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Le secret professionnel face Ă  la justice

Publié le 06/06/2011 • Par Le secret professionnel en action sociale Dunod • dans : Fiches de révision

Ma Gazette

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Le travail social sur ordonnance

Dans le langage courant des professionnels de l’action sociale, le terme mandat judiciaire est utilisĂ© frĂ©quemment. Il nous semble que ce mot est inappropriĂ© dans la mesure oĂą sa dĂ©finition juridique est prĂ©cise.

Quelle est la définition juridique du mandat ?

  • En droit civil : c’est l’acte par lequel une personne est chargĂ©e d’en reprĂ©senter une autre.
  • En procĂ©dure pĂ©nale : c’est un ordre Ă©crit ou une mise en demeure par lequel, ou par laquelle, un magistrat ou une juridiction pĂ©nale dĂ©cide de la comparution ou de la mise en dĂ©tention d’une personne. On peut citer Ă  ce titre le mandat de recherche, le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat de dĂ©pĂ´t ou encore le mandat d’arrĂŞt.

Ă€ partir de ces deux dĂ©finitions issues du lexique des termes juridique Dalloz, on peut dĂ©duire que le professionnel n’a pas pour mission de reprĂ©senter le juge (1 e dĂ©finition) et n’est pas habilitĂ© Ă  intervenir au titre de l’un des mandats du juge d’instruction (2 e dĂ©finition).

Il nous semble donc plus judicieux de parler de missions plutĂ´t que de mandat, les termes de la mission Ă©tant prĂ©cisĂ©s dans l’ordonnance du juge. Le professionnel peut ĂŞtre amenĂ© Ă  intervenir dans des procĂ©dures diverses. Il peut s’agir, en effet, de matière civile ou pĂ©nale, de procĂ©dure concernant des majeurs comme des mineurs.

Les missions ordonnées en matière civile

EnquĂŞtes sociales et investigations

Séparation/autorité parentale/droit de visite

Le Code de procédure civile dans son livre III intitulé « Dispositions particulières à certaines matières », chapitre V intitulé « La procédure en matière familiale » précise dans son article 1072 :

« Sans prĂ©judice de toute autre mesure d’instruction et sous rĂ©serve des dispositions prĂ©vues au troisième alinĂ©a de l’article 373-2-12 du Code civil, le juge peut, mĂŞme d’office, ordonner une enquĂŞte sociale s’il s’estime insuffisamment informĂ© par les Ă©lĂ©ments dont il dispose.

L’enquĂŞte sociale porte sur la situation de la famille ainsi que, le cas Ă©chĂ©ant, sur les possibilitĂ©s de rĂ©alisation du projet des parents ou de l’un d’eux quant aux modalitĂ©s d’exercice de l’autoritĂ© parentale.

Elle donne lieu Ă  un rapport oĂą sont consignĂ©es les constatations faites par l’enquĂŞteur et les solutions proposĂ©es par lui.

Le juge donne communication du rapport aux parties en leur fixant un dĂ©lai dans lequel elles auront la facultĂ© de demander un complĂ©ment d’enquĂŞte ou une nouvelle enquĂŞte ».

Le Code civil quant à lui contient un article 373-2-12 qui précise :

« Avant toute dĂ©cision fixant les modalitĂ©s de l’exercice de l’autoritĂ© parentale et du droit de visite ou confiant les enfants Ă  un tiers, le juge peut donner mission Ă  toute personne qualifiĂ©e d’effectuer une enquĂŞte sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont Ă©levĂ©s les enfants.

Si l’un des parents conteste les conclusions de l’enquĂŞte sociale, une contre-enquĂŞte peut Ă  sa demande ĂŞtre ordonnĂ©e.

L’enquĂŞte sociale ne peut ĂŞtre utilisĂ©e dans les dĂ©bats sur la cause du divorce. »

Remarquons tout d’abord que les deux textes citĂ©s parlent « d’ordonner une enquĂŞte » ou de « donner mission » Ă  une personne qualifiĂ©e en vue de rĂ©aliser une enquĂŞte sociale.

L’enquĂŞte sociale peut aussi ĂŞtre diligentĂ©e en matière de procĂ©dure de dĂ©lĂ©gation de retrait total ou partiel d’autoritĂ© parentale et d’adoption.

DĂ©lĂ©gation/retrait d’autoritĂ© parentale

L’article 1205 du Code de procĂ©dure civile prĂ©cise que :

« Le tribunal ou le juge mĂŞme d’office, procède ou fait procĂ©der Ă  toutes les investigations utiles et notamment aux mesures d’information prĂ©vues Ă  l’article 1183 (…). »

L’article 1183 autorise le tribunal ou le juge Ă  :

« ordonner toute mesure d’information concernant la personnalitĂ© et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquĂŞte sociale, d’examens mĂ©dicaux, psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation Ă©ducative. »

Adoption

Lors d’une procĂ©dure d’adoption « le tribunal, s’il y a lieu, fait procĂ©der Ă  une enquĂŞte par toute personne qualifiĂ©e » (article 1171 du Code de procĂ©dure pĂ©nale). Ce mĂŞme article permet au tribunal de prendre connaissance des dossiers concernant les enfants recueillis par le service de l’aide sociale Ă  l’enfance faisant l’objet d’une procĂ©dure d’adoption. Le service est tenu de fournir au tribunal tous les renseignements concernant le pupille (combinaison de l’article 1171 prĂ©citĂ© et de l’article L. 221-7 du Code de l’action sociale et des familles).

Assistance éducative

C’est l’article 1183 du Code de procĂ©dure civile citĂ© partiellement ci-dessus qui dĂ©termine l’ensemble des moyens mis Ă  la disposition du juge des enfants.

En effet, il dispose :

« Le juge peut, soit d’office, soit Ă  la requĂŞte des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’information concernant la personnalitĂ© et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquĂŞte sociale, d’examens mĂ©dicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation Ă©ducative. »

Action Ă©ducative en milieu ouvert/placement de l’enfant

Le juge des enfants doit, Ă  chaque fois que cela est possible, favoriser le maintien de l’enfant dans son milieu actuel. L’article 375-2 du Code civil permet au juge :

« … de dĂ©signer, soit une personne qualifiĂ©e, soit un service d’observation, d’Ă©ducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil Ă  la famille, afin de surmonter les difficultĂ©s matĂ©rielles ou morales qu’elle rencontre. »

Il peut Ă©galement dĂ©cider, si la protection du mineur l’exige, de confier l’enfant Ă  un parent, Ă  un tiers digne de confiance, Ă  un service de l’aide sociale Ă  l’enfance ou Ă  une association habilitĂ©e pour l’accueil de mineurs (article 375-3 du Code civil ).

Les missions ordonnées en matière pénale

Sur ordonnance du juge d’instruction

Enquête sociale rapide (article 81 alinéa 5 du Code de procédure pénale)

« Le juge d’instruction peut Ă©galement commettre, suivant les cas, le service pĂ©nitentiaire d’insertion et de probation, le service compĂ©tent de la protection judiciaire de la jeunesse, ou toute association habilitĂ©e en application de l’alinĂ©a qui prĂ©cède, Ă  l’effet de vĂ©rifier la situation matĂ©rielle, familiale et sociale d’une personne mise en examen et de l’informer sur les mesures propres Ă  favoriser l’insertion sociale de l’intĂ©ressĂ©e. Ă€ moins qu’elles n’aient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prescrites par le ministère public, ces diligences doivent ĂŞtre prescrites par le juge d’instruction chaque fois qu’il envisage de placer en dĂ©tention provisoire un majeur âgĂ© de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l’infraction lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement. »

Enquête de personnalité (article 81 alinéa 6 du Code de procédure pénale)

« Le juge d’instruction procède ou fait procĂ©der soit par des officiers de police judiciaire (…) soit par toute personne habilitĂ©e dans les conditions dĂ©terminĂ©es par dĂ©cret en Conseil d’État, Ă  une enquĂŞte sur la personnalitĂ© des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matĂ©rielle, familiale ou sociale. Toutefois en matière de dĂ©lit cette enquĂŞte est facultative. »

Dossier de personnalité des personnes mises en examen

Il comprend l’enquĂŞte de personnalitĂ© telle que dĂ©finie par l’article 81 alinĂ©a 6 ci-dessus ainsi que, si le juge les a prescrits, l’examen mĂ©dical et l’examen mĂ©dico-psychologique.

