LES DIFFÉRENTS acteurs du système judiciaire (parquets, tribunaux pour enfants, PJJ) et le secteur associatif sont les partenaires institutionnels privilégiés du conseil général, chef de file de la politique de protection de l’enfance, mais ils ne sont pas les seuls.
Il existe en effet bien d’autres partenaires institutionnels qui, selon les termes de la loi du 5 mars 2007, « concourent » au dispositif départemental de protection de l’enfance : l’Éducation nationale, le secteur de la santé (pédiatrie, psychiatrie, médecine générale, PMI, urgences…), les forces de l’ordre (brigades des mineurs…), certains ordres professionnels (médecins, avocats…), les CCAS et CIAS (centres communaux ou intercommunaux d’action sociale), les crèches et haltes-garderies, les organismes culturels, les centres de loisirs, les clubs sportifs…
Les professionnels qui exercent leur activité dans ces institutions et organismes n’ont pas la responsabilité d’imposer, de proposer, de mettre en oeuvre et/ou de financer des mesures de protection de l’enfance. En revanche, ils sont potentiellement au contact d’enfants en danger ou en risque de danger et de leurs familles. Ils ont donc un rôle essentiel à jouer en termes de repérage et/ou de prise en charge.
Parmi ces « autres » partenaires institutionnels de la protection de l’enfance, trois méritent une attention toute particulière (l’Éducation nationale, le secteur de la santé et les forces de l’ordre), et ce pour deux raisons au moins :
- ils disposent en interne de services et de professionnels qui ont explicitement pour mission de venir en aide aux enfants en difficulté ;
- ils nouent des relations de partenariat souvent intenses avec les conseils généraux (par exemple en participant aux observatoires départementaux de protection de l’enfance, en étant signataires de protocoles…).
1. L’ÉDUCATION NATIONALE
L’école est un lieu privilégié pour l’observation et le repérage des situations d’enfants en danger. Au-delà du rôle joué en la matière par les enseignants, il existe au sein de l’Éducation nationale deux services dont les missions concernent en partie la protection de l’enfance : le service social en faveur des élèves et le service de promotion de la santé en faveur des élèves.
a. Le personnel enseignant
En 2009-2010, il y avait en France un total de 853 000 enseignants dans les écoles primaires, les collèges et les lycées de l’enseignement public et privé. Ces enseignants jouent un rôle essentiel en matière de repérage des situations de danger ou de risque de danger. Étant en contact quotidien avec les élèves, ils peuvent recevoir des confidences ou des témoignages, mais aussi être mis en alerte par des signaux laissant penser qu’un enfant est en difficulté (retard dans les apprentissages, soudain décrochage de l’investissement et des résultats scolaires, troubles de l’attention, comportements violents…).
Former les enseignants et les directeurs d’établissements scolaires au repérage des situations d’enfants en danger, garantir que le dispositif départemental de recueil des informations préoccupantes est bien avisé de toutes les situations que les enseignants repèrent, est donc l’un des enjeux importants de la politique de protection de l’enfance.
Lorsque la sensibilisation et la formation des enseignants aux enjeux de la protection de l’enfance sont absentes ou peu développées, on constate souvent des déficiences dans la remontée des informations préoccupantes vers le dispositif départemental de protection de l’enfance :
- Certaines situations de danger ne sont pas repérées comme telles.
- Certains enseignants et certains directeurs d’établissements ne savent pas quoi faire des informations qu’ils ont recueillies : ils risquent alors soit de les garder pour eux-mêmes, soit de tenter de traiter eux-mêmes la situation avec les parents, soit au contraire de diffuser des informations et de « signaler » de façon désordonnée et impulsive, notamment pour « se couvrir »(1). Les parquets se plaignent encore souvent de recevoir de l’Éducation nationale un nombre excessif de signalements pour des situations qui, selon eux, ne relèvent pas de la protection judiciaire.
