation, en grande partie pour des raisons financières : la décentralisation lui permet de se délester de certaines dépenses et donc de limiter son déficit budgétaire. On a même pu constater dans nombre de secteurs une forme de décentralisation « rampante », par laquelle l’État se désengage de certaines de ses missions en rationnant les effectifs et les moyens dont disposent ses services, en misant implicitement sur le fait que les collectivités locales seront à terme forcées de prendre à leur charge ces missions.
Le cas de la Protection judiciaire de la jeunesse est ici symptomatique. La politique menée depuis plusieurs années par l’État en la matière consiste à recentrer l’action de la PJJ sur les mineurs délinquants et à renvoyer vers le conseil général toutes les situations qui ne comportent pas une dimension judiciaire avérée, ce qui est le cas d’une bonne partie dessituations d’adolescents en danger. Selon certains de ses cadres, la PJJ ressemblerait ainsi de plus en plus à une sorte de « SPIP-jeunes ». De fait, les crédits alloués par l’État à la PJJ ont été rognés d’environ 4 % entre 2008 et 2010, avec une accentuation de son action en faveur des mineurs délinquants (+ 13 % en 2010), mais une baisse massive de son action en faveur des mineurs en danger et des jeunes majeurs (– 50 % en 2010). Ces nouvelles orientations entraînent un transfert aux conseils généraux, sans compensation, du coût de la prise en charge des mesures civiles mises en oeuvre par la PJJ.
Les conseils généraux sont d’autant plus préoccupés par les conditions dans lesquelles les derniers transferts de compétences ont été mis en oeuvre que leur situation financière est souvent très fragile, du fait d’un effet de ciseaux entre dépenses et recettes et d’une dette de l’État en accroissement constant(3). En 2010, le département de Seine-Saint-Denis est allé jusqu’à voter un budget en déficit afin d’alerter sur ses difficultés financières.
Dans ce contexte tendu, une nouvelle étape dans la décentralisation de la protection de l’enfance ne pourrait être acceptée par les élus des conseils généraux et par les techniciens des services d’Aide sociale à l’enfance que si elle était accompagnée d’un transfert équitable de ressources.
Une grande majorité des élus départementaux et des cadres de l’ASE estiment qu’il serait plus pertinent d’intégrer au sein des conseils généraux les deux services spécialisés de l’Éducation nationale que sont le service social en faveur des élèves et le service de santé en faveur des élèves, au motif que le travail en partenariat avec la PMI, l’ASE et la polyvalence de secteur en serait facilité.
Lors de l’élaboration de la loi du 13 août 2004 sur les libertés locales, la perspective d’un transfert de ces deux services aux conseils généraux a suscité une forte hostilité de leurs personnels, à la fois pour des raisons de statut et pour des raisons de fond (beaucoup estiment que l’appartenance à l’Éducation nationale facilite les contacts avec le personnel enseignant et permet donc un travail de repérage plus efficace). Mais la loi du 5 mars 2007 pourrait avoir changé la donne. En effet, elle a acté le fait que le conseil général est destinataire de toutes les informations préoccupantes produites par les personnels de l’Éducation nationale, et elle a ainsi donné ainsi au conseil général une sorte de « droit de regard » sur les évaluations produites par les assistants sociaux et les personnels médicaux de l’Éducation nationale. De ce fait, la loi du 5 mars 2007 a créé les conditions d’un transfert plus aisé vers le département du service social scolaire et de la médecine scolaire. En tout cas, nombreux sont les éluset les techniciens pour qui il s’agit là d’une réforme « inéluctable » et qui « mûrit » petit à petit…
Toutefois, sur cette question également, les réflexions en cours relatives à l’organisation territoriale de la France et les conséquences de la réforme des collectivités locales ne seront pas sans conséquences sur la mise en oeuvre de la politique de protection de l’enfance, notamment si elles débouchaient à terme sur un rapprochement des régions et des départements.
b. L’avenir du juge des enfants
Parmi les réformes possibles de la protection de l’enfance à la française, l’une de celles qui sont les plus passionnément discutées consisterait à transformer le statut et les missions du juge des enfants. La loi du 5 mars 2007 avait notamment pour objectif de faire intervenir le juge des enfants dans un nombre plus restreint de situations. De nombreux observateurs, notamment au sein des conseils généraux (même si les techniciens de l’ASE semblent ici plus prudents que les élus), estiment qu’il conviendrait d’aller plus loin et de faire du magistrat de la jeunesse un juge arbitre, qui n’interviendrait au titre de l’assistance éducative que dans les cas, rares, où on constate un conflit impossible à surmonter entre la famille et l’ASE. Dans tous les autres cas de figure, l’ASE serait pleinement compétente pour prendre toutes les décisions quelle qu’en soit la nature (placement, choix du service chargé de l’exécution de la mesure, organisation du droit de visite…).