L’article D. 16 du Code de procĂ©dure pĂ©nale dispose que :

« Ce dossier a pour objet de fournir Ă  l’autoritĂ© judiciaire, sous une forme objective et sans en tirer de conclusion touchant Ă  l’affaire en cours, des Ă©lĂ©ments d’apprĂ©ciation sur le mode de vie passĂ© et prĂ©sent de la personne mise en examen.

Il ne saurait avoir pour but de rechercher des preuves de la culpabilité. »

PrĂ©cisons aussi qu’au titre de l’article 81-1 du Code de procĂ©dure pĂ©nale :

« Le juge d’instruction peut d’office, sur rĂ©quisitoire du parquet ou Ă  la demande de la partie civile, procĂ©der, conformĂ©ment Ă  la loi, Ă  tout acte lui permettant d’apprĂ©cier la nature et l’importance des prĂ©judices subis par la victime ou de recueillir des renseignements sur la personnalitĂ© de celle-ci. »

Remarques

L’enquĂŞte de personnalitĂ© peut donc porter soit sur le mis en cause, soit sur la victime . En effet, l’enquĂŞteur de personnalitĂ© intervient sur ordonnance du juge d’instruction. Selon les cas, et dans le respect des règles relatives au secret professionnel, les personnes rencontrĂ©es pourront ou non lui opposer le secret professionnel seulement si elles y sont astreintes . Dans le cas contraire, elles devront rĂ©pondre aux questions posĂ©es. Ce qui implique in fine aussi bien du cĂ´tĂ© des enquĂŞteurs de personnalitĂ© que de celui des personnes sollicitĂ©es une connaissance prĂ©cise des règles applicables en la matière.

Sur ordonnance du juge des enfants

Dans le cadre de l’enfance dĂ©linquante, le juge peut solliciter certains actes au titre de l’ordonnance du 2 fĂ©vrier 1945.

Article 12 (Recueil de renseignements sociaux éducatifs – RRSE)

Les RRSE sont effectuĂ©s par le Service Ă©ducatif auprès du tribunal (SEAT) ou l’UnitĂ© Ă©ducative auprès du tribunal (UEAT) :

« Le service de la protection judiciaire de la jeunesse compĂ©tent Ă©tablit, Ă  la demande du procureur de la RĂ©publique, du juge des enfants ou de la juridiction d’instruction, un rapport Ă©crit contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition Ă©ducative. »

Il s’agit principalement de recueillir des informations succinctes permettant d’avoir une vision ponctuelle de la situation du mineur. Le dĂ©lai de rĂ©alisation est gĂ©nĂ©ralement de dix jours maximum.

Article 8 alinéa 5 (enquête sociale au pénal)

Le juge des enfants :

« … recueillera par une enquĂŞte sociale, des renseignements sur la situation matĂ©rielle et morale de la famille, sur le caractère et les antĂ©cĂ©dents du mineur, sur sa frĂ©quentation scolaire, son attitude Ă  l’Ă©cole, sur les conditions dans lesquelles il a vĂ©cu ou a Ă©tĂ© Ă©levĂ©. »

La mesure doit être réalisée dans un délai de deux à quatre mois.

Investigation d’orientation Ă©ducative (IOE)

Les IOE ne sont pas dĂ©finies lĂ©galement mais reposent sur le fondement de l’article 1183 du Code de procĂ©dure civile visĂ© prĂ©cĂ©demment. La Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse en donne la dĂ©finition suivante :

« L’IOE est une mesure d’aide Ă  la dĂ©cision pour le magistrat qui l’ordonne ; elle consiste en une dĂ©marche d’Ă©valuation et d’analyse qui porte a minima sur les points suivants : les conditions matĂ©rielles d’existence du mineur, les conditions d’Ă©ducation, le contexte sociologique, la personnalitĂ© du mineur et des membres de son environnement familial, le fonctionnement intra-familial. Elle fait appel Ă  plusieurs techniques professionnelles permettant de prendre en compte les diffĂ©rents aspects de la situation du mineur, notamment Ă©ducatif, socio-Ă©conomique, psychologique et sanitaire. Elle constitue un temps d’Ă©laboration avec le mineur et ses parents pour leur permettre d’acquĂ©rir une meilleure comprĂ©hension de leur situation et mettre eux-mĂŞmes en Ĺ“uvre les solutions propres Ă  rĂ©soudre les difficultĂ©s. »

La mesure doit être réalisée dans un délai maximum de six mois.

Remarque

L’ensemble des mesures ordonnĂ©es par le juge des enfants dans le cadre de l’enfance dĂ©linquante (mesures pĂ©nales) peuvent l’ĂŞtre dans celui de l’enfance en danger (mesures civiles). Statistiquement, ces mesures sont prononcĂ©es aux deux tiers au civil pour un tiers au pĂ©nal environ.

Missions confiĂ©es au service pĂ©nitentiaire d’insertion et de probation (SPIP)

Le SPIP concourt, « sur saisine des autoritĂ©s judiciaires, Ă  la prĂ©paration des dĂ©cisions de justice Ă  caractère pĂ©nal ; il peut ĂŞtre chargĂ© de l’exĂ©cution des enquĂŞtes et des mesures prĂ©alables au jugement. Ă€ cet effet, il effectue les vĂ©rifications sur la situation matĂ©rielle, familiale et sociale des personnes faisant l’objet d’enquĂŞtes ou de poursuites judiciaires afin de permettre une meilleure individualisation des mesures ou peines et de favoriser l’insertion des intĂ©ressĂ©s » (article D. 574 du Code de procĂ©dure pĂ©nale).

L’inopposabilitĂ© du secret professionnel au juge ayant pris l’ordonnance

Affirmation du principe

Comme nous venons de le dĂ©montrer, les situations dans lesquelles les professionnels de l’action sociale peuvent ĂŞtre sollicitĂ©s par la justice (juge, tribunal, procureur) sont nombreuses et variĂ©es. MalgrĂ© cette diversitĂ©, elles ont toutes pour point commun de rendre le secret professionnel inopposable Ă  l’autoritĂ© judiciaire.

L’inopposabilitĂ© du secret ne joue :

  • qu’Ă  l’Ă©gard du juge ayant pris l’ordonnance ;
  • qu’Ă  l’Ă©gard des faits concernant la mission visĂ©e par l’ordonnance.

Application du principe : analyse de l’affaire Montjoie

L’affaire Montjoie que nous avons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e (voir p. ) correspond Ă  la situation type de professionnels qui n’ont pas pris rĂ©ellement conscience du fait que l’ordonnance du juge les place dans une obligation de rendre des comptes et les oblige Ă  signaler sans dĂ©lai tout incident en lien avec la mise en Ĺ“uvre de l’ordonnance .

Cour de cassation, chambre criminelle Audience publique du mercredi 8 octobre 1997

N° de pourvoi : 94-84801

Publié au bulletin Rejet

République française

Au nom du peuple français

« Rejet des pourvois formĂ©s par B… Bernard, H… Jean-Pierre, D… Christine, Ă©pouse A…, F… AndrĂ© Pierre, Ancel E…, Bernard C…, la Commission des citoyens pour les droits de l’homme, partie civile, contre l’arrĂŞt de la cour d’appel d’Angers, chambre correctionnelle, en date du 12 juillet 1994, qui, pour non-assistance Ă  personne en danger, non-dĂ©nonciation de sĂ©vices ou de privations infligĂ©s Ă  un mineur de 15 ans, les a condamnĂ©s, les deux premiers Ă  8 mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d’amende, les troisième et quatrième Ă  6 mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 francs d’amende, les cinquième et sixième Ă  3 mois d’emprisonnement avec sursis et qui a prononcĂ© sur les intĂ©rĂŞts civils. »

[Commentaire. il s’agit d’un pourvoi contre un arrĂŞt rendu par la cour d’appel d’Angers du 12/07/1994 qui a condamnĂ© les professionnels sur deux fondements. D’une part, la non-assistance Ă  personne en danger, d’autre part, la non-dĂ©nonciation de sĂ©vices sur mineur de 15 ans. Les peines ont Ă©tĂ© lourdes ; allant de 3 mois Ă  6 mois d’emprisonnement avec sursis et de 8 000 Ă  15 000 francs.]

