Le contenu de la loi loi du 5 mars 2007 du 5 mars 2007(1) réformant la protection de l’enfance sera peu abordé ici car il est analysé en détail dans diverses fiches vers lesquelles le texte ci-dessous renvoie. Cette fiche concerne la genèse et les principes fondateurs de la loi du 5 mars 2007 (2), ainsi que certaines de ses limites et les conditions de sa mise en œuvre.
1. Les ferments de la réforme
L’évolution de la protection de l’enfance entre 1945 et le début des années 2000 a été marquée par la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance et par un renouveau des pratiques, qui cherchent à donner plus de place aux parents et à assurer une prise en charge plus adaptée aux besoins de chaque enfant ( cf . fiche n° 4). Il n’en demeure pas moins qu’au début des années 2000, de nombreuses réflexions issues de travaux de professionnels, de rapports administratifs et parlementaires, ainsi que d’ouvrages de militants associatifs ou d’experts, ont établi la nécessité d’une réforme législative de la protection de l’enfance.
a. Les constats partagés
Les limites du système
Les réflexions et travaux engagés au tournant des années 2000 ont mis en évidence certaines limites du système de protection de l’enfance. Certes, ce dispositif repose sur des principes éprouvés, mais il doit faire face à de nouvelles difficultés, notamment révélées lors d’affaires plus ou moins médiatisées qui ont largement sensibilisé l’opinion publique (3) :
- l’absence de définition partagée de plusieurs concepts clés, comme le signalement ;
- les lacunes du dispositif de repérage des enfants en danger et de signalement ( cf . fiche n° 21) ;
- la judiciarisation trop importante du système ( cf . fiche n° 13) ;
- la bipolarité trop rigide du dispositif entre maintien dans la famille vs accueil en établissement ou en famille d’accueil ( cf . fiches n° 24 et 25) ;
- la fragilité juridique et financière de nombreuses expérimentations intéressantes ( cf . fiche n° 26).
Les fondamentaux de la protection de l’enfance
La quasi-totalité des réflexions évoquées plus haut s’accordent sur un certain nombre de constats :
- Le respect de l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses droits et de ses besoins, doit rester la base du droit et de l’intervention de tous les professionnels de la protection de l’enfance.
- Le travail avec la famille loi du 5 mars 2007 a fait ses preuves. Le maintien de l’enfant dans sa famille doit être privilégié tant qu’il favorise son développement et que ses besoins essentiels sont satisfaits. Dans la mesure du possible, les pouvoirs publics ne doivent donc pas se substituer aux parents, mais leur apporter une aide qui doit prendre en compte l’ensemble des difficultés auxquelles ils sont confrontés (éducatives, sociales, économiques, psychologiques, culturelles…).
- Enfin, le conseil général doit avoir un rôle de chef de file dans le champ de la protection de l’enfance.
b. Les sources variées de mise en lumière et de diffusion de ces constats
Au tournant des années 2000, ce type de réflexion émane de sources très diverses. La réflexion a été largement alimentée par un certain nombre de rapports institutionnels (4), parmi lesquels :
- Les rapports de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui rend en 1999 ses premiers rapports de contrôle de services de l’ASE, puis publie des rapports thématiques qui vont donner des pistes de réformes (par exemple sur les bonnes pratiques du signalement en 2005 ou sur l’avenir de la PMI).
- Le rapport IGAS-IGSJ-IPJJ Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents (rapport dit Naves-Cathala-Deparis).
- Les rapports annuels rendus par la Défenseure des enfants depuis 2000, et qui démontrent que la France n’est pas en mesure d’assurer aux enfants tous les droits déclinés dans la CIDE.
- Le rapport rendu en 2001 par le directeur Enfance-Famille de Seine-Saint-Denis, Claude Roméo, concernant l’amélioration des relations des parents avec les institutions.
- Les chiffres publiés chaque année par l’Observatoire décentralisé de l’action sociale (ODAS), montrant que le nombre de signalements est en constante augmentation, et contribuant à en identifier les causes.
- Les deux premiers rapports de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED), parus en 2005 et 2006, qui posent les bases des réformes à réaliser, tant au niveau national qu’au niveau départemental.
À partir de 2004, la réflexion sur la nécessaire réforme de la protection de l’enfance a été relayée par des travaux parlementaires :
- En 2004 sont publiés deux rapports parlementaires commandés par la ministre de la famille aux sénateurs Louis de Broissia ( L’amélioration de la prise en charge des mineurs protégés ) et Philippe Nogrix ( L’amélioration des procédures de signalement de l’enfance en danger ).