Ces écueils sont particulièrement fréquents pour les enseignants du premier degré, surtout quand ils enseignent dans de petites écoles. Plusieurs facteurs se conjuguent alors pour rendre très délicat le travail de repérage des situations de danger et de transmission des informations préoccupantes au conseil général ou à l’autorité judiciaire : l’isolement des enseignants par rapport à l’inspection d’académie, l’absence du service social en faveur des élèves, les contacts fréquents avec les parents (qui déposent et viennent rechercher leurs enfants dans les classes ou à la grille de l’école, et qui connaissent le nom et l’adresse des enseignants)…
Pour améliorer la contribution des enseignants à la politique de protection de l’enfance, deux types d’actions doivent être entrepris :
- En interne, l’Éducation nationale doit former les enseignants au repérage des situations d’enfants en danger et à la connaissance des circuits de l’information préoccupante dans leur département. Elle doit aussi développer les activités du service social et du service de promotion de la santé en faveur des élèves, et sensibiliser les enseignants à la nécessité de travailler en liaison avec ces deux services dès lors qu’ils sont préoccupés par une situation.
- Dans certains départements (comme le Doubs), il existe au niveau de l’inspection académique un conseiller technique référent qui est chargé de centraliser tous les éléments d’information dont disposent les personnels enseignants de l’Éducation nationale et de les adresser aux services du conseil général (ou, en cas d’urgence, à l’autorité judiciaire). Le but de cette procédure centralisée est de limiter la déperdition des informations et d’homogénéiser les pratiques des personnels de l’Éducation nationale concernant l’enfance en danger sur tout le territoire départemental.
- L’amélioration de la contribution des enseignants à la politique de protection de l’enfance passe aussi par le renforcement du partenariat entre l’Éducation nationale et le conseil général ainsi que l’autorité judiciaire : participation de l’Éducation nationale à la réflexion concernant les schémas départementaux, signature par l’inspection d’académie des protocoles relatifs au recueil des informations préoccupantes, participation des professionnels du conseil général et des parquets à la formation des directeurs d’établissements (voire des enseignants), participation des professionnels de l’Éducation nationale (enseignants, médecins et assistants sociaux) à l’évaluation des situations, etc.
b. Le service de promotion de la santé en faveur des élèves (la « médecine scolaire »)
Depuis la décentralisation, les services de médecine scolaire, dont le travail consiste à suivre la santé des enfants dès lors qu’ils sont scolarisés, sont rattachés au ministère de l’Éducation nationale. Trois circulaires précisent leur organisation et leurs missions(2). Dans chaque département, le service de promotion de la santé en faveur des élèves est placé sous la responsabilité d’un médecin conseiller technique et d’un infirmier conseiller technique. Ces deux cadres exercent un rôle de coordination et de conseil de l’activité des professionnels de la médecine scolaire sur l’ensemble du département.
Sur le terrain, le service de médecine scolaire intervient dans les établissements de tous niveaux, du premier degré à l’Université.
Il se compose de plusieurs catégories de personnels :
- les médecins scolaires, au nombre de 2 000 environ sur l’ensemble du territoire national (dont 130 médecins conseillers techniques et 700 postes équivalent temps plein de vacataires). En 2005, cela représentait 2 123 en équivalent temps plein pour l’ensemble du territoire, avec des inégalités de répartition par académie parfois importantes.
- les infirmiers scolaires, au nombre de 6 700 environ sur l’ensemble du
- territoire national (en comptant les temps pleins et les temps partiels). Cela représente, toujours en 2005, un ratio d’une infirmière pour 1 840 collégiens et lycéens ;
- les secrétaires médico-sociales.
Les médecins de l’Éducation nationale sont responsables d’un « secteur » de 5 000 à 10 000 élèves. Parmi les missions qu’ils exercent auprès des élèves, plusieurs concernent de près la protection de l’enfance :
- l’établissement des bilans de santé et le dépistage des enfants en difficulté (cf. fiche n°19) ;
- l’information des élèves sur les conduites addictives et la mise en oeuvre d’actions de prévention ;
- la formation du personnel des établissements scolaires (par exemple dans le domaine de la protection de l’enfance) ;
- en cas de besoin, la transmission d’une information préoccupante au conseil général ou d’un signalement au parquet.
- les médecins scolaires ont également la charge de mettre en oeuvre des actions de prévention individuelle et collective et de promotion de la santé.
Quant aux infirmiers de l’Éducation nationale, soit ils travaillent « en résidence » dans un établissement du second degré, soit ils travaillent à mi-temps dans un établissement et à mi-temps sur tout le secteur géographique de recrutement de cet établissement.