L’Affaire M ontjoie : Une jurisprudence sĂ©vère mais juste ArrĂŞt de la chambre criminelle de la Cour de cassation 8 octobre 1997

Rappel des faits

« Attendu qu’il rĂ©sulte du jugement et de l’arrĂŞt attaquĂ© que, le 12 dĂ©cembre 1992, Michelle G…, assistante maternelle, dĂ©couvrait que MickaĂ«l Z…, âgĂ© de 18 ans, avait sodomisĂ© la veille X…, âgĂ© de 7 ans ; que l’un et l’autre, rĂ©sidant chez elle, avaient Ă©tĂ© confiĂ©s par le juge des enfants au service de placement familial de l’association Montjoie, et qu’ils Ă©taient respectivement suivis par Jean-Pierre H…, Ă©ducateur, et Christine A…, assistante sociale ; que, le 15 dĂ©cembre, l’assistante maternelle avait informĂ© de ces faits Christine A… qui, Ă  son tour, en faisait part Ă  Jean-Pierre H… ; que, le 16 dĂ©cembre, après que MickaĂ«l Z… eĂ»t reconnu ses agissements et prĂ©cisĂ© qu’il avait sodomisĂ© X… trois fois au cours du mois prĂ©cĂ©dent, Jean-Pierre H… renvoyait le jeune homme chez son père, et avisait de ces Ă©vĂ©nements AndrĂ© F…, psychologue, et Bernard B…, psychiatre ; que, le 17 dĂ©cembre 1992, en raison de la gravitĂ© des faits, Ă©tait tenue une rĂ©union Ă  laquelle assistaient, outre ce mĂ©decin et ce psychologue, Christine A…, Jean-Pierre H… ainsi que les deux codirecteurs du service de placement, Marius X… et François Y… ; que les participants dĂ©cidaient que les parents du jeune X… seraient convoquĂ©s le 7 janvier 1993 pour ĂŞtre informĂ©s de ce qui Ă©tait arrivĂ© ; … »

Relaxe en première instance

« … Attendu que, poursuivis pour non-dĂ©nonciation de sĂ©vices sur mineur et pour non-assistance Ă  personne en danger, les prĂ©venus ont Ă©tĂ© relaxĂ©s par jugement du 29 octobre 1993 ; … »

[Commentaire. En première instance devant le tribunal correctionnel du Mans, alors que les réquisitions du Procureur demandent la condamnation, les juges vont relaxer les prévenus.

On peut lire dans le jugement : « le tribunal n’entend pas perdre de vue l’objectif ultime de toute intervention sociale consistant Ă  assurer la protection du mineur et son accession Ă  une vie affective, familiale et sociale plus Ă©quilibrĂ©e, laquelle ne peut ĂŞtre atteinte que par l’Ă©tablissement d’un climat de confiance entre les Ă©ducateurs, le mineur et les membres de sa famille (…) Il importe en consĂ©quence de prendre en considĂ©ration les difficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  l’exercice de cette fonction particulière et parfois relativement insoluble lorsque l’intervenant social est partagĂ©, comme dans le cas d’espèce, entre la nĂ©cessitĂ© de sauvegarder la confiance d’un mineur ou jeune majeur ayant jouĂ© le rĂ´le d’un agresseur et celle de protĂ©ger un autre mineur victime de cette agression (…) La victime Ă©tant ainsi mise Ă  l’abri d’un risque de renouvellement de l’agression (…) tous les intervenants Ă  la rĂ©union du 17 dĂ©cembre 1992, Ă©taient fondĂ©s Ă  diffĂ©rer la rĂ©vĂ©lation des faits Ă  l’autoritĂ© lĂ©gitime et Ă  s’accorder un certain dĂ©lai pour Ă  la fois prĂ©venir les parents et prĂ©parer M. Ă  une Ă©ventuelle incarcĂ©ration.]

Condamnation en appel et en cassation

« … Attendu que, par l’arrĂŞt infirmatif attaquĂ©, la juridiction du second degrĂ©, sur appel du ministère public, les a condamnĂ©s pour ces infractions ;

Sur le second moyen de cassation dĂ©veloppĂ© par la sociĂ©tĂ© civile professionnelle Piwnica et MoliniĂ© en faveur de Bernard B… pris de la violation des articles 62, alinĂ©a 2, de l’ancien Code pĂ©nal, de l’article 223-6, alinĂ©a 2, du nouveau Code pĂ©nal, des articles 591 et 593 du Code de procĂ©dure pĂ©nale, dĂ©faut et contradiction de motifs, manque de base lĂ©gale :

en ce que l’arrĂŞt infirmatif attaquĂ© a dĂ©clarĂ© Bernard B… coupable d’omission de porter secours ; … »

Motivation de l’arrĂŞt de la cour d’appel pour retenir la non-assistance Ă  personne en pĂ©ril

« … aux motifs qu’Ă  la suite des actes de sodomie perpĂ©trĂ©s sur sa personne, il ne peut ĂŞtre sĂ©rieusement contestĂ© que X… s’est trouvĂ© dans une situation critique faisant craindre pour lui de graves consĂ©quences tant physiques que morales ; qu’informĂ©s de cette situation, au plus tard le 17 dĂ©cembre 1992, aucun des prĂ©venus n’a pris en considĂ©ration l’imminence du pĂ©ril, chacun s’en tenant Ă  la simple mesure d’Ă©loignement de l’agresseur prise par Jean-Pierre H… sans plus se soucier de faire visiter la victime, dont il n’est pas superflu de rappeler qu’elle Ă©tait alors âgĂ©e de 7 ans et atteinte de mucoviscidose, par un mĂ©decin ni mĂŞme d’envisager sa prise en charge par un pĂ©dopsychiatre chargĂ© de l’Ă©couter et de la rassurer, la circonstance que sa situation, d’abord pĂ©rilleuse, aurait par la suite Ă©voluĂ© favorablement Ă©tant ici sans incidence sur l’existence du dĂ©lit ; qu’Ă  la vĂ©ritĂ©, chacun des prĂ©venus, Ă  l’instigation de Jean-Pierre H… et de Bernard B…, soucieux de minimiser, voire de dissimuler, les faits commis par MickaĂ«l Z…, a pris le parti de remettre Ă  plus tard, soit au 7 janvier de l’annĂ©e suivante, l’examen de l’affaire, la question de l’avenir du jeune X… apparaissant secondaire Ă  l’ensemble de « l’Ă©quipe Ă©ducative » par rapport aux congĂ©s de fin d’annĂ©e qui s’annonçaient ; … »

[Commentaire. La cour d’appel a prĂ©cisĂ© dans son arrĂŞt le point suivant : « cette obligation de dĂ©noncer relève, Ă  n’en pas douter, de l’ordre lorsqu’elle pèse sur une personne qui n’est pas tenue au secret professionnel ; que, dans le cas contraire, la nĂ©cessaire efficacitĂ© de la loi commande de considĂ©rer que les personnes liĂ©es par le secret sont justifiĂ©es de la rupture de celui-ci par les dispositions mĂŞme de l’article 378 du Code pĂ©nal, surtout, lorsque comme dans l’espèce envisagĂ©e, chacune d’entre elles tenait sa compĂ©tence de l’autoritĂ© judiciaire, M. et D. ayant Ă©tĂ© confiĂ©s au service de placement familial spĂ©cialisĂ© par le juge des enfants. Lequel doit naturellement ĂŞtre immĂ©diatement informĂ© de la suspicion de viol ».]

Moyens de dĂ©fense invoquĂ©s devant la Cour de cassation pour tenter de « faire tomber » l’infraction de non-assistance Ă  personne en danger

« … 1° alors que c’est l’abstention volontaire, en prĂ©sence d’un pĂ©ril imminent et constant auquel il apparaĂ®t qu’il doit ĂŞtre fait face sur l’heure qui constitue le dĂ©lit prĂ©vu par les articles 63, alinĂ©a 2, de l’ancien Code pĂ©nal et 223-6, alinĂ©a 2, du nouveau Code pĂ©nal et que l’arrĂŞt attaquĂ© qui a expressĂ©ment constatĂ© que le jeune X… n’avait Ă©mis aucune dolĂ©ance ; que l’assistante maternelle Michelle G… n’avait rien constatĂ© sur le plan somatique et que MickaĂ«l Z… agresseur de l’enfant avait Ă©tĂ© immĂ©diatement Ă©loignĂ© par les soins de Jean-Pierre H…, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© du service de placement familial spĂ©cialisĂ©, ne pouvait sans se contredire faire Ă©tat du caractère imminent du pĂ©ril auquel aurait Ă©tĂ© confrontĂ© X… ;

[Commentaire. L’argument dĂ©veloppĂ© tend Ă  dĂ©montrer qu’il n’y avait pas de pĂ©ril imminent dans la mesure oĂą la victime ne s’est jamais plainte donc il ne peut y avoir de non-assistance Ă  personne en pĂ©ril.]

