1. LES DEUX CADRES DES AIDES ET INTERVENTIONS À DOMICILE
Les interventions à domicile (ou aides à domicile) peuvent être :
- mises en oeuvre à titre préventif dans le cadre de la protection administrative relevant du département ;
- décidées par le juge des enfants et donc imposées aux parents.
a. Les aides à domicile mises en oeuvre par le département
Elles sont prévues par le Code de l’action sociale et des familles. L’article L. 222-2 du CASF, qui encadre l’aide à domicile dite « sociale » ou « administrative », prévoit que celle-ci est attribuée :
- à la mère, au père ou à la personne qui assume la charge effective de l’enfant ;
- sur la demande ou avec l’accord de ces personnes.
L’aide à domicile dite sociale peut être mise en oeuvre au bénéfice :
- des enfants, lorsque leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exige ;
- des femmes enceintes confrontées à des difficultés médicales ou sociales et financières, lorsque leur santé ou celle de l’enfant l’exige ;
- des mineurs émancipés et des jeunes majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés sociales.
L’article L. 222-3 du CASF précise que l’aide à domicile dite sociale peut prendre plusieurs formes, qui peuvent s’exercer conjointement ou séparément :
- l’intervention d’un service d’action éducative ;
- l’action d’un technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF) et/ou d’une aide ménagère ;
- l’accompagnement en économie sociale et familiale ;
- Les secours et allocations mensuelles d’aide à domicile.
b. Les mesures d’aides à domiciles décidées par le juge des enfants
Elles sont prévues par le Code civil et décidées par le juge des enfants. Celui-ci peut ordonner la mise en oeuvre de mesures quasiment identiques à celles relevant du département (à l’exception des aides financières).
L’article 375 du Code civil précise que les mesures judiciaires d’aide à domicile sont décidées « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».
Elles « peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ».
Si ces mesures sont en théorie imposées par le juge des enfants, l’article 375-1 du Code civil précise toutefois que le juge « doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer en stricte considération de l’intérêt de l’enfant ».
Les mesures judiciaires d’aide à domicile sont particulièrement développées, car l’article 375-2 du Code civil prévoit que « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ». Il précise que « dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre ».
Ce même article prévoit encore que « le juge peut aussi subordonner le maintien de l’enfant dans son milieu à des obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, le cas échéant sous régime de l’internat ou d’exercer une activité professionnelle ».
Le guide pratique ministériel Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant présente les principes communs à toutes les formes d’intervention à domiciles. Il rappelle notamment que :
- « L’intérêt de l’enfant doit guider la décision et le suivi de ces actions qui concourent à la réalisation du projet pour l’enfant » ;
- « Ces actions ne peuvent être mises en oeuvre qu’après une évaluation préalable de la situation, de manière coordonnée et dans le respect des droits des parents et de l’enfant et des règles de confidentialité qui fondent la confiance accordée par les bénéficiaires » ;
- « L’implication de la famille est un préalable indispensable à leur réussite. »
La suite de la présente fiche est consacrée à la présentation des diverses modalités d’intervention et d’aide à domicile.
2. LA PRESTATION SOCIALE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE À DOMICILE (AED) ET LA MESURE D’AIDE ÉDUCATIVE EN MILIEU OUVERT (AEMO)
a. La prestation d’aide sociale dite « aide éducative à domicile » (AED)
Cadre de cette intervention
Le conseil général intervient « à titre préventif ». Il met en oeuvre une mesure d’AED lorsqu’il existe un risque de danger pour l’enfant, par exemple en cas de difficultés relationnelles, de carence éducative, de conditions d’existence qui risquent de mettre en danger la santé, la sécurité, l’entretien, l’éducation ou le développement de l’enfant.
L’AED est mise en oeuvre sur proposition des travailleurs sociaux et avec l’accord des parents, ou à leur demande. Plusieurs enfants d’une même fratrie peuvent faire l’objet d’une telle mesure.
Objectifs
L’AED consiste à apporter un soutien matériel et éducatif à la famille pour l’aider à surmonter les difficultés qu’elle rencontre (troubles du comportement de l’enfant, absentéisme scolaire, crise de l’autorité parentale, fugues, difficultés de communication, conflits intra-familiaux…).
Si les mesures d’AED sont le plus souvent envisagées pour éviter un placement, elles peuvent aussi être mises en oeuvre pour accompagner le retour de l’enfant dans son milieu de vie habituel à l’issue d’un placement.