Le dispositif français de protection de l’enfance se rapprocherait ainsi de celui du dispositif belge. En Belgique, l’assistance éducative, appelée « aide à la jeunesse », est très largement déjudiciarisée depuis les décrets de 1990 et 1991 : les mesures et leur prise en charge financière ne sont plus décidées par un juge, mais par un « conseiller à l’aide à la jeunesse », lequel est assisté d’un service social. Le tribunal de la jeunesse n’intervient que lorsque le conseiller de l’aide à la jeunesse ne parvient pas à obtenir l’accord et la collaboration des parents, mais même dans ce cas précis, la mise en oeuvre des mesures judiciaires qu’il ordonne relève de la responsabilité d’un « directeur de l’aide à la jeunesse », qui est seul à décider de l’orientation des mineurs en question(4).
Une telle évolution vers le juge-arbitre nécessiterait que le conseil général soit mieux repéré par les familles comme une institution légitime, dont les services oeuvrent dans un lieu solennel, et dont les cadres ayant délégation de signature du président du conseil général disposent dece que les magistrats appellent « l’aura décisionnel ». Pour l’heure, les conseils généraux sont loin d’y être tous prêts. Aller vers le juge-arbitre nécessiterait sans doute aussi de garantir que le contentieux entre l’ASE et les familles continue à se dérouler au niveau civil, et pas au niveau administratif.
Le projet de faire du juge des enfants un simple juge arbitre doit être replacé dans le cadre plus général d’une demande de déjudiciarisation qui ne touche pas seulement la protection de l’enfance, mais aussi des domaines comme le divorce (légalisation de formes de divorce « soft » par consentement mutuel) ou le licenciement (la « rupture à l’amiable » du contrat de travail). Dans tous les cas, il s’agit d’« économiser le juge », selon la formule de Denis Salas, maître de conférence à l’ENM. Cette demande de déjudiciarisation a des causes idéologiques, mais aussi financières : la situation des greffes étant unanimement considérée comme « sinistrée », il paraît inévitable aux yeux de beaucoup de transférer davantage de responsabilités aux conseils généraux. Quoi qu’il en soit, de nombreux professionnels de la protection de l’enfance estiment, pour s’en réjouir ou pour le déplorer, que l’avènement du juge arbitre n’est qu’une question d’années, et que les nouveaux critères de saisine de la Justice instaurés par la loi du 5 mars 2007 en constituent d’ailleurs un prélude. Il faut par ailleurs noter qu’un mouvement analogue est en cours dans le champ des majeurs incapables ; or, il est possible que les habitudes prises par les parquets sur ces dossiers se diffusent petit à petit, en quelque sorte par « capillarité », dans le champ de l’assistance éducative.
On peut néanmoins émettre des doutes sur la possibilité de mener à son terme un tel processus de déjudiciarisation de la protection de l’enfance. Beaucoup de politistes travaillent actuellement sur le processus de « judiciarisation » des relations sociales : multiplication des recours à l’arbitrage judiciaire par les individus, sollicitation croissante de la justice pour traiter des problèmes clefs de la société (santé publique, risque technologique ou naturel…), etc. La déjudiciarisation de la protection de l’enfance ne va donc peut-être pas autant dans le sens de l’histoire que ses promoteurs ne le disent…
Vu du point de vue des magistrats de la jeunesse, le débat sur l’avenir du juge des enfants prend parfois un tour encore plus radical et menaçant. Parmi les parlementaires et les experts de la protection de l’enfance, certains souhaitent en effet décharger totalement le juge des enfants de toute attribution en matière d’assistance éducative, pour le recentrer sur la seule délinquance des mineurs. Les dossiers d’assistance éducative seraient confiés soient à l’actuel JAF (juge aux affaires familiales), soit à un nouveau magistrat qui cumulerait les attributions du JAF et celles du juge des enfants au titre du civil.Ce type de projets a été défendu plus ou moins ouvertement par l’actuel chef de l’État lorsque celui-ci était ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle. Dans un discours prononcé le 10 octobre 2008 lors de l’inauguration de l’ENPJJ, la garde des Sceaux Rachida Dati avait affirmé que le « coeur de la mission » de la Justice des mineurs est de « faire acte d’autorité et sanctionner ». Ces propos accentuent le sentiment ressenti par de nombreux magistrats de la jeunesse d’une « danse du scalp autour du juge des enfants », selon la formule de Jean-Pierre Rosenczveig, président du Tribunal pour enfants de Bobigny.