2° alors que l’intention dĂ©lictueuse, Ă©lĂ©ment constitutif du dĂ©lit d’omission de porter secours suppose nĂ©cessairement en premier lieu que le prĂ©venu ait eu connaissance du pĂ©ril menaçant la victime ; qu’il ressort des Ă©nonciations de l’arrĂŞt attaquĂ© que le jeune X… avait Ă©tĂ© placĂ© par le service de placement familial spĂ©cialisĂ© au domicile de Michelle G… qui exerçait la profession d’assistante maternelle ; que celle-ci renseignait en permanence les membres de ce service sur la situation et l’Ă©tat de santĂ© des enfants qui lui Ă©taient confiĂ©s ; qu’elle n’avait pas estimĂ© nĂ©cessaire de faire examiner l’enfant afin de ne pas le traumatiser parce qu’il n’avait Ă©mis aucune dolĂ©ance et qu’elle n’avait rien remarquĂ© d’anormal sur le plan somatique et que, dès lors, l’ensemble des membres de l’Ă©quipe du service en cause ne pouvait avoir conscience de ce que la victime Ă©tait menacĂ©e par un danger imminent nĂ©cessitant une intervention thĂ©rapeutique urgente ;

[Commentaire. L’argument ici dĂ©veloppĂ© met l’accent sur l’impossibilitĂ© d’avoir conscience d’un quelconque pĂ©ril menaçant la victime et justifiant une intervention thĂ©rapeutique urgente. Pour preuve le dĂ©lai de 3 jours avant que l’assistante maternelle ne prĂ©vienne l’Ă©quipe. Elle justifie ce dĂ©lai par sa volontĂ© de pas traumatiser l’enfant d’autant plus qu’il n’a pas exprimĂ© de dolĂ©ances et que son comportement Ă©tait « normal », notamment par l’absence de trouble du sommeil.]

3° alors que l’intention dĂ©lictueuse du dĂ©lit d’omission de porter secours suppose en second lieu que le prĂ©venu se soit volontairement abstenu de porter secours Ă  la personne en pĂ©ril ; que l’attitude du Dr B… telle que rapportĂ©e par l’arrĂŞt et qui a consistĂ© en permanence et dès qu’il a eu connaissance des faits Ă  se concerter tant avec les Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s qu’avec les nouveaux dirigeants du service de placement familial spĂ©cialisĂ©, Marius X… et François Y…, en vue de trouver des solutions adaptĂ©es Ă  la situation complexe que posait Ă  l’Ă©quipe sociale et mĂ©dicale la responsabilitĂ© simultanĂ©e d’un jeune majeur auteur de faits de sodomie et d’un mineur victime de ces faits, exclut chez ce prĂ©venu toute notion d’abstention volontaire ; … »

[Commentaire. L’argument consiste Ă  mettre l’accent sur l’action entreprise dès la connaissance de faits, ce qui tend Ă  dĂ©montrer qu’il n’y a pas eu abstention et, par voie de consĂ©quence, le dĂ©lit de non-assistance Ă  personne en pĂ©ril n’a pu ĂŞtre rĂ©alisĂ©.]

Analyse et réponse de la Cour de cassation aux arguments développés par les prévenus par rapport à la non-assistance à personne en danger

« … Attendu que, pour dĂ©clarer les prĂ©venus coupables de non-assistance Ă  personne en pĂ©ril, la cour d’appel, après avoir rappelĂ© que X… Ă©tait atteint de mucoviscidose, Ă©nonce d’abord, qu’Ă  la suite des actes de sodomie perpĂ©trĂ©s sur sa personne, il s’est trouvĂ© dans une situation critique faisant craindre pour lui de graves consĂ©quences tant physiques que morales ; qu’ensuite, elle retient que les prĂ©venus ont Ă©tĂ© informĂ©s de cette situation, au plus tard le 17 dĂ©cembre et qu’aucun n’a pris en considĂ©ration l’imminence du pĂ©ril, pour s’en tenir Ă  une simple mesure d’Ă©loignement de l’agresseur, sans prĂ©senter la victime Ă  un mĂ©decin ni envisager sa prise en charge par un pĂ©dopsychiatre ;

Attendu que les juges du second degrĂ© ajoutent que chacun des prĂ©venus, Ă  l’instigation de Jean-Pierre H… et de Bernard B…, soucieux de minimiser, voire de dissimuler les faits, a pris le parti de remettre au 7 janvier l’examen de l’affaire ;

Attendu qu’en l’Ă©tat de ces motifs qui caractĂ©risent la nĂ©cessitĂ© d’une intervention immĂ©diate, Ă©tablie par le fait que l’enfant, atteint, par ailleurs, d’une maladie grave, prĂ©sentait encore, le 30 dĂ©cembre, des fissures anales douloureuses, ce dont les prĂ©venus, professionnels de la santĂ© ou de l’assistance Ă  l’enfance, ne pouvaient qu’avoir conscience, la cour d’appel a justifiĂ© sa dĂ©cision ;

D’oĂą il suit que les moyens ne peuvent ĂŞtre accueillis ; … »

[Commentaire. La Cour de cassation considère qu’eu Ă©gard Ă  l’Ă©tat de santĂ© fragile de la victime (mucoviscidose), des blessures persistantes (fissures anales douloureuses) et de son jeune âge (7 ans), elle se trouvait effectivement dans une situation critique faisant craindre pour elle de graves consĂ©quences tant physiques que morales. Ce constat suffisant Ă  caractĂ©riser l’Ă©tat de pĂ©ril imminent. La Cour de cassation relève par ailleurs qu’en leur qualitĂ© de professionnels de la santĂ© ou de l’assistance Ă  l’enfance, ils ne pouvaient qu’avoir conscience du danger encouru par l’enfant (prĂ©somption de conscience tirĂ©e de leurs connaissances professionnelles).]

Moyen de défense fondé sur un « choix » laissé par la loi aux professionnels astreints au secret de dénoncer ou de se taire

« … en ce que l’arrĂŞt infirmatif attaquĂ© a dĂ©clarĂ© Bernard B…, mĂ©decin psychiatre, coupable de non-dĂ©nonciation de sĂ©vices ou de privations infligĂ©s Ă  un mineur de 15 ans ;

aux motifs que, d’une part, s’agissant de faits antĂ©rieurs Ă  la promulgation du nouveau code, l’incrimination, plus Ă©troite, de l’ancien article 62 du Code pĂ©nal et les peines, plus douces, du nouvel article 434-3 du Code pĂ©nal seront seules appliquĂ©es ; que, de la mĂŞme façon, la permission lĂ©gale de rĂ©vĂ©ler un secret se fera par rĂ©fĂ©rence Ă  l’ancien article 378 du Code pĂ©nal, Ă  la fois moins large et moins sĂ©vère que les actuels articles 226-13 et 226-14 ; que l’article 62, en ce qui concerne les personnes tenues de dĂ©noncer, est gĂ©nĂ©ral et s’applique en principe Ă  tous ; qu’en effet, la loi du 15 juin 1971 relative aux sĂ©vices et aux privations dont sont victimes les mineurs de 15 ans et celle du 23 dĂ©cembre 1980 sur le viol sont venues ajouter deux nouveaux alinĂ©as Ă  l’article 378 en disposant, d’une part que « les mĂŞmes personnes n’encourent pas les peines prĂ©vues Ă  l’alinĂ©a 1 er lorsqu’elles informent les autoritĂ©s mĂ©dicales ou administratives chargĂ©es des actions sanitaires et sociales des sĂ©vices ou privations sur la personne de mineurs de 15 ans et dont elles ont eu connaissance Ă  l’occasion de l’exercice de leur profession » et, d’autre part, que « n’encourt pas les peines prĂ©vues Ă  l’alinĂ©a 1 er tout mĂ©decin qui, avec l’accord de la victime, porte Ă  la connaissance du procureur de la RĂ©publique les sĂ©vices qu’il a constatĂ©s dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de prĂ©sumer qu’un viol ou un attentat Ă  la pudeur a Ă©tĂ© commis » ; qu’ainsi l’obligation d’avertir les autoritĂ©s administratives ou judiciaires s’impose Ă  tout citoyen ayant eu connaissance de mauvais traitements infligĂ©s Ă  des mineurs de 15 ans, qu’il s’agisse de signaler des coups, des privations d’aliment ou tout autre sĂ©vice les concernant (1) ; que cette obligation de dĂ©noncer relève, Ă  n’en pas douter, de l’ordre lorsqu’elle pèse sur une personne qui n’est tenue par aucun secret professionnel ; que, dans le cas contraire, la nĂ©cessaire efficacitĂ© de la loi commande de considĂ©rer que les personnes liĂ©es par le secret sont justifiĂ©es de la rupture de celui-ci par les dispositions mĂŞmes de l’article 378 du Code pĂ©nal surtout lorsque, comme dans l’espèce envisagĂ©e, chacune d’entre elles tenait sa compĂ©tence de l’autoritĂ© judiciaire, MickaĂ«l Z… et X… ayant Ă©tĂ© confiĂ©s au service de placement familial spĂ©cialisĂ© de l’association Montjoie par le juge des enfants, lequel devait, naturellement, ĂŞtre immĂ©diatement informĂ© de la suspicion de viol commis par le premier sur le second ;

aux motifs que, d’autre part, les actes de sodomie perpĂ©trĂ©s Ă  plusieurs reprises fin 1992 sur la personne de X… sont caractĂ©risĂ©s et devaient ĂŞtre immĂ©diatement dĂ©noncĂ©s, au moins pour Ă©viter leur renouvellement ;

