« Jetzt geht’s los ». L’avenir institutionnel de l’Alsace sera sur le grill en cette fin juin. Disparue avec la rĂ©forme territoriale de François Hollande, l’Alsace pourrait bien renaĂ®tre sous une nouvelle forme. Emmanuel Macron, convaincu après un intense lobbying des Ă©lus alsaciens, a confiĂ© Ă Jean-Luc Marx, prĂ©fet de la rĂ©gion Grand Est, la mission d’établir un rapport sur l’avenir institutionnel de l’Alsace.
Et en effet, les sondages qui confirment l’envie des Alsaciens de retrouver une collectivité Alsace se multiplient. L’Ifop a par exemple interrogé 1002 habitants de la région entre le 10 et le 12 février dernier. Bilan : 83% des Alsaciens sont favorables à ce que l’Alsace renaisse.
Si le PrĂ©sident de la RĂ©publique est ouvert Ă l’idĂ©e d’une rĂ©apparition de cette ancienne rĂ©gion, il est a priori hors de question qu’elle sorte de la rĂ©gion Grand Est. D’oĂą l’idĂ©e, portĂ©e par les prĂ©sidents du Bas et du Haut-Rhin, qui ont publiĂ© une contribution intitulĂ©e « Vers une EurocollectivitĂ© d’Alsace » le 29 mai dernier, d’une collectivitĂ© Ă statut particulier.
Pour Géraldine Chavrier, professeure de droit public à l’Université Panthéon-Sorbonne, l’Alsace est toute désignée pour devenir une telle collectivité à statut particulier, « de par sa position transfrontalière et sa visée européenne ». Celle-ci explique que « pour créer une telle collectivité, il est possible de se fonder sur l’article 72 de la Constitution, qui précise qu’une nouvelle collectivité peut être créée par la loi ». Cet article indique bien que le cas échéant, cette collectivité peut prendre la place d’une ou de plusieurs collectivités.
Fusion améliorée
Selon Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, le timing semble être bon : « Le Président de la République souhaite promouvoir la différenciation des collectivités. Il veut aussi une Europe plus intégrée avec un moteur franco-allemand. Il peut s’appuyer sur l’Alsace. »
Mais pour que cette Eurocollectivité puisse agir, « elle ne peut se contenter d’être une fusion des deux départements, » explique le président du Bas-Rhin. « Cela reviendrait à faire une Alsace de façade. Ce qu’il faut, c’est lui donner une capacité à agir. » La note signée par Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, présidents LR des deux départements alsaciens, suggère ainsi que la collectivité d’Alsace puisse intervenir dans différentes matières :
- la formation et l’emploi ;
- l’action transfrontalière ;
- le bilinguisme ;
- la mobilité ;
- le tourisme, le patrimoine et le sport ;
- le logement et l’habitat :
- la transition énergétique.
Compétences en sus
Pour cela, il faudrait que cette EurocollectivitĂ© soit dotĂ©e de l’ensemble des compĂ©tences dĂ©partementales, « mais aussi de nouvelles compĂ©tences, qui seraient transfĂ©rĂ©es depuis l’Etat et la rĂ©gion ». Cela tombe bien. Dans son avis du 7 dĂ©cembre 2017, le Conseil d’Etat indiquait que « suivant la Constitution, les caractĂ©ristiques propres des collectivitĂ©s Ă statut particulier, permettent que leur soient attribuĂ©es des compĂ©tences particulières, diffĂ©rentes de celles des collectivitĂ©s territoriales de droit commun. »
Frédéric Bierry précise toutefois qu’ils ne veulent pas de conventionnement ou de délégation de compétences. « Cela serait trop aléatoire. Il faut que la nouvelle collectivité d’Alsace les exercent en compétences propres ou en compétences partagées ».
A titre d’exemples, seraient transférées :
- des compétences étatiques : en matière transfrontalière, de gestion des routes nationales, de fiscalité concernant les poids lourds en transit, de recrutement des enseignants bilingues, des contrats de lecture publique ;
- des compétences de la région : en matière de développement économique, de formation sanitaire et médico-sociale, d’apprentissage.
Les recommandations de FrĂ©dĂ©ric Bierry et Brigitte Klinkert vont loin, et tirent vers une dĂ©centralisation forte. Le prĂ©fet de la rĂ©gion Grand Est rendra son rapport au Premier ministre avant fin juin. On saura alors plus prĂ©cisĂ©ment quels sont les mĂ©canismes envisagĂ©s par l’Etat pour reformer l’Alsace.
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