Placés sous l’autorité du chef d’établissement, les infirmiers ont pour mission de promouvoir et de mettre en oeuvre au sein des établissements la politique de santé en faveur des élèves. Ils ont un rôle d’alerte important à jouer concernant les situations d’enfant en danger ou en risque de danger, car du fait de leur proximité avec les élèves, ils peuvent recueillir un grand nombre d’informations, d’observations et de confidences sur les difficultés que ceux-ci rencontrent. Faisant suite à un rapport rendu en 2005 par la mission IGAS / IGEN / IGAENR sur la promotion de la santé à l’école, la circulaire du ministère de l’Éducation nationale n°2001-014 du 12 janvier 2001 indique d’ailleurs de façon claire que les infirmiers doivent se conformer au dispositif de recueil des informations relatives aux mineurs maltraités mis en place par le conseil général.
Les lacunes du service de promotion de la santé en faveur des élèves sont malheureusement bien connues (cf. le rapport ONED 2006, p. 10-12) : le sous-effectif chronique (notamment à cause du niveau de rémunération bien inférieur à celui proposé par la médecine libérale), entraîne une surcharge de travail qui ne permet pas aux professionnels de ce service de remplir correctement leurs missions.
- Selon certaines estimations, seuls 60 % des bilans de santé prévus par la loi étaient réalisés en 2006. La situation étant aujourd’hui plus délicate encore puisque la loi du 5 mars 2007 a rajouté 3 nouveaux bilans, à 9, 12 et 15 ans, sans qu’une augmentation des moyens et des effectifs ait suivi.
Face à cette situation, la loi du 5 mars 2007 confirme la possibilité de recourir à des médecins libéraux pour réaliser ces bilans de santé, mais cette solution est inadéquate pour plusieurs raisons. Pour des raisons pratiques (la dégradation de leur démographie et leur présence très variable selon les secteurs géographiques), mais aussi déontologiques (risque de se voir soupçonné de vouloir accroître sa patientèle). Quoi qu’il en soit, le niveau de rémunération de la vacation (16,42 euros brut par heure) est si faible qu’il décourage de nombreux médecins libéraux qui seraient intéressés par l’exercice d’une partie significative de leur activité au service de la médecine scolaire. - Autre problème fréquemment constaté : un déficit de coordination avec les services de PMI qui suivent les enfants de 0 à 6 ans, alors qu’une telle coopération est pourtant indispensable pour garantir notamment la qualité des évaluations.
c. Le service social en faveur des élèves
Il existe dans chaque département un service social en faveur des élèves, placé auprès de l’inspecteur d’académie. La responsabilité de ce service incombe à un conseiller technique qui a pour mission la mise en oeuvre dans son département de la politique sociale en faveur des élèves définie par le ministre, ainsi que des orientations données par le recteur. Ce conseiller technique assure la responsabilité du service social en faveur des élèves. Il exerce un rôle d’encadrement ou de coordination de l’activité des assistants de service social qui sont positionnés au niveau des établissements.
Les assistants de service social de l’Éducation nationale interviennent uniquement dans les établissements du second degré (collèges et lycées), aussi bien publics que privés sous contrat. En effet, faute d’être en nombre suffisant, ils sont absents des écoles maternelles et des écoles primaires.
Parmi les missions des assistants de service social de l’Éducation nationale, définies par la circulaire n°91-248 du 11 septembre 1991, certaines concernent la protection de l’enfance, en particulier les suivantes :
- participer au suivi et à l’accompagnement des élèves en difficultés personnelles et familiales ;
- participer à la prévention des conduites à risque (tentative de suicide, consommation de substances psycho-actives, fugues…) ;
- accompagner et soutenir les parents dans leur fonction parentale ;
- participer à la protection des mineurs en danger ou susceptibles de l’être.
En ce qui concerne la protection des mineurs en danger ou en risque de danger, les assistants de service social interviennent à plusieurs niveaux :
- le repérage des situations ;
- le conseil aux personnels de l’Éducation nationale qui sont confrontés à des situations qui les préoccupent ;
- l’évaluation des situations, en lien avec les autres personnels de l’Éducation nationale (et, dans beaucoup de départements, avec les professionnels du conseil général) ;
- la transmission des informations préoccupantes aux services du conseil général (ou des signalements à l’autorité judiciaire) ;
- la mise en oeuvre, auprès des élèves, d’actions de prévention de la maltraitance, en partenariat avec les autres professionnels de l’Éducation nationale (médecine scolaire, directeurs d’établissements, enseignants…) et avec les autres partenaires institutionnels de la protection de l’enfance.