Mise en oeuvre
L’AED s’exerce au sein de la famille après réalisation d’une évaluation sociale rigoureuse, conduite par les services départementaux qui mettent en oeuvre la politique de protection de l’enfance. Elle est effectuée par les travailleurs sociaux du département ou d’un service associatif habilité.
Ces mesures d’accompagnement et de soutien permettent l’intervention et le suivi d’un travailleur social après la signature d’un « contrat » entre la famille et les services du département, lequel contrat définit les modalités, les objectifs à atteindre et la durée de la mesure.
Les mesures d’AED sont en principe décidées pour une durée de 6 mois, éventuellement renouvelables 2 fois, sauf situations particulières. À sa majorité, le jeune peut demander à ce que le suivi éducatif entrepris au cours de sa minorité soit prolongé jusqu’à ses 21 ans.
b. L’AEMO
Cadre de la mesure
C’est une mesure judiciaire civile, ordonnée par le juge des enfants au bénéfice d’un ou de plusieurs enfants d’une même famille, dans le but de protéger les enfants dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger, ou dont les conditions d’éducation sont gravement compromises.
La demande motivée est adressée aux autorités judiciaires sous la forme d’un rapport social, qui doit démontrer que les conditions de l’article 375 du Code civil sont réunies et que cette mesure est donc pertinente pour la protection de l’enfant (cf. fiche n◦ 13). Le juge des enfants ordonne la mesure et la notifie à la famille, ainsi qu’à l’organisme qu’il désigne pour l’exercer.
Toutefois, si l’AEMO s’impose à la famille qui peut faire appel de la décision, il s’agit avant tout d’un travail de confiance qui doit s’établir entre la famille et le travailleur social dans l’intérêt du ou des enfant(s). La mesure d’aide éducative judiciaire pour les mineurs est financée par le département.
Objectifs
Il s’agit pour le travailleur social (éducateur spécialisé ou assistant social) d’aider et de conseiller les familles dans leur rôle éducatif afin de supprimer les causes de danger par une action éducative. L’AEMO s’exerce directement dans la famille (dans le cas d’un danger latent), ou dans le cadre d’une protection hors famille (en cas d’un danger patent).
Mise en oeuvre
L’AEMO consiste en l’intervention à domicile d’un travailleur social (ou d’une équipe de travailleurs sociaux, notamment pour les « AEMO renforcées », qui se caractérisent par la mise en place de moyens d’action plus significatifs pendant une durée brève pour éviter qu’une situation très périlleuse se dégrade encore davantage). L’AEMO est décidée pour une durée variable (de 6 mois à 2 ans renouvelables jusqu’au 18 ans de l’enfant).
Le travailleur social « référent » de la mesure peut être amené à rencontrer toutes les personnes en contact direct avec l’enfant (instituteurs, médecins, animateurs, assistante sociale etc.), afin d’étayer son travail et d’accéder à une vision globale du contexte de vie de l’enfant. Il doit, avant toute initiative de ce type, en avertir la famille et tenter d’obtenir son accord.
À l’échéance de la mesure, le travailleur social rédige un rapport au juge des enfants afin de rendre compte de son action. Le juge convoque alors la famille et le travailleur social référent en audience de cabinet afin de décider de la suite à donner à cette mesure : renouvellement, « mainlevée » (c’est-à-dire clôture de la mesure), ou décision d’un autre type de mesure judiciaire (par exemple un placement).
Les jeunes peuvent aussi demander à ce qu’une mesure d’AEMO soit prolongée. Pour cela, ils doivent en faire la demande écrite auprès du juge des enfants.
Il est à noter que lorsque le danger ou le risque de danger disparaissent et que dans le même temps l’adhésion de la famille est acquise, la fin de la mesure d’AEMO peut être prononcée, mais une mesure d’AED peut être proposée à la famille si un suivi éducatif paraît toujours nécessaire.
3. LES INTERVENTIONS À DOMICILE DES TECHNICIEN(NE)S DE L’INTERVENTION SOCIALE ET FAMILIALE (TISF) ET DES AUXILIAIRES DE VIE SOCIALE
Des aides à domicile dites « sociales » ou « administratives » peuvent également être mises en oeuvre, au titre des compétences de l’ASE, par des technicien(ne)s de l’intervention sociale et familiale (TISF) et par des auxiliaires de vie sociale et des aides ménagères.
a. Cadre général d’intervention de ces professionnels
Ces professionnels peuvent intervenir auprès des familles au titre de l’ASE de façon préventive, à partir du constat de certaines difficultés ou défaillances sur le plan éducatif ayant des conséquences sur le devenir de l’enfant : par exemple une mauvaise organisation matérielle et quotidienne de la vie familiale, des difficultés relationnelles intra-familiales, des difficultés d’adaptation à un nouveau milieu de vie, une méconnaissance des besoins de l’enfant, l’incapacité des parents à prendre en charge leurs enfants du fait de capacités intellectuelles limitées… Leur intervention vise alors à éviter une dégradation de la situation.
