Huit villes de Seine-Saint-Denis se sont engagées au travers de l’opération « Un toit pour elle » à réserver un logement de leur parc social aux femmes victimes de violences conjugales, une initiative inédite en France, encore balbutiante mais jugée prometteuse.
Après qu’une femme a été accueillie en hébergement d’urgence, souvent elle ne peut pas sortir parce qu’il manque des logements pérennes », explique Ernestine Ronai, directrice de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes.
Une situation qui en amont provoque la saturation des 270 places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violence en Seine-Saint-Denis, gérées par des associations: « nous ne répondons pas à toutes les demandes, loin de là », déplore Brigitte Broux, de l’association SOS Femmes 93. Et les nouvelles victimes ne peuvent pas être accueillies.
Le dispositif « Un toit pour elles » a été créé en 2005 pour tenter de remédier à ce blocage. Il a pour cadre une convention signée entre les associations d’aide aux femmes et chaque commune du département, à l’initiative du Conseil général. Les villes signataires s’engagent à réserver chaque année au moins un logement de leur contingent-ville (20% des HLM d’une commune) pour une femme victime de violence.
Huit villes (Bobigny, Montfermeil, Stains, Aulnay-sous-bois, Epinay, Saint-Denis, Montreuil et Saint-Ouen) ont signé la convention. Le premier logement a été attribué à Bobigny en juin 2007, le second à Monfermeil en novembre. Deux femmes emménageront prochainement avec leurs enfants dans des logements à Aulnay-sous-Bois et à Stains. La convention devrait bientôt être signée par cinq autres villes, selon l’Observatoire.
La moitié des villes signataires n’a pas encore proposé de logement. Dans un contexte de « parc social restreint », il faut attendre « qu’un logement se libère », explique Ernestine Ronai. « La peur des villes, c’est de pénaliser des gens qui attendent depuis très longtemps », ajoute-t-elle. D’autres situations d’urgence (insalubrité, famille dans des chambres d’hôtel) se retrouvent en concurrence avec les femmes battues.
Il n’existe pas de dispositif similaire ailleurs en France. « Dans chaque département d’Ile-de-France, les associations luttent pour obtenir des accords semblables à ce qui se met en place dans le 93 », témoigne Françoise Brié, présidente de l’association L’escale, basée dans les Yvelines.
En Ile-de-France, il faudrait 500 logements de ce type, selon L’escale.
« Il faut qu’il y ait un accord national ou régional sur la question, car souvent les femmes ont besoin de changer de département pour être mises à l’abri pendant la période de séparation », fait valoir par ailleurs Mme Brié. C’est durant cette période que les meurtres par le conjoint sont les plus fréquents.
« Ces femmes ont souvent été dépossédées de leur logement: c’est le lieu où les coups ont été donnés, une prison à l’intérieur de la maison. On ne prend pas assez en compte l’importance du nouveau logement dans le processus de reconstruction personnelle », explique Françoise Brié.
Selon le secrétariat d’Etat à la Solidarité qui a lancé un plan contre les violences faites aux femmes, en 2006, 168 personnes, dont 137 femmes, sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ou compagne, soit une femme tous les trois jours.
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