- Début 2005, deux propositions de loi déposées par Henriette Martinez et Valérie Pécresse préconisent à leur tour des changements significatifs en matière de droits et de protection des enfants.
- En mai 2005, la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, confiée aux députés Patrick Bloche et Valérie Pécresse, a synthétisé les réflexions et les propositions évoquées jusque-là dans un volumineux rapport intitulé L’enfant d’abord .
La contribution à la réflexion des professionnels et du secteur associatif de la protection de l’enfance a également été importante.
- Dans un ouvrage publié en 2003, le docteur Maurice Berger, psychiatre en milieu hospitalier, affirme que les enfants qu’il a à soigner ont pour la plupart subi des violences qui auraient pu être évitées par une meilleure évaluation des loi du 5 mars 2007″ situations et par une prise de décision plus courageuse de la part des responsables administratifs ou judiciaires compétents. Le contenu de ce livre, mais aussi son titre ( L’échec de la protection de l’enfance ), ainsi que son succès de librairie et la forte médiatisation qu’il a recueillie, ont généré d’intenses débats et ont contribué à alimenter la réflexion des professionnels et des parlementaires ( cf . la proposition de loi de la députée Henriette Martinez).
- Lors d’une conférence de presse organisée le 8 septembre 2005 à l’initiative du juge Jean-Pierre Rosenczveig et de Claude Roméo, « l’appel des 100 appel des 100 » pour le renouveau de la protection de l’enfance est lancé. Signé par des responsables de tous horizons, y compris de nombreux élus des conseils généraux, cette initiative en appelle au lancement d’un débat national sur la protection de l’enfance afin d’élaborer une loi d’orientation permettant la refonte du système.
Au regard de tous ces constats, la nécessité d’une réforme de la protection de l’enfance apparaît incontestable. La loi du 5 mars 2007 apparaît ainsi comme le fruit de nombreuses réflexions, d’origines variées et plus ou moins convergentes en fonction des sujets. La succession d’« affaires » fortement médiatisées et révélatrices de certaines carences, la floraison de réflexions, d’ouvrages et de rapports administratifs et parlementaires, et pour finir l’« appel des 100 », ont convaincu le ministre chargé de la Famille, Philippe Bas, d’inscrire à l’agenda gouvernemental l’élaboration d’une loi de réforme de la protection de l’enfance, à laquelle il a souhaité associer l’ensemble des professionnels.
2. L’élaboration de la loi du 5 mars
La loi du 5 mars 2007 a largement été élaborée en concertation avec les acteurs professionnels et institutionnels de la protection de l’enfance.
- Un grand nombre de professionnels de la protection de l’enfance (responsables de l’Aide sociale à l’enfance, travailleurs sociaux, magistrats, médecins, responsables associatifs…) ont été consultés par le biais des groupes de travail animés par les ministères de la Famille et de la Justice. Un Comité national de la protection de l’enfance, composé de personnalités reconnues dans leurs disciplines respectives, représentant les associations, les institutions et les conseils généraux, a aussi été réuni.
- Les acteurs institutionnels de la protection de l’enfance ont aussi été largement associés à la réflexion. Les nombreux ministères concernés (Santé, Éducation nationale, Cohésion sociale, Intérieur, Jeunesse et sport) ont travaillé de concert à la finalisation de l’avant-projet de loi, lequel a été co-rédigé par les ministères de la Famille et de la Justice.
Pour leur part, les départements ont été sollicités pour organiser, en lien avec l’Assemblée des départements de France (ADF), des débats sur leur territoire.
3. Les principes généraux de la loi
Au final, la loi du 5 mars 2007 loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ne constitue pas une rupture profonde, mais elle porte de nombreuses évolutions (elle modifie 8 codes et comprend 40 articles), lesquelles répondent pour la plupart à des attentes exprimées par les acteurs (en particulier par les conseils généraux).
a. Le contenu de la loi du 5 mars 2007
Le contenu de ce texte est constitué pour l’essentiel d’un ensemble de dispositions discutées au cours du travail de concertation et de rédaction du projet de loi. Il a ensuite été complété par un certain nombre d’ajouts parlementaires .
Les trois titres initiaux de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance constituent le cadre d’action des départements :
- Le titre I er (« Mission de la protection de l’enfance ») regroupe les 7 premiers articles de la loi, qui ont pour objet de renforcer la prévention et de clarifier la mission de protection de l’enfance, afin d’anticiper des difficultés futures et d’agir le plus en amont possible.
