Le juge administratif a enjoint la ville de Marseille et l’association « La mosquée de Marseille » de négocier un nouveau bail d’ici à deux mois. La construction d’une grande mosquée va donc encore attendre quelques mois.
Saisi par des représentants de partis d’extrême droite, Front national, Mouvement national républicain (MNR) et Mouvement pour la France (MPF), le tribunal administratif a annulé, le 17 avril, la délibération du conseil municipal du 17 juillet 2006 qui donnait le coup d’envoi du projet.
Après des dizaines d’années de tergiversations, les élus avaient alors décidé de mettre à la disposition de « La mosquée de Marseille » un terrain de 8 600 mètres carrés, dans le nord de la ville, pour un loyer annuel de 300 euros, avec un bail emphytéotique de 99 ans.
Le tribunal a annulé la délibération « pour excès de pouvoir », estimant que les élus ont été insuffisamment informés sur le plan de financement et que « ledit bail constitue une subvention déguisée ».
Il a également jugé que la délibération violait la loi du 9 décembre 1905, selon laquelle la république ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Ce jugement ne devrait cependant pas entraîner plus de trois à quatre mois de retard dans la construction de la mosquée, car la proposition d’un nouveau bail va être soumise à l’approbation du prochain conseil municipal le 25 juin, a déclaré le secrétaire général de la mairie de Marseille, Jean-Claude Gondard.
« Le jugement confirme les conclusions présentées par le commissaire du gouvernement, le 3 avril, et il ne nous surprend pas. Nous avons déjà travaillé avec l’association sur la suite du processus pour confirmer la volonté politique du maire » (de construire une grande mosquée, ndlr), a-t-il ajouté. La mairie compte toujours déposer le permis de construire à l’automne.
« Mais la volonté des opposants à la mosquée est très politique et chacune des procédures est susceptible d’être l’objet de nouveau recours, si nous n’y prenons garde », a précisé Jean-Claude Gondard.
Selon Moulay Abderrahmane Ghoul, président du conseil régional du culte musulman en région Paca, « rien n’est perdu, l’essentiel n’est pas contesté, surtout pas la volonté de la mairie (…) de construire la mosquée ».
A l’opposé, maître Alexandre Varaut, avocat du MPF, estime que cette décision « met un terme pour un délai indéterminé à ce projet ».
Le Conseil de réflexion et d’action islamiques (Corai), organisation musulmane marseillaise, s’est étonné « que les services juridiques d’une grande ville aient pu présenter une délibération en violation de la loi de 2005 », mettant en doute la volonté de Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, sur ce dossier.
La ville, dont un quart de la population est musulmane (pratiquante ou non) compte 62 lieux de culte musulman, d’une capacité totale d’environ 6 200 places, parfois insuffisante pour accueillir tous les fidèles.
François Grosdidier, député de la Moselle et secrétaire national à l’intégration de l’UMP, a plaidé le 18 avril pour l’actualisation de la loi de 1905 après la décision du TA de Marseille.
« Il a donné raison aux partis islamophobes contre la ville de Marseille » a estimé le député. Selon lui, « la jurisprudence impose une modification réglementaire, voire législative. Le sujet mérite beaucoup de pédagogie, mais il ne doit pas être tabou ».
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