Au total, la contribution de l’Éducation nationale à la politique de protection de l’enfance est importante, mais souffre de certaines lacunes, dues pour l’essentiel à un manque de moyens et de personnel. La médecine scolaire et le service social en faveur des élèves ne sont pas présents dans l’ensemble des établissements, et ne sont pas capables d’exercer l’intégralité de leurs missions. Quant au nombre de psychologues scolaires, il est également bien trop faible au regard des enjeux de leur présence au sein des écoles maternelles et primaires : ils sont tout juste assez nombreux pour assurer quelques actions en faveur des enfants en difficulté d’apprentissage, au moyen d’examens cliniques et psychométriques et d’un suivi psychologique. Quant à la déliquescence des RASED (Réseaux d’aide spécialisées aux élèves en difficultés), elle va également amoindrir la capacité du système scolaire à repérer de façon précoce les situations de danger ou de risque de danger vécues par les enfants les plus en difficulté.
2. LE SECTEUR DE LA SANTÉ
Nombreux sont les organismes et les professionnels qui, dans le secteur de la santé, apportent leur concours à la politique de protection de l’enfance : les hôpitaux généraux, la pédopsychiatrie, les médecins libéraux (généralistes ou spécialistes)…
a. L’hôpital
L’hôpital figure très souvent parmi les signataires des schémas départementaux de protection de l’enfance et/ou des protocoles relatifs au repérage des situations d’enfants en danger ou en risque de danger.
Le rôle de l’hôpital en matière de protection de l’enfance est notamment important pour le repérage et la prise en charge des enfants victimes des formes les plus graves de violences. Plusieurs services hospitaliers concourent à ces actions, notamment le service des urgences (il existe dans les principaux hôpitaux des urgences pédiatriques) ou certains services spécialisés (gynécologie obstétrique, pédopsychiatrie…).
Le rôle de l’hôpital en matière d’accueil et de prise en charge des mineurs victimes de mauvais traitements a été précisé par deux circulaires DGS / DH du 27 mai 1997 puis du 13 juillet 2000.
- La première de ces deux circulaires a posé les bases de l’organisation d’un dispositif d’accueil et de prise en charge des enfants (et des adultes) victimes de violences sexuelles, en identifiant dans chaque région un pôle de référence chargé de la coordination d’un réseau local.
- La deuxième circulaire a étendu ce dispositif à l’accueil et à la prise en charge des enfants victimes de toutes formes de maltraitance (et pas seulement des violences sexuelles).
Le pôle de référence régional doit non seulement accueillir et assurer des soins aux victimes, mais il doit aussi jouer un rôle de conseil aux autres acteurs de la protection de l’enfance, participer à la sensibilisation et à la formation des professionnels de la santé, et veiller à l’efficacité des procédures de transmission des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger.
L’hôpital reçoit un grand nombre d’enfants dont l’état peut laisser supposer qu’ils sont victimes de mauvais traitements. Il a donc un rôle extrêmement important à jouer pour repérer les situations de danger ou de risque de danger, et pour en aviser le président du conseil général et/ou le procureur de la République.
Dans ces situations, les personnels hospitaliers ont pour mission de réaliser les examens qui sont indispensables à la constitution d’un dossier médico-légal solide, dans le cas où la situation serait susceptible de poursuites pénales (prélèvements, radiographies, photographies, analyses sanguines…).
L’hôpital est aussi en première ligne pour fournir aux enfants les plus gravement maltraités les soins qui leur sont indispensables, au niveau des urgences ou dans les services appropriés (gynécologie obstétrique, pédopsychiatrie…).
L’hôpital joue enfin un rôle important en matière de prévention, en particulier au travers du suivi des femmes enceintes et des jeunes accouchées à la maternité (cf. fiche n°19).
b. La pédopsychiatrie
Parmi les services hospitaliers particulièrement engagés dans la politique de protection de l’enfance figurent les services de pédopsychiatrie (ou « psychiatrie infanto-juvénile »). Ces services ont les missions suivantes :
- Soigner les troubles de l’enfant, lors de consultations s’il est maintenu dans son milieu « naturel », ou au cours d’une hospitalisation ;
- Détecter aussi précocement que possible les situations à risque qui pourraient déboucher sur une mise en danger caractérisée d’un mineur du fait d’un tiers (maltraitance, violences sexuelles…) ou de son propre fait (tentative de suicide, anorexie…) ;
- Prévenir l’apparition des troubles psychologiques, notamment par la participation à des actions de prévention en lien avec les autres partenaires institutionnels.