1 o alors qu’il rĂ©sulte des dispositions combinĂ©es des articles 62 et 378 de l’ancien Code pĂ©nal que si la loi autorisait les personnes tenues au secret professionnel et notamment les mĂ©decins Ă  dĂ©noncer aux autoritĂ©s administratives ou judiciaires les sĂ©vices ou privations perpĂ©trĂ©s sur la personne de mineurs de 15 ans dont elles avaient eu connaissance Ă  l’occasion de l’exercice de leur profession, cette dĂ©nonciation qui constitue une atteinte au secret professionnel Ă©tait facultative ;

2 o alors qu’aux termes de l’article 112-2, alinĂ©a 3, du nouveau Code pĂ©nal, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrĂ©e en vigueur et n’ayant pas donnĂ© lieu Ă  une condamnation passĂ©e en force de chose jugĂ©e lorsqu’elles sont moins sĂ©vères que les dispositions anciennes ; qu’il rĂ©sulte de ce texte que lorsqu’une loi nouvelle comporte des dispositions divisibles les unes plus douces, les autres plus sĂ©vères, les juges du fond doivent appliquer rĂ©troactivement les dispositions plus douces aux faits qui leur sont soumis et appliquer l’ancien texte pour le reste ; que toute loi qui admet une immunitĂ© nouvelle est une loi plus douce au sens du texte susvisĂ© ; que si l’article 434-3 du nouveau Code pĂ©nal qui rĂ©prime la non-dĂ©nonciation de mauvais traitements ou privations infligĂ©s Ă  un mineur de 15 ans prĂ©voit une incrimination plus large que l’article 62 de l’ancien Code pĂ©nal qui ne saurait ĂŞtre appliquĂ© aux infractions commises avant l’entrĂ©e en vigueur du nouveau Code pĂ©nal, il prĂ©voit expressĂ©ment une immunitĂ© gĂ©nĂ©rale au bĂ©nĂ©fice des personnes astreintes au secret professionnel dans les conditions prĂ©vues Ă  l’article 226-13 du nouveau Code pĂ©nal qui ne figuraient pas formellement dans l’article 62 de l’ancien Code pĂ©nal et que, dès lors, en se refusant Ă  faire bĂ©nĂ©ficier le docteur B… de cette immunitĂ©, la cour d’appel a violĂ© les principes et textes susvisĂ©s ; … »

[Commentaire. L’argument consiste Ă  demander l’application du nouveau Code pĂ©nal qui laisse le choix selon l’article 434-3 aux professionnels astreints au secret de ne pas dĂ©noncer les faits. Or, l’ancien Code pĂ©nal ne donnait pas cette possibilitĂ© ; il y avait donc obligation de dĂ©noncer. La demande est fondĂ©e sur le principe selon lequel une loi pĂ©nale plus douce rĂ©troagit et s’applique aux affaires en cours. Le nouveau Code pĂ©nal est plus doux que l’ancien car il donne un choix qui n’existait pas avant sa promulgation. Aussi, il est demandĂ© que l’interprĂ©tation de la cour d’appel soit infirmĂ©e.]

RĂ©ponse de la Cour de cassation Ă  l’argument tirĂ© d’un Ă©ventuel choix laissĂ© aux professionnels

«… Qu’en effet, le secret professionnel imposĂ© aux membres d’un service Ă©ducatif sur la situation d’un mineur confiĂ© Ă  celui-ci par le juge des enfants est inopposable Ă  cette autoritĂ© judiciaire, Ă  laquelle ils sont tenus de rendre compte de son Ă©volution et notamment de tous mauvais traitements, en vertu des articles 375 et suivants du Code civil et de l’article 1199-1 du nouveau Code de procĂ©dure civile, pris pour leur application, tout comme ledit secret est inopposable, selon l’article 80 du Code de la famille et de l’aide sociale invoquĂ© par les demandeurs au prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral pour les mineurs relevant de sa compĂ©tence ;

Qu’ainsi, les moyens ne sont pas fondĂ©s ;

Et attendu que l’arrĂŞt est rĂ©gulier en la forme,

Rejette les pourvois. »

[Commentaire. La Cour de cassation pose le principe qu’Ă  partir du moment oĂą le professionnel tient sa mission du juge, alors il ne peut lui opposer le secret professionnel. Il doit donc l’informer de tout incident liĂ© Ă  l’exĂ©cution de la mesure et rendre compte de l’Ă©volution de la situation. Ce qui signifie que l’argumentaire dĂ©veloppĂ© en termes d’un choix Ă©ventuel des professionnels tombe ipso facto : la rĂ©ponse qu’apporte la Cour ne se situe pas Ă  ce niveau dans la mesure oĂą, dans ce cas prĂ©cis, le choix n’existe pas.]

L’Ă©tude de l’affaire Montjoie montre une limite au secret professionnel qui se justifie Ă©galement par le fait que le juge ne peut exercer sa mission qu’Ă  partir du moment oĂą il est dĂ©tenteur des informations qui lui permettront de prendre les mesures adĂ©quates en fonction de l’Ă©volution de la situation.

En revanche l’affaire Montjoie ne permet pas de savoir si l’on doit rendre compte de tout ou seulement de certains Ă©lĂ©ments. La doctrine est partagĂ©e entre ceux qui soutiennent qu’il convient de rendre compte de tout, et ceux qui prĂ©tendent que seuls les Ă©lĂ©ments en lien avec la mission sont Ă  rapporter.

Nous pensons Ă  l’instar de la position dĂ©fendue par AndrĂ© Vitu (2) que le professionnel « reste un technicien tenu par le secret professionnel sur tous les points Ă©trangers Ă  sa mission ; il doit faire le silence sur les aveux et confidences reçus dans l’accomplissement de ses travaux ». Aussi, la rĂ©vĂ©lation d’informations acquises au cours de l’exĂ©cution de la mission serait constitutive d’une violation du secret conformĂ©ment Ă  l’article 226-13 du Code pĂ©nal.

Ce point Ă©tant prĂ©cisĂ©, il nous semble Ă©galement que la jurisprudence traite de façon distincte l’obligation de rendre des comptes selon qu’il s’agit d’une mission courte (enquĂŞtes sociales par exemple) ou d’une mission longue (AEMO par exemple).

Témoignages de professionnels : que faut-il transmettre au juge ?

Ă€ propos des rapports destinĂ©s au juge dans le cadre soit d’une IOE (investigation d’orientation Ă©ducative), soit d’une ES (enquĂŞte sociale ).

Odile Bean (3) en donne quelques exemples intéressants :

« En voici quelques illustrations, rapportées par des collègues :

Une Ă©ducatrice : « Une femme m’a dĂ©clarĂ© qu’elle avait accouchĂ© sous X Ă  la suite d’un viol quand elle avait 16 ans. Son mari l’ignore. Elle a 42 ans et je la rencontre pour parler de sa fille qui, adolescente, pose problème. Elle m’a demandĂ© le secret sur cette information qui la concerne et n’a aucun lien avec la procĂ©dure actuelle. »

Survenue dans la carde d’un entretien oĂą cette personne s’Ă©tait sentie disposĂ©e Ă  parler de son passĂ©, cette rĂ©vĂ©lation n’a pas Ă©tĂ© consignĂ©e dans l’Ă©crit de fin de mesure.