- Le titre II (« Audition de l’enfant et liens entre protection sociale et protection judiciaire de l’enfance »), qui rassemble les articles 8 à 18, contribue au renforcement du dispositif d’alerte et d’évaluation des risques de danger et à une meilleure articulation des protections sociale et judiciaire.
- Le titre III (« Dispositifs d’intervention dans un but de protection de l’enfance »), qui contient les articles 19 à 31, vise à améliorer et à diversifier les modes d’intervention auprès des enfants afin d’assurer une réponse à chaque situation individuelle.
Au cours de la discussion parlementaire ont été ajoutés un titre IV (« Dispositions relatives à l’éducation ») et un titre V (« Protection des enfants contre les dérives sectaires »), qui reprennent par voie d’amendement, les préconisations de la Commission d’enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs (5).
b. Ce qui ne figure pas dans la loi du 5 mars 2007
Certains professionnels du champ de la protection de l’enfance ont regretté que la loi du 5 mars 2007 n’aborde pas certains sujets :
- Par exemple, certains avaient souhaité que la loi impose à nouveau aux conseils généraux de conclure des « schémas conjoints de protection de l’enfance », afin de mobiliser de façon coordonnée les services de l’État et du département.
- La question des moyens consacrés effectivement par l’État à la protection de l’enfance n’a pas été abordée (les pénuries de personnels dans les tribunaux pour enfants, la faiblesse des moyens de la pédopsychiatrie…).
- En dépit de multiples amendements parlementaires, la situation des mineurs étrangers isolés n’est pas non plus traitée dans le texte.
- Autre sujet demeuré en marge des débats, celui des conditions de vie des enfants pauvres. Le traitement de cette question aurait notamment imposé que la loi réformant la protection de l’enfance aborde les politiques de cohésion sociale et de la ville.
- Les risques de la garde alternée pour les très jeunes enfants, ou encore les dangers que font courir aux enfants certaines « écoles » de compétitions sportives ou artistiques, n’ont pas non plus été pris en compte dans le cadre de cette réforme.
4. La mise en œuvre de la loi
a. Les textes d’application
Les travaux interministériels de préparation du projet de loi, puis les discussions parlementaires, ont souligné la nécessité d’une entrée en vigueur rapide des dispositions de la loi. De plus, la loi du 5 mars 2007 loi du 5 mars 2007 intervient dans un champ décentralisé et laisse donc aux départements une grande marge de manœuvre pour leur mise en œuvre. Pour ces deux raisons, le législateur a choisi de n’inscrire dans la loi qu’un nombre limité de décrets d’application.
Au 1 er mars 2011, les décrets suivants étaient publiés :
- Le décret du 30 juillet 2008 relatif aux modalités de formation des cadres territoriaux, complété par un arrêté du 25 septembre 2008 ( cf . fiche n° 17) ;
- Le décret du 27 décembre 2008 relatif à la nature et aux modalités de transmission à l’ONED, par le président du conseil général, des informations préoccupantes ( cf . fiche n° 27) ;
- Le décret du 30 décembre 2008 relatif à l’encadrement de la procédure de placement sans échéance et de la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ( cf . fiche n° 24) ;
- Le décret du 23 juin 2009 relatif à la formation dans le domaine de la protection de l’enfance en danger et modifiant l’article D. 542-1 du Code de l’éducation ( cf . fiche n° 17) ;
- Le décret en Conseil d’État du 17 mai 2010 relatif au fonds national de financement de la protection de l’enfance.
b. Le Fonds national de financement de la protection de l’enfance
L’article 27 de la loi du 5 mars 2007 a créé le Fonds national de financement Fonds national de financement de la protection de l’enfance, destiné à compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la loi. Il précise que ce fonds doit être abondé pour moitié par un versement annuel de l’État, et pour moitié par une contribution de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
L’État a beaucoup tardé à publier le décret de création du fonds national de financement de la protection de l’Enfance, à tel point que le Conseil d’État a été saisi par plusieurs départements et a rendu, le 30 décembre 2009, un arrêt mettant en demeure l’État de le publier dans un délai de 4 mois. Ce retard a freiné la mise en œuvre de la réforme, dans la mesure où un certain nombre de départements ont attendu le versement des sommes prévues au titre de ce fonds pour lancer la mise en œuvre de certaines dispositions de la loi, comme par exemple la création d’une cellule départementale ( cf . fiche n° 21).