Les services de pédopsychiatrie souffrent d’un manque chronique de moyens et de personnels. Les difficultés de recrutement des pédopsychiatres hospitaliers sont telles que de nombreux postes sont vacants et qu’il y a davantage de postes offerts aux concours de praticien hospitalier en pédopsychiatrie que de candidats inscrits.
Cette situation fait de la pédopsychiatrie l’un des domaines sinistrés de la protection de l’enfance. Elle rend parfois très tendus les rapports avec ses partenaires institutionnels. Une des conséquences de ces manques de moyens matériels et humains est que les services de pédopsychiatrie s’en remettent souvent aux services de l’ASE pour des enfants ou des adolescents qui relèvent pourtant prioritairement d’une problématique psychologique et non éducative. En sens inverse, les services de pédopsychiatrie souffrent de se voir souvent adresser des mineurs « incasables », que les autres acteurs de la protection de l’enfance ne savent pas comment « gérer », mais qui ne présentent pas pour autant de troubles psychiatriques.
Au regard du public, la pénurie de pédopsychiatres hospitaliers entraîne de fait une inégalité des enfants face à l’accès à ces soins, et des listes d’attentes très longues. Il n’est pas rare qu’un enfant doive attendre plus de 6 mois pour que démarre une prise en charge au titre de la pédopsychiatrie, ce qui laisse beaucoup de temps aux difficultés pour s’installer et devenir de facto plus difficiles à enrayer.
c. Les médecins libéraux (généralistes ou spécialistes)
Les professionnels de santé libéraux, qu’ils soient généralistes (médecins de famille) ou spécialistes (pédiatres, kinésithérapeutes, etc.), ont également un rôle très important à jouer en matière de protection de l’enfance.
En effet, les médecins sont fréquemment et régulièrement en contact avec les familles et les enfants, lors des consultations ou des visites à domicile. De ce fait, ils sont particulièrement bien placés pour repérer des indices ou recueillir des témoignages qui peuvent « laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger » ou « puisse avoir besoin d’aide », pour reprendre la définition de l’information préoccupante mentionnée dans le guide pratique ministériel La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation (cf. fiche n °21) : traces de coups ou de brûlures, troubles alimentaires, retards de croissance, anxiété, insomnies, dépression juvénile, etc.
En pratique, la contribution des médecins généralistes à la politique de protection de l’enfance reste très souvent bien inférieure à ce qu’elle pourrait être.
- Au niveau du repérage des situations de danger ou de risque de danger, on constate souvent des déficiences inquiétantes, et ce pour deux raisons : le manque de formation (et donc de connaissance des signes qui permettent de suspecter ces situations) ; le fait aussi que pour un médecin, alerter les pouvoirs publics au sujet de la situation d’un enfant fait courir le risque de perdre une partie de sa patientèle (à commencer par la famille de cet enfant).
- Les pratiques des médecins libéraux pourraient aussi être sensiblement améliorées en matière de transmission des informations préoccupantes ou des signalements. Hormis dans quelques départements où des partenariats ont été signés entre le conseil général, l’autorité judiciaire et les Conseils départementaux de l’Ordre des médecins, la plupart des médecins libéraux ont l’habitude de s’adresser systématiquement au procureur de la République lorsqu’ils repèrent des situations préoccupantes, contribuant ainsi aux phénomènes de judiciarisation et d’engorgement des parquets auxquels la loi du 5 mars 2007 a voulu remédier (cf. fiche n°13).
- Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) n’a quasiment pas relayé auprès des médecins les nouvelles dispositions introduites par la loi du 5 mars 2007 en matière de repérage et de signalement. Au 10 février 2009, son site Internet n’en fait absolument pas mention : les médecins qui s’y connectent ne sont pas informés que la procédure « normale » consiste à transmettre des informations préoccupantes au président du conseil général : ils sont uniquement incités à adresser des signalements directs au procureur de la République. Ce retard est très regrettable, d’autant plus que le législateur avait décidé, par la loi du 2 janvier 2004, de protéger les médecins des risques que certains pouvaient encourir en cas de non-lieu prononcé à la suite de la transmission d’une information à l’autorité judiciaire.
