Laurent Morel, le nouveau directeur général des services d’Henin-Beaumont (26.000 habitants) qui entre en fonction ces jours-ci affiche d’emblée son profil de technicien : « Je ne suis pas là pour faire de la politique, je suis là pour permettre à la ville de remonter la pente. Tout est à rebâtir. Maîtriser la masse salariale et redresser les comptes publics : c’est de la RGPP de bon sens ».
Ce juriste de formation a travaillé 4 ans comme directeur général des services de Verrières-le-Buisson (Essonne, 16.000 habitants – majorité UMP). Il a rejoint ensuite pendant trois ans Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine, 65.000 habitants, UDI) comme directeur général adjoint et assuré la fonction de directeur général des services sans en avoir le titre. « Il a donné satisfaction et laissé un bon souvenir», indique Paul Subrini, premier adjoint de cette ville.
Quand André Santini, député-maire UDI d’Issy les Moulineaux, a recruté un DGS mi-2012, Laurent Morel est parti pour Boulogne-Billancourt où il a pris en charge l’accueil, l’état-civil et les opérations de recensement. Les municipales représentaient donc pour lui une opportunité. Ce quadra, dont la femme est originaire du Nord, et qui se dit « homme de droite » a alors pris contact avec Steeve Briois.
Comment perçoit-il le risque que représente pour sa carrière un poste dans une municipalité Front National ? « De toute façon je ne pourrais pas travailler pour une ville de gauche. Et vis-à-vis d’une ville de droite classique, je ne suis pas certain que cela me condamne à vie ».
Boomerang – Quant aux avertissements, voire menaces pour certains, adressés par le syndicat national des DG, aux élus FN et aux cadres qui travailleront avec eux, « foulant ainsi aux pieds les valeurs de la République », Laurent Morel les retourne, comme un boomerang, à son avantage : il compte bien défendre ces valeurs au quotidien, dans sa gestion municipale « pour que celle-ci ne soit pas basée sur le clientélisme et le copinage, qu’il y ait une façon d’aborder les dossiers de façon neutre et objective et que les marchés publics soient passés selon le code. Il s’agit de respecter la loi, tout simplement ». Mais, ancien adhérent du syndicat, il indique n’avoir pas encore décidé s’il allait ou non le rejoindre à nouveau. Anticiperait-il un refus ?
Equiper le personnel – Pour Laurent Morel, la gestion des ressources humaines est un enjeu décisif pour Hénin-Beaumont. Il projette ainsi de mettre en place une GPEC et réfléchir sur la façon dont les équipes pourront travailler autrement : «c’est passionnant sur le plan humain ». Il compte par exemple se pencher sur la généralisation des fiches de postes ou l’actualisation des plans de formation. Et songe aussi à la mise en place d’un nouvel organigramme « en lien avec les syndicats et les chefs de service ».
Le maire Steeve Briois peut, sur ce chapitre, se réclamer de l’onction des magistrats financiers : dans son rapport annuel 2013, la chambre régionale des comptes du Nord Pas de Calais soulignait que « la mise à niveau de l’encadrement des services » était un des éléments pour pérenniser le redressement des comptes de la ville qu’elle jugeait alors fragile. Steeve Briois a recruté un nouveau responsable des marchés publics, un directeur du service communication qui arrive en septembre et il cherche encore un directeur financier.
Retour dans la territoriale – Il a choisi comme directeur de cabinet un ancien DGST. Après un début de carrière au service voirie de la ville nouvelle de Sénart, Gérard Moisan a été directeur des services techniques de la ville d’Avon (dirigée alors par un maire UMP) puis de la communauté de communes d’Avon-Fontainebleau où l’on se refuse au moindre commentaire sur son passage et le souvenir qu’il aura pu laisser.
Quant à sa « fin » de carrière dans la territoriale, elle a été abrupte. DGST à partir de juin 2010 de la Communauté d’agglomération du Haut-Val-de-Marne, Gérard Moisan a été suspendu début 2012 puis déchargé de ses fonctions en fin d’année : « le service rendu ne correspondait pas aux attentes », indique-t-on de façon laconique dans cette collectivité. Gérard Moisan a alors choisi de quitter la territoriale et de travailler pour une entreprise d’électricité (câblage, réseaux).
Son retour dans la territoriale, Gérard Moisan l’a construit en cette année 2014 : sympathisant du FN, il a envoyé une candidature spontanée pour travailler dans une des villes gagnées aux municipales : « ces mairies ont besoin de personnel d’encadrement compétent pour sécuriser les délibérations et les projets. Les élus souhaitent agir extrêmement légalement et s’appuyer sur notre expérience. Ils veulent avoir la garantie des résultats qu’ils escomptent », assure-t-il. Ajoutant : « on sait que ces mairies FN vont subir un contrôle de légalité plus important » ; un discours de victimisation fréquemment utilisé par le parti de Marine Le Pen, qui a fait, paradoxalement, d’un légalisme pointilleux l’une de ses marques de fabrique. Ainsi au conseil régional Nord Pas de Calais, certains témoignent que, depuis l’arrivée de conseillers Front National, leur activisme légaliste, a eu pour effet de considérablement alourdir les processus administratifs.
Du fait de son parcours, Gérard Moisan regarde aussi de près les enjeux au niveau des services techniques : « Hénin-Beaumont a à la fois beaucoup d’employés et beaucoup de prestations qui sont sous-traitées. Il sera nécessaire d’investir en matériel pour que le personnel puisse travailler. Beaucoup de métiers sont sous équipés : ils disposent de matériel d’un autre âge. Je souhaite que les personnels soient mieux outillés, mieux mécanisés. Leur travail sur les espaces publics doit être valorisé. On sent une attente des équipes sur ce point ». La remunicipalisation d’interventions au