Un psychiatre : « Quelles sont les informations nĂ©cessaires Ă  transmettre ? la tendance au « tout dire pour tout comprendre » n’est-elle pas fâcheuse ? Il est souhaitable prĂ©cisĂ©ment d’opĂ©rer une sĂ©lection en ne conservant que le nĂ©cessaire. »

Une psychologue : « Un jeune homme m’a fait part de son homosexualitĂ© et des difficultĂ©s qu’il rencontre pour assumer cette identitĂ© sexuelle, ses doutes, ses peurs. Il est Ă©vident pour moi qu’il ne s’agit pas lĂ  d’un danger au sens judiciaire du terme ou qui relève de l’instance judiciaire. Je n’ai pas du tout mentionnĂ© cette question dans mon compte rendu. »

Nous pensons que, du point de vue du juge, et contrairement Ă  ce que l’on peut parfois croire, celui-ci n’est pas demandeur de toutes les informations. Il ne souhaite gĂ©nĂ©ralement qu’obtenir des prĂ©cisions qui sont susceptibles de l’aider dans sa prise de dĂ©cisions. Il faut donc veiller Ă  ne pas lui transmettre des informations « parasitantes » puisque sans lien avec la rĂ©alisation de sa propre mission. Cela nous semble d’autant plus important que l’usager qui se confie peut aussi, au travers des rencontres, ĂŞtre assurĂ© (et rassurĂ©) par le fait que le secret sera prĂ©servĂ© pour tout ce qui est hors du champ de la mission.

Témoignage en justice et secret professionnel

Les obligations du témoin

Nous venons de voir que le secret est inopposable au juge qui a ordonnĂ© une mesure. La question qui se pose maintenant est de savoir dans quelle mesure un professionnel de l’action sociale est tenu de tĂ©moigner en justice, en dehors de l’hypothèse du tĂ©moignage en faveur d’un innocent dĂ©jĂ  Ă©tudiĂ©e (voir fiche 7 ).

Devant toutes les juridictions, l’obligation de comparaĂ®tre s’applique Ă  tous dès que l’on a Ă©tĂ© citĂ© rĂ©gulièrement comme tĂ©moin (1 re règle). L’article 347 du Code de procĂ©dure pĂ©nale affĂ©rent aux tĂ©moins devant le tribunal correctionnel et l’article 536 pour le tribunal de police disposent que :

« Toute personne citée est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer. »

L’article 109 du mĂŞme Code concernant les tĂ©moins devant le juge d’instruction ajoute que ce tĂ©moignage se fera « sous rĂ©serve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du Code pĂ©nal ». Il y a lieu de considĂ©rer que cette rĂ©serve joue Ă©galement devant le tribunal correctionnel et de police.

Les tĂ©moins devant la cour d’assises sont Ă©galement tenus de comparaĂ®tre et de prĂŞter serment. Cela se dĂ©duit de l’article 326 alinĂ©a 1 er qui dispose :

« Lorsqu’un tĂ©moin citĂ© ne comparaĂ®t pas, la cour peut, sur rĂ©quisition du ministère public ou mĂŞme d’office, ordonner que ce tĂ©moin soit immĂ©diatement amenĂ© par la force publique devant la cour pour y ĂŞtre entendu, ou renvoyer l’affaire Ă  la prochaine session. »

Devant toutes les juridictions, l’obligation de prĂŞter serment s’applique Ă  tous (2 e règle)

  • Devant le juge d’instruction : « les tĂ©moins prĂŞtent serment de dire toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ© » (article 103 du Code de procĂ©dure pĂ©nale).
  • Devant le tribunal correctionnel et de police : « les tĂ©moins prĂŞtent serment de dire toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ© » (article 446 et 536 du Code de procĂ©dure pĂ©nale). La prestation de serment est la mĂŞme devant le juge d’instruction (article 103).
  • Au niveau de la cour d’assises : « les tĂ©moins prĂŞtent serment de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ© ».

Cas particulier de l’enquĂŞteur de personnalitĂ©

L’enquĂŞte de personnalitĂ© n’est pas une expertise au sens du Code de procĂ©dure pĂ©nale.

« La personne qui a procĂ©dĂ© Ă  une enquĂŞte de cette nature doit, lorsqu’elle est appelĂ©e Ă  dĂ©poser Ă  l’audience, prĂŞter le serment exigĂ© des tĂ©moins (chambre criminelle de la Cour de cassation, 22 mai 1974) alors mĂŞme qu’elle aurait Ă©tĂ© citĂ©e en qualitĂ© d’expert (chambre criminelle de la Cour de cassation, 17 janvier 1990).

Cependant si l’enquĂŞteur a Ă©tĂ© citĂ© comme expert, il peut prĂŞter le serment prescrit par l’article 168 du mĂŞme Code, dès lors qu’il n’y a eu aucune observation des parties, ce serment impliquant notamment de dire la vĂ©ritĂ© (chambre criminelle de la Cour de cassation, 24 fĂ©vrier 1988) ».

Les experts « prĂŞtent serment d’apporter leur concours Ă  la justice en leur honneur et en leur conscience ».

L’enquĂŞte de personnalitĂ© peut donc porter soit sur le mis en cause, soit sur la victime. En effet, l’enquĂŞteur de personnalitĂ© intervient sur ordonnance du juge d’instruction. Selon les cas, et dans le respect des règles relatives au secret professionnel, les personnes rencontrĂ©es pourront ou non lui opposer le secret professionnel seulement si elles y sont astreintes . Dans le cas contraire, elles devront rĂ©pondre aux questions posĂ©es. Ce qui implique in fine aussi bien du cĂ´tĂ© des enquĂŞteurs de personnalitĂ© que de celui des personnes sollicitĂ©es une connaissance prĂ©cise des règles applicables en la matière.

Devant toutes les juridictions, le tĂ©moin est tenu de dĂ©poser (3 e devoir). Mais cette obligation ne s’applique pas Ă  tous.

  • 1 re règle : Le professionnel de l’action sociale qui est astreint au secret professionnel n’est pas tenu de dĂ©poser sur des faits couverts par le secret. Si les faits ne sont pas couverts par le secret, le professionnel est considĂ©rĂ© comme un citoyen lambda donc il est tenu de dĂ©poser.
  • 2 e règle : Le professionnel de l’action sociale qui est astreint au secret professionnel peut choisir de lever le secret s’il est dans l’un des cas visĂ©s par l’article 226-14 du Code pĂ©nal (voir fiche 5 ), en gardant Ă  l’esprit qu’en dehors des hypothèses de lever du secret, l’obligation est de se taire.
  • 3 e règle : Il est prudent que les professionnels souhaitant opposer le secret le fassent savoir au juge par tout moyen et avant l’audition. Cela Ă©vite parfois des tensions surtout lorsque les affaires sont sensibles.
  • 4 e règle : Le fait de ne pas dĂ©poser sous prĂ©texte du secret professionnel ne dispense pas de l’obligation de prĂŞter serment. Il peut paraĂ®tre Ă©trange qu’après avoir prĂŞtĂ© serment de dire la vĂ©ritĂ© on puisse opposer son refus de parler. Il faut comprendre que la vĂ©ritĂ© dans ce cas prĂ©cis rĂ©side dans le fait que le professionnel est astreint au secret.

Applications jurisprudentielles de la 4 e règle

« Le serment ne peut empĂŞcher un avocat d’invoquer le secret professionnel s’il est interrogĂ© sur des secrets qui lui auraient Ă©tĂ© confiĂ©s dans l’exercice de sa profession (chambre criminelle de la Cour de cassation, 7 mars 1924) ; la cour fait une exacte application de la loi en refusant d’enjoindre au mĂ©decin, citĂ© Ă  la requĂŞte de la dĂ©fense en qualitĂ© de tĂ©moin, de dĂ©poser sur l’Ă©tat de santĂ© de l’accusĂ©, alors que le mĂ©decin invoquait le secret professionnel » (chambre criminelle de la Cour de cassation, 5 juin 1985).

Sanctions prévues lorsque le témoin ne respecte pas ses obligations

Nous venons de voir que le tĂ©moignage est un devoir qui pèse sur tout citoyen. Chacun est tenu d’apporter son concours Ă  la justice, c’est un principe fondamental de l’État de droit. Le lĂ©gislateur pĂ©nal prĂ©voit donc des sanctions Ă  l’Ă©gard du tĂ©moin rĂ©ticent.

Comparution forcée

Le principe posĂ© par les textes qui rĂ©gissent l’obligation de comparaĂ®tre ont pour point commun la possibilitĂ© laissĂ©e Ă  la juridiction d’instruction ou de jugement de faire appel Ă  la force publique pour contraindre la personne.