c. La notion de « projet de vie »
La parution en 2004 de l’ouvrage du Dr Maurice Berger L’échec de la protection de l’enfance a contribué à nourrir un vif débat au sujet des mineurs dont l’enfance et l’adolescence se déroulent quasi uniquement sous le statut d’« enfant confié ». En effet, un grand nombre d’enfants sont séparés très jeunes de leur famille1, puis vivent jusqu’à leur majorité dans un ou plusieurs établissement(s) ou famille(s) d’accueil. Les mesures de séparation sont ainsi reconduites par le juge des enfants tous les ans ou tous les deux ans(5).
Face à ce constat, certains experts de la protection de l’enfance proposent de consacrer dans notre droit la notion de « projet de vie permanent ». Ils estiment que lorsque l’évaluation permet de conclure que, selon toute probabilité, un parent est et restera incapable d’exercer son autorité parentale de façon constructive et protectrice pour son enfant(6), le dispositif de protection de l’enfance doit garantir à cet enfant un environnement fiable et stable, afin de lui assurer la sécurité psycho-affective dont il a besoin. Qui plus est, cette garantie doit lui être apportée pour une longue durée, si besoin jusqu’à sa majorité, et ce dès le moment où est posé le diagnostic d’une « inadéquation éducative » non réversible de son ou de ses parent(s).Une telle procédure existe au Canada et en particulier au Québec(7). Le Dr Berger a proposé une modification des articles du Code civil encadrant l’assistance éducative afin d’« assurer une protection à long terme des enfants vivant dans des situations gravement carentielles »(8). Concrètement, le « projet de vie permanent » qui serait proposé à ces enfants pourrait être soit un placement de longue durée (et non remis en question à intervalles réguliers par une décision du juge des enfants), soit une adoption.
Lors des débats parlementaires ayant précédé le vote de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, plusieurs amendements ont été déposés par les députées Patricia Adam (PS) et Henriette Martinez (UMP) pour introduire cette notion de « projet de vie ». Les débats ont finalement conduit à l’ajout des deux alinéas suivants à l’article 375 du Code civil :
« Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l’état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d’accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure [à deux ans], afin de permettre à l’enfant de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir. Un rapport concernant la situation de l’enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants. »
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Naves P. (dir.) (2007), La réforme de la protection de l’enfance. Une politique publique en mouvement, Paris, Dunod, p. 247. Retour au texte
Note 02 Pour une description plus détaillée de ce que les politistes anglo-saxons appellent le « new public management », cf. Merrien F.-X. (2004). L’État social. Paris, Armand Colin, p. 289-290. Retour au texte
Note 03 Voir Pierre Jamet (DGS du conseil général du Rhône), Rapport au Premier ministre sur les finances départementales, 20 avril 2010. Retour au texte
Note 04 Ce dernier point évoque la notion de « mandat global » envisagée lors des débats préparatoires de la loi du 13 août 2004 par certains élus, notamment le président du conseil général du Rhône Michel Mercier. Retour au texte
Note 05 À titre d’exemple, la directrice du pôle enfance et famille du conseil général du Val-de-Marne Michèle Créoff estime que dans son département, le pourcentage d’enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance sur une très longue durée, et sans perspective de retour de l’enfant dans sa famille d’origine, oscille entre 15 et 30 % des situations (entretien avec G. Derville, 26/06/2006). Retour au texte
Note 06 Par exemple s’il est gravement psychotique, grand malade alcoolique ou pervers sexuel récidiviste. Retour au texte
Note 07 La loi québécoise sur la protection de l’enfance du 15 juin 2006 précise que si malgré une aide adaptée, des parents ne parviennent pas à assumer de façon positive la responsabilité de leur enfant dans un délai raisonnable, « on mettra en place avec diligence un projet de vie extérieur à la famille assurant des liens affectifs stables si besoin jusqu’à la majorité. La durée d’un placement provisoire avant la mise en oeuvre de ce projet ne doit pas dépasser 12 mois pour un enfant de moins de 2 ans, 18 mois pour un enfant âgé de 2 à 5 ans, et 24 mois après 6 ans, incluant la durée du placement avant la décision judiciaire ». Retour au texte
Note 08 Berger M. (2004). L’échec de la protection de l’enfance. Paris, Dunod, p. 230. Retour au texte