3. LES FORCES DE L’ORDRE
Les forces de l’ordre (police et gendarmerie) ont un rôle important à jouer en matière de protection de l’enfance, à différents niveaux : le repérage des situations d’enfants en danger, la lutte contre les infractions dont sont victimes les mineurs, et enfin le recueil des déclarations des mineurs victimes.
La contribution des forces de l’ordre au repérage des situations d’enfants en danger ou en risque de danger tient au fait qu’elles effectuent des interventions à domicile, dans le cadre d’enquêtes (relatives par exemple à des trafics de stupéfiants) ou suite à des plaintes de voisins. Ainsi, les forces de l’ordre sont souvent les premières à constater les conditions dramatiques dans lesquelles vivent certains enfants.
En particulier, les forces de l’ordre font remonter vers les conseils généraux un nombre de plus en plus grand de situations d’enfants témoins de violences conjugales. Pour différentes raisons (sentiment de honte de la victime, peur des représailles, image sociale souvent très positive de l’agresseur dont personne ne soupçonne le comportement à son domicile…), les situations de violences conjugales restent souvent inconnues des services publics(3) , jusqu’à ce qu’elles atteignent un niveau tel que les forces de l’ordre soient appelées à intervenir. Les forces de l’ordre sont donc dans bien des cas les premières à découvrir le contexte de violence et de terreur dans lequel vivent les enfants.
Le rôle des forces de l’ordre dans le cadre de la protection de l’enfance passe aussi par la répression des auteurs et la prise en charge des mineurs victimes.
Il existe dans la plupart des grandes villes des brigades des mineurs. Celles-ci ont pour mission de protéger les mineurs contre les infractions dont ils sont victimes (en milieu familial ou extra-familial), et de réprimer les adultes qui se livrent à des voies de fait sur des mineurs(4).
Chaque brigade des mineurs est organisée en plusieurs services :
- Un « groupe de recherches », chargé de contrôler les lieux où peuvent se trouver des mineurs en difficulté (par exemple les lieux de prostitution).
- Une « section enquête », qui s’occupe des mineurs en danger au sein de leur famille pour différentes raisons (infanticides, mauvais traitements, violences sexuelles, défaut de soins…). Elle intervient dans les affaires liées au droit de garde et à l’autorité parentale (non-présentation d’enfant, enlèvement…), et peut être chargée du retrait des enfants de leur famille suite à des décisions en urgence des parquets ou des juges des enfants.
- Une « section des enquêtes générales », qui dresse des « bilans familiaux » pour déterminer si la mise en place d’une mesure d’assistance éducative ou d’un placement s’impose.
- Une « section opérationnelle », qui est chargée de toutes les questions qui concernent le mineur en dehors de sa famille (attentats à la pudeur, viols, détournement de mineur, proxénétisme, fugues…).
Le rôle des « sections d’enquêtes » des brigades des mineurs consiste notamment à mener des investigations détaillées sur les infractions dont les mineurs sont victimes : recueil des témoignages, audition de l’auteur et de la victime, établissement des procès-verbaux.
Lorsqu’il n’existe pas de brigade des mineurs (en milieu rural et dans les petites villes), toutes ces missions sont exercées par les commissariats ou les casernes de gendarmerie du lieu où les situations de mineurs en danger ont été repérées.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Ceci a été particulièrement vrai en ce qui concerne les suspicions de violences sexuelles, à la suite des circulaires de l’Éducation nationale du 26 août 1997 (« concernant les violences sexuelles ») et du 15 mars 1997 (relative à la « lutte contre les violences sexuelles »). Retour au texte
Note 02 Circulaires du ministère de l’Éducation nationale / DESCO du 12 janvier 2001. Retour au texte
Note 03 Réalisée en 2001, l’étude ENVEF (ENquête sur les Violences Envers les Femmes) a conclu que plus de 90 % des violences domestiques restent non déclarées. Retour au texte
Note 04 Les brigades de protection des mineurs enquêtent également sur les infractions commises par les mineurs délinquants. Retour au texte