Le décret en Conseil d’État du 17 mai 2010 relatif au fonds national de financement de la protection de l’enfance prévoit que ce fonds est géré par un comité de gestion qui répartit le montant des ressources du fonds entre deux enveloppes distinctes :
- l’une, réservée aux départements, pour compenser les charges résultant de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 ;
- l’autre, ouverte aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, mais aussi aux associations et aux autres organismes œuvrant dans le champ de la protection de l’enfance, pour soutenir les actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection de l’enfance. Cette deuxième enveloppe est répartie par le comité de gestion du fonds à l’issue d’un appel à projets.
En février 2011, le premier appel à projets pour la période 2011-2013 a été lancé. Doté d’une enveloppe de 6 millions d’euros, il vise à soutenir des projets pour un montant de 50 000 € par an et dans la limite de 50 % du financement total. Trois principaux axes sont privilégiés :
- la protection des enfants vivant dans la précarité économique ;
- l’accompagnement des familles ;
- la prise en charge des publics spécifiques.
c. Le rapport de la Cour des comptes sur la protection de l’enfance
En octobre 2009, la Cour des comptes a rendu public un rapport sur la protection de l’enfance (6) dans lequel elle constate que deux ans après l’adoption de la loi du 5 mars 2007, des difficultés majeures subsistent :
- les informations relatives aux enfants en dangers parviennent difficilement aux départements,
- les offres de prises en charge sont encore insuffisantes,
- les schémas départementaux ne sont pas assez contraignants,
- le nombre d’enfants accueillis en structures d’hébergement est encore trop supérieur à celui des enfants bénéficiant d’une mesure en milieu ouvert,
- les formules innovantes sont trop peu développées,
- la qualité de la prise en charge reste peu ou mal contrôlée (difficulté d’évaluer l’efficacité d’une intervention auprès des familles, lacunes dans le suivi des relations parents-enfants en cas de placement en famille d’accueil…).
La Cour des comptes préconise donc :
- que les départements définissent plus précisément les axes de leur politique et l’imposent aux partenaires associatifs par le biais d’agréments et de conventions ;
- que la notion d’information préoccupante soit précisée ;
- que le parquet joue mieux son rôle de filtre pour éviter les saisines abusives du juge des enfants ;
- que l’État et les départements bâtissent un système national de collecte et d’exploitation des données ;
- que le contenu et les objectifs des mesures en milieu ouvert soient définis avec précision ;
- que les contrôles externes des structures soient réorganisés pour faire aboutir le processus d’évaluation de l’ANESM ;
- que l’accompagnement et le soutien des assistants familiaux soient renforcés ;
- que les rôles respectifs du service de l’ASE et de la structure d’accueil soient précisés quant aux relations de l’enfant accueilli avec sa famille.
d. Les Etats généraux de l’enfance fragilisée
En réponse à ces recommandations et pour assurer le suivi de la réforme portée par la loi du 5 mars 2007, le ministère chargé de la Famille a organisé en 2010 les États généraux de l’enfance (7), dont le but est d’aboutir à un plan d’actions pour renforcer « la protection de l’enfance fragilisée » sur 5 axes de réflexion :
- améliorer la transmission d’informations entre les acteurs,
- bien positionner le travail social,
- mieux accompagner la parentalité dès les premiers mois de la vie de l’enfant,
- mieux prendre en compte la situation des enfants vivant en situation de pauvreté économique,
- développer la prévention des risques liés à la pratique des jeux dangereux.
5. Conclusion
L’évaluation en cours de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance apportera un premier éclairage sur les avancées concrètes portées par cette loi.
Mais d’ores et déjà, la richesse de ces dispositions (abordées dans les fiches suivantes) et des travaux qui ont nourri son contenu lui donnent une importance pratique, symbolique et politique considérable, rappelant que la protection de l’enfance est une priorité nationale.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Pour une présentation exhaustive de la loi du 5 mars 2007, voir Naves P., dir. (2007). La réforme de la protection de l’enfance. Une politique publique en mouvement, Paris, Dunod. Retour au texte
Note 02 Pour une présentation exhaustive de la loi du 5 mars 2007, voir Naves P., dir. (2007). La réforme de la protection de l'enfance. Une politique publique en mouvement , Paris, Dunod. Retour au texte
Note 03 Notamment celles d'Outreau, de Drancy et d'Angers. Retour au texte
Note 04 Ces rapports sont pour la plupart disponibles et téléchargeables sur le site de la documentation française ( www.ladocumentationfrancaise ). Retour au texte
Note 05 Rapport AN n° 3507 (XII e législature), L'enfance volée. Les mineurs victimes des sectes . Retour au texte
Note 06 Ce rapport peut être consulté sur le site de la Cour des comptes : http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Accueil.html Retour au texte
Note 07 www.etatsgenerauxdelenfance.famille.gouv.fr Retour au texte