Accueillie par les sifflets d’avocats et de membres de tribunaux de la région, la garde des Sceaux a présenté, le 20 octobre au tribunal de Rouen, la nouvelle carte judiciaire des 2 juridictions de la Haute-Normandie, celles de l’Eure et de la Seine-Maritime. Au nom «d’une justice plus efficace, celle qu’attendent les Français, pour lutter contre l’isolement de certains juges et en préservant la proximité au moyen de la numérisation et des audiences foraines», la sémillante Rachida Dati a tranché dans le vif.
D’ici à 2010, seront fermés :
le tribunal de grande instance de Bernay (Eure),
5 tribunaux d’instance : ceux de Louviers et de Pont-Audemer dans le même département ; et ceux d’Elbeuf, de Neufchâtel-en-Bray et d’Yvetot en Seine-Maritime).
Devraient aussi disparaître 3 tribunaux de commerce (Elbeuf, Neufchâtel-en-Bray et Pont-Audemer) et 5 greffes détachés dans la région.
Parallèlement, 3 pôles d’instruction seront mis en place à Rouen, Evreux et le Havre.
Cette rafale de fermetures suscite le mécontentement de nombre d’élus.
«Un plan de technocrates établi avec un double décimètre loin du terrain et des réalités et décidé sans concertation», commente le député de Seine-Maritime, Laurent Fabius, «qui va obliger nombre de citoyens à se déplacer, ce qui n’est pas toujours simple et devient onéreux. Ce n’est pas à la population d’être au service de la justice, mais l’inverse».
Didier Marie, président de la communauté d’agglomération d’Elbeuf, regrette la fermeture, « une fois de plus », d’un service public. Il craint que le manque de connaissance du terrain, l’apanage des tribunaux actuels, notamment de commerce, n’entraînent des décisions malvenues de la part de juges éloignés. Et de citer, par exemple, le sauvetage de deux entreprises de sa circonscription grâce à la connaissance qu’en avaient les prud’hommes locaux.
Côté justice, les «chefs de cour», comme les appellent Rachida Dati, ont indiqué, à l’instar d’Hubert Dalle, président de la cour de Rouen, que la nouvelle carte reflète les informations collectées auprès de leurs collègues et les besoins exprimés quant à la réforme.
Même commentaire de la part de Didier Marshall, président de la cour d’appel de Caen dans le Calvados, venu entendre la sentence de la ministre concernant la carte de Basse-Normandie.
Dans cette région, les tribunaux d’instance de Bayeux, de Pont-l’Evêque et de Falaise dans le Calvados, ceux de Valognes, de Saint-Lô et de Mortain dans la Manche, ainsi que ceux de Domfront et Mortagne-au-Perche dans l’Orne vont disparaître.
Les tribunaux de commerce de Bayeux, Honfleur, Condé-sur-Noireau (Calvados) et Argentan (Orne) seraient supprimés, mais les négociations sont toujours en cours. Deux pôles d’instruction verront le jour à Caen et Coutances (Manche).
Côté élus, l’hostilité à la nouvelle carte judiciaire est vive : «Inacceptable, s’emporte Jean-Karl Deschamps, vice-président du conseil régional et élu de Saint-Lô, c’est une entrée comptable dans une fonction régalienne de l’Etat, qui va toucher au coeur de la vie des citoyens, une attaque à la vie quotidienne et vis à vis des personnels des tribunaux. Par ailleurs, fermer un tribunal d’instance comme celui de Saint-Lô, la préfecture de la Manche, relève plus du déshabillage du territoire que du progrès du service rendu à la population. Quant au développement des audiences foraines, c’est une proposition de dupes.»
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