  • Au niveau du juge d’instruction : « Si le tĂ©moin ne comparaĂ®t pas ou refuse de comparaĂ®tre, le juge d’instruction peut, sur les rĂ©quisitions du procureur de la RĂ©publique, l’y contraindre par la force publique » (article 109 alinĂ©a 2 du Code de procĂ©dure pĂ©nale).
  • Pour le tribunal correctionnel et le tribunal de police , c’est l’article 439 qui s’applique. Il dispose : « Si le tĂ©moin ne comparaĂ®t pas, et s’il n’a pas fait valoir un motif d’excuse reconnu valable et lĂ©gitime, le tribunal peut, sur rĂ©quisitions du ministère public ou mĂŞme d’office, ordonner que ce tĂ©moin soit immĂ©diatement amenĂ© devant lui par la force publique pour y ĂŞtre entendu, ou renvoyer l’affaire Ă  une prochaine audience. »
  • Pour la cour d’assises , c’est l’article 326 alinĂ©a 2 qui prĂ©cise que : « lorsqu’un tĂ©moin citĂ© ne comparaĂ®t pas, la cour peut sur rĂ©quisition du ministère public ou mĂŞme d’office, ordonner que ce tĂ©moin soit immĂ©diatement amenĂ© par la force publique devant la cour pour y ĂŞtre entendu, ou renvoyer l’affaire Ă  la prochaine session. »

Sanction financière

Le principe est que le tĂ©moin risque d’ĂŞtre condamnĂ© au paiement d’une amende lorsqu’il manque Ă  l’une de ses obligations (comparaĂ®tre, prĂŞter serment et dĂ©poser).

  • Pour le tribunal correctionnel et le tribunal de police c’est l’article 438 qui dispose : « Le tĂ©moin qui ne comparaĂ®t pas ou qui refuse, soit de prĂŞter serment, soit de faire sa dĂ©position, peut ĂŞtre, sur rĂ©quisition du ministère public, condamnĂ© par le tribunal Ă  une amende de 3 750 euros ».
  • Pour la cour d’assises, c’est l’article 326 alinĂ©a 3 qui s’applique : « Dans tous les cas, le tĂ©moin qui ne comparaĂ®t pas ou qui refuse, soit de prĂŞter serment, soit de faire sa dĂ©position, peut ĂŞtre, sur rĂ©quisition du ministère public, condamnĂ© par le tribunal Ă  une amende de 25 000 F (3 750 euros) ».

Remarque

Devant le juge d’instruction, aucune amende n’est encourue.

Les enseignements de jurisprudence Kerbrat

La question du tĂ©moignage en justice des professionnels de l’action sociale n’est pas seulement une question technique mais Ă©galement une question Ă©thique. La confrontation entre la nĂ©cessitĂ© que la justice soit rendue et l’impĂ©rieuse exigence de prĂ©server la confiance de l’usager rend la situation particulièrement complexe. Il faut donc s’arrĂŞter un instant et prendre le temps de la rĂ©flexion.

Un exemple d’interprĂ©tation stricte de la règle de droit Cour de cassation, chambre criminelle Audience publique du mardi 14 fĂ©vrier 1978

N° de pourvoi : 77-90644

République française

au nom du peuple français

« La cour, vu le mĂ©moire produit ; sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 109 du Code de procĂ©dure pĂ©nale, 225 du Code de la famille, 378 du Code pĂ©nal, 7 de la loi du 20 avril 1810 et 102 du dĂ©cret du 20 juillet 1972 pour dĂ©faut et contradiction de motifs et manque de base lĂ©gale, … »

La décision attaquée

« … en ce que l’arrĂŞt confirmatif attaquĂ© a infligĂ© Ă  la demanderesse une amende de 800 francs pour avoir refusĂ© de dĂ©poser devant le juge d’instruction sur des faits dont elle avait eu connaissance Ă  raison de l’exercice de ses fonctions et en dehors de toute intervention d’un tiers ou de tout mandat d’une autoritĂ© judiciaire ou administrative ; … »

[Commentaire. L’assistante sociale a refusĂ© de dĂ©poser devant le juge d’instruction qui lui a infligĂ© une amende. Elle fait appel de cette dĂ©cision mais la cour d’appel (chambre d’accusation) confirme la sanction par dĂ©cision du 10 fĂ©vrier 1977 d’oĂą ce pourvoi en cassation.]

Argument de la cour d’appel

« … au motif que la libertĂ© de tĂ©moigner dans les affaires de sĂ©vices contre les mineurs de quinze ans telle qu’elle est prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 3 de l’article 378 du Code pĂ©nal doit s’entendre en ce sens que l’article 109 du Code de procĂ©dure pĂ©nale ne trouve plus obstacle Ă  son application dans les dispositions dudit article 378 et qu’on ne verrait pas la diminution de crĂ©dit et de confiance qui rĂ©sulterait pour les assistantes sociales de leur tĂ©moignage tandis que leur silence contribuerait Ă  assurer une impunitĂ© allant Ă  l’encontre de la protection des mineurs dont elles ont la charge ; … »

[Commentaire. Pour la cour, les choses sont claires. Dès lors que l’article 378 permet de lever le secret Ă  propos des mineurs de 15 ans victimes de sĂ©vices ou de privations, alors il y a obligation de tĂ©moigner dès que l’on est citĂ© en cette qualitĂ©. Par ailleurs la cour n’entend pas l’argument tirĂ© de l’atteinte Ă  la confiance ; elle y voit plutĂ´t une atteinte Ă  la justice. Elle soulève mĂŞme un paradoxe entre la mission de protection due aux mineurs et le refus de tĂ©moigner.]

Position de la prévenue

« … alors que l’article 378 prĂ©voit une facultĂ© et non une obligation de tĂ©moigner sous peine des sanctions prĂ©vues Ă  l’article 109 et qu’en y dĂ©celant une telle obligation l’arrĂŞt attaque a violĂ© l’article 378 qui consacre le principe gĂ©nĂ©ral et absolu du secret professionnel auquel il ne peut ĂŞtre dĂ©rogĂ© que par un texte formel et certainement pas au regard de considĂ©rations de fait particulières dont la portĂ©e est sans commune mesure avec l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale de confiance qui est inhĂ©rente Ă  l’exercice des professions envisagĂ©es ; … »

[Commentaire. Pour la prĂ©venue, le texte prĂ©voit une possibilitĂ© de s’affranchir du secret et non pas une obligation. La loi peut prĂ©voir une obligation de parler malgrĂ© le secret mais encore faut-il qu’un texte le prĂ©voit. Toute autre considĂ©ration, notamment la contribution Ă  la justice, ne peut l’emporter sur un secret considĂ©rĂ© par le lĂ©gislateur comme gĂ©nĂ©ral et absolu.]

Analyse et arguments de la Cour de cassation

Lecture de l’article 378 (actuel article 226-13) du Code pĂ©nal

« … Attendu qu’aux termes de l’article 378 du Code pĂ©nal, les personnes visĂ©es par ce texte, quand elles ont Ă©tĂ© citĂ©es en justice pour une affaire de sĂ©vices ou privations sur la personne de mineurs de 15 ans, sont, relativement aux faits dont elles ont eu connaissance Ă  l’occasion de l’exercice de leur profession, « libres de fournir leur tĂ©moignage sans s’exposer Ă  aucune peine » ; qu’il en dĂ©coule nĂ©cessairement que, dans le mĂŞme cas, les personnes ainsi autorisĂ©es Ă  tĂ©moigner sont Ă©galement libres de ne pas le faire ; … »

[Commentaire. Pour la Cour, l’article 378 contient dans son alinĂ©a 3 l’expression les personnes visĂ©es par l’article sont « libres de fournir leur tĂ©moignage sans s’exposer Ă  aucune peine ». La Cour par un raisonnement a contrario en dĂ©duit qu’elles peuvent aussi choisir de ne pas tĂ©moigner. Sur ce point elle confirme les arguments de la prĂ©venue.]