Les frais d’intervention des TISF et des aides ménagères, des assistantes de vie aux familles et des auxiliaires de vie sont, sur demande de la famille bénéficiaire, pris en charge (en tout ou partie) par le service de l’ASE, s’ils ne le sont pas par un organisme de sécurité sociale ou tout autre service, ou si cette prise en charge est insuffisante.
b. Spécificités de l’aide à l’organisation familiale apportée par un(e) TISF
Objectifs de leur intervention
Les TISF accompagnent les familles rencontrant des difficultés éducatives et sociales qui perturbent leur vie quotidienne, afin de leur permettre de reprendre en main le bon fonctionnement de leur foyer et de retrouver leur autonomie. Ils accomplissent un soutien d’ordre social, psychologique et éducatif de proximité. En réalisant les tâches quotidiennes « avec » les parents et les enfants, le TISF transmet son savoir-faire et ses connaissances.
Mise en oeuvre
Les TISF interviennent à domicile, ponctuellement, lorsqu’une famille a besoin d’un soutien dans son organisation : par exemple pour aider une mère de famille nombreuse « débordée » à l’occasion de la naissance d’un nouvel enfant, ou pour soutenir un parent ponctuellement dépassé en donnant des conseils sur la façon de gérer la maison et les enfants. Le technicien aide à la gestion du quotidien : rangement, ménage ou encore tenue du budget de la famille.
c. Les actions des aides ménagères, assistantes de vie aux familles et auxiliaires de vie
Objectifs de leurs interventions
Les aides ménagères, les assistantes de vie aux familles et les auxiliaires de vie ne travaillent pas seulement auprès des familles dans le cadre de la protection de l’enfance, mais aussi auprès de personnes malades, âgées ou handicapées. Dans le cadre de la protection de l’enfance, leur action consiste à jouer un rôle de soutien et d’accompagnement social en aidant les parents qui ne sont plus à même d’assumer leurs responsabilités face aux tâches ménagères. Ces professionnels favorisent l’insertion sociale, et concourent ainsi à la lutte contre l’exclusion dont peuvent souffrir les enfants.
Mise en oeuvre
Ces professionnels épaulent et assistent les familles en leur apportant une aide dans l’accomplissement de tâches et d’activités de la vie quotidienne, comme la préparation des repas, les travaux ménagers courants, les démarches, les courses… Ils doivent établir avec la famille aidée et son entourage une relation de confiance et de dialogue, dans le respect de leurs choix de vie, sous réserve que ceux-ci préservent les intérêts des enfants.
4. LES AMÉNAGEMENTS RÉCENTS DE L’ACCOMPAGNEMENT EN ÉCONOMIE SOCIALE ET FAMILIALE (AESF)
Les dégradations des conditions de vie d’une famille peuvent avoir des conséquences graves sur le développement des enfants. Par exemple, les conditions de logement ont un impact sur la réussite scolaire, dans la mesure où la concentration d’un enfant dépend des conditions dans lesquelles il peut étudier chez lui (espace, calme, temps…).
C’est dans l’objectif de prévenir ces dégradations que de nouvelles interventions budgétaires ont été prévues par la loi du 5 mars 2007 :
- l’accompagnement en économie sociale et familiale (prestation d’aide à domicile) ;
- l’aide à la gestion du budget familial (mesure judiciaire), rénovation de l’ancienne tutelle aux prestations familiales.
Ces dispositifs ont le même objet : assurer le retour à l’autonomie des familles dans la gestion de leur budget et la définition de leur projet parental pour leur enfant.
a. L’accompagnement en économie sociale et familiale
Cadre juridique : article L. 222-3 du CASF.