Application par la Cour de son analyse au cas d’espèce

« … attendu qu’il appert de l’arrĂŞt attaque que la dame x…, assistante sociale, ayant Ă©tĂ© alertĂ©e par la direction d’un Ă©tablissement scolaire, est intervenue auprès de la famille d’une enfant âgĂ©e de 10 ans dont certains indices donnaient Ă  redouter qu’elle eut Ă©tĂ© maltraitĂ©e ; qu’ayant obtenu l’accord des parents, elle a conduit l’enfant dans un foyer pour y ĂŞtre placĂ©e ; qu’au cours de l’information, ultĂ©rieurement suivie contre le père, du chef, notamment, de violences sur la personne de cette enfant, la dame x…, invoquant le secret professionnel, a refusĂ© de tĂ©moigner devant le juge d’instruction relativement aux faits de la cause et plus particulièrement de rĂ©pondre Ă  la question de savoir si l’enfant, lorsqu’elle l’a accompagnĂ©e au lieu de son placement, portait des blessures apparentes sur le bras et au visage ;

attendu que, pour prononcer en cet Ă©tat contre cette assistante sociale la peine d’amende prĂ©vue par l’article 109, deuxième alinĂ©a du Code de procĂ©dure pĂ©nale, l’arrĂŞt se fonde essentiellement sur la combinaison que la chambre d’accusation a cru pouvoir opĂ©rer entre le texte prĂ©citĂ© de l’article 378 du Code pĂ©nal et celui du premier alinĂ©a dudit article 109, pour en dĂ©duire que, dès lors que la première de ces dispositions levant « l’obstacle du secret professionnel », autorisait en l’espèce l’intĂ©ressĂ©e Ă  tĂ©moigner, la seconde l’obligeait expressĂ©ment Ă  le faire ;

[Commentaire. La Cour remet en cause la lecture faite, par la chambre d’accusation, de la combinaison de l’article 378 et de l’article 109 du Code de procĂ©dure pĂ©nale. Elle critique sĂ©vèrement cette interprĂ©tation. L’expression « a cru pouvoir opĂ©rer… » en tĂ©moigne. La Cour rappel que l’on ne peut pas faire dire Ă  un texte ou Ă  une combinaison de textes ce qu’ils ne disent pas.]

attendu cependant, qu’en statuant ainsi, alors que, d’une part, l’obligation de dĂ©poser Ă©dictĂ©e par l’article 109 du Code de procĂ©dure pĂ©nale n’est imposĂ©e aux tĂ©moins que « sous rĂ©serve des dispositions de l’article 378 du Code pĂ©nal », et ne saurait par suite recevoir application alors que ce dernier texte laisse Ă  la personne citĂ©e la libertĂ© de fournir ou non son tĂ©moignage, et que, d’autre part, les constatations de l’arrĂŞt n’Ă©tablissent pas que les faits sur lesquels le tĂ©moignage Ă©taient en l’espèce requis aient Ă©tĂ© distincts et dĂ©tachables de ceux dont la dame x… avait eu connaissance, dans l’exercice de sa profession, Ă  l’occasion de son intervention auprès de la famille de y…, la cour d’appel a mĂ©connu le sens et la portĂ©e des textes sur lesquels elle a voulu fonder sa dĂ©cision ; d’oĂą il suit que la cassation est encourue ; par ces motifs :

[Commentaire. La Cour considère que l’article 109, qui pose principe de l’obligation de dĂ©poser auquel l’article 378 dĂ©roge, autorise l’assistante sociale Ă  tĂ©moigner ou non en justice. La Cour prĂ©cise par ailleurs que les faits sur lesquels est interrogĂ©e l’assistante sociale sont couverts par le secret puisqu’ils ne sont pas « distincts et dĂ©tachables de l’exercice de sa fonction ». Finalement la Cour confirme bien que seul les faits connus en raison de l’exercice professionnel sont couverts par le secret ; Ă  dĂ©faut, le professionnel de l’action sociale est un citoyen comme les autres.]

casse et annule l’arrĂŞt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes en date du 10 fĂ©vrier 1977, et pour ĂŞtre statuĂ© Ă  nouveau conformĂ©ment Ă  la loi :

renvoie la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Caen. »

Sens et portée de cette décision

Dans l’affaire KERBRAT, la chambre d’accusation a Ă©tĂ© particulièrement incisive Ă  l’Ă©gard de cette professionnelle et de la profession en gĂ©nĂ©ral. On peut lire par exemple, les passages suivants :

Cour d’appel de Rennes (chambre d’accusation), 10 fĂ©vrier 1977

« ConsidĂ©rant au surplus qu’il est contraire Ă  la morale et au bon sens que l’assistante chargĂ©e par ses fonctions de la prĂ©vention et de la protection des mineurs puisse assurer l’impunitĂ© de faits punissables, et que le raisonnement de la dame Kerbrat, tel que rapportĂ© par l’officier de police judiciaire dans son procès-verbal du 18 octobre 1976 in fine, prĂŞte Ă  critique lorsqu’elle prĂ©tend ĂŞtre tenue des communications obligatoires de services dans le domaine de la protection et non aux services de police et d’instruction qui travaillent eux dans le domaine de la coercition et qu’elle paraĂ®t oublier qu’en matière de protection de l’enfance, la prĂ©vention et la rĂ©pression se trouvent Ă©troitement imbriquĂ©es et que la communication faite Ă  son autoritĂ© doit normalement aboutir Ă  l’autoritĂ© judiciaire compĂ©tente.

ConsidĂ©rant enfin que l’on aperçoit mal la diminution du crĂ©dit et de la confiance dont les assistantes sociales auraient Ă  souffrir si elles Ă©taient amenĂ©es, en conformitĂ© avec un texte lĂ©gislatif, Ă  apporter leur tĂ©moignage sur des faits de violences ou de mauvais traitement Ă  enfant, considĂ©rĂ©s comme scandaleux Ă  juste raison par l’opinion publique et toute personne portant intĂ©rĂŞt Ă  l’enfance et qu’ainsi une vue Ă©troite du secret professionnel doit cĂ©der devant les intĂ©rĂŞts impĂ©rieux et supĂ©rieurs de la justice ».

[Commentaire. Ces extraits permettent de mesurer l’Ă©cart qu’il peut y avoir entre la conception judiciaire et la conception sociale de la protection de l’enfance. Pour les juges de la chambre d’accusation, il n’est pas concevable d’assurer la protection d’un mineur en dehors de la dĂ©nonciation des faits Ă  l’autoritĂ© judiciaire. Ils vont mĂŞme jusqu’Ă  qualifier le raisonnement de contraire Ă  la morale. Or, dans cette affaire, l’assistante sociale a assurĂ© la protection du mineur puisque l’enfant a Ă©tĂ© « placĂ© » avec l’accord parental dans un foyer et le père, auteur des violences, poursuivi en justice. D’une certaine manière la chaĂ®ne de protection a normalement fonctionnĂ© ; l’Ă©tat de danger rapidement Ă©radiquĂ© par l’intervention de diffĂ©rents acteurs dont l’assistante sociale.

Ce qui peut paraĂ®tre surprenant dans le positionnement des juges rĂ©side dans le fait qu’ils puissent faire rĂ©fĂ©rence aux cĂ´tĂ©s scandaleux de ce type d’affaire, que personne ne conteste par ailleurs, tout en prenant comme indicateur l’opinion publique. La justice ne doit-elle pas ĂŞtre rendue au non du peuple et non pas en fonction de l’Ă©tat de l’opinion du public ?

En dĂ©finitive, la Cour de cassation a remis en cause l’analyse des juges de la chambre d’accusation. Nous devons prendre acte du fait que cette libertĂ© de choix s’applique Ă  tous les professionnels astreints au secret (voir fiche 2 ).

Ceci dit, l’argumentaire dĂ©veloppĂ© par la chambre d’accusation en 1977 ne doit pas ĂŞtre considĂ©rĂ© comme appartenant au passĂ© dans la mesure oĂą la question de la « collaboration » (conditions et limites) entre le service social (au sens gĂ©nĂ©rique) et la justice reste d’une particulière actualitĂ© et mĂ©rite toujours quelques rĂ©flexions.]

Points clefs Ă  retenir

Le statut de tĂ©moin implique certaines obligations : comparaĂ®tre, prĂŞter serment et dĂ©poser. Les professionnels de l’action sociale astreints au secret professionnel sont seulement dispensĂ©s de l’obligation de dĂ©poser. La loi prĂ©voit des sanctions Ă  l’Ă©gard des tĂ©moins qui ne respectent pas totalement ou partiellement leurs obligations.

Mettez toutes les chances de votre côté

Thèmes abordés

Notes

Note 01 Position de la cour d'appel : absence de choix lorsque l'on tient sa mission du juge. Retour au texte

Note 02 André Vitu, Droit pénal spécial , tome II, Paris, Cujas, 1982, p. 1616. Retour au texte

Note 03 Odile Bean, « Le secret en investigation », Les Cahiers de l'Actif , Dans les méandres du secret professionnel, mars/avril 2005, n° 346/347. Retour au texte

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Le secret professionnel face Ă  la justice

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