Missions : L’accompagnement budgétaire ou le recours individualisé à des conseillers en économie sociale et familiale est une prestation d’aide à domicile de type préventive. Ce type d’aide vise à éviter la dégradation des situations. Il est donc particulièrement indiqué auprès des familles en grande précarité. Ces familles sont alors aidées par la délivrance d’informations et de conseils pratiques et par un appui technique dans la gestion de leur budget au quotidien. L’accompagnement en économie sociale et familiale est un préalable à la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial prévu à l’article 375-9-1 du Code civil (cf. infra).
Fonctionnement : Les conseillers en économie sociale et familiale sont essentiellement présents au sein des « équipes polyvalentes de secteur ». Leur intervention est étendue à d’autres actions préventives (relatives par exemple au surendettement).
Comme toute intervention à domicile, l’aide à la gestion du budget de la famille donne accès, en toute confiance, à l’intimité et au mode de fonctionnement de la famille. Ce mode d’accompagnement permet ainsi d’aborder les questions de l’insertion professionnelle des parents et les difficultés de la vie quotidienne mais aussi celles relatives à l’éducation, la santé, aux loisirs des enfants participant à leur développement et leur épanouissement.
b. La mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial
Cadre juridique : articles 375-9-1 et 375-9-2 du Code civil.
Mission : La mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial est une mesure d’assistance éducative qui modernise l’ancienne mise sous tutelle des prestations familiales, qui était destinée à responsabiliser les parents qui n’assurent pas leur rôle éducatif auprès de leurs enfants. Il s’agitdésormais d’aider à la gestion du budget familial, dans une dimension plus positive et protectrice qu’auparavant.
Fonctionnement : Cette mesure est indiquée lorsque les services sociaux constatent une inadéquation entre l’utilisation des prestations familiales et les besoins des enfants (logement, entretien, santé, éducation) et lorsque l’accompagnement en économie sociale et familiale apparaît insuffisant.
Les articles 375-9-1 et 375-9-2 du Code civil prévoient que le « délégué aux prestations familiales » prend toute décision répondant aux besoins de l’enfant et exerce « une action éducative visant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations ».
Au titre de ses missions en matière de prévention de la délinquance et de manière dérogatoire, le maire peut, conjointement avec la caisse d’allocations familiales, saisir directement le juge afin qu’il prononce cette mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial.
5. LES PRESTATIONS FINANCIÈRES D’AIDE À DOMICILE
a. Les principes généraux régissant l’octroi de ces prestations
Caractéristiques des aides financières
Elles peuvent être versées à titre définitif ou sous condition de remboursement. En effet, elles peuvent être remboursables si le demandeur est par exemple en attente du versement d’aides de droit commun par d’autres organismes (APL, allocations familiales…). Les aides financières ont un caractère subsidiaire (elles ne sont accordées qu’après instruction de toutes les autres aides auxquelles la famille a droit), temporaire et renouvelable.
Ces sommes sont insaisissables et ne peuvent être cédées. Toutefois, à la demande du bénéficiaire, elles peuvent être versées à toute personne temporairement chargée de l’enfant. De plus, lorsqu’un délégué aux prestations familiales a été désigné par le juge des enfants, c’est lui qui reçoit de plein droit les allocations mensuelles d’aide à domicile.
Conditions d’octroi
Les aides financières sont versées par le département aux familles qui en font la demande et dont les ressources sont insuffisantes pour assurer l’entretien et l’éducation de l’enfant. Elles sont attribuées sur la base d’une enquête sociale, qui présente les mesures à prendre pour permettre à la famille de retrouver son autonomie.
Elles doivent être affectées, dans le cadre d’un projet éducatif, à la prise en charge de l’enfant et à son épanouissement, comme par exemple l’inscription de l’enfant à des activités socio-éducatives. Elles ne doivent en revanche pas servir à financer le logement familial, l’aide à l’hébergement relevant d’autres dispositifs.
b. Les différentes aides financières d’aide à domicile
Les allocations mensuelles
D’une durée maximale d’un an, elles sont destinées aux familles qui souffrent d’une insuffisance de revenus portant préjudice à leur équilibre. Elles ont également pour but de favoriser le maintien de l’enfant dans sa famille.
Elles sont accordées notamment pour assurer les besoins alimentaires et de première nécessité de la famille, pour permettre la réalisation du projet éducatif de l’enfant, ou encore pour favoriser les droits de visite et d’hébergement des parents.
Les secours exceptionnels
Ils sont accordés ponctuellement pour permettre à une famille de faire face à des dépenses non prévues comme le financement de besoins alimentaires urgents, ou encore les loisirs et vacances des enfants. Ils peuvent être versés en cas d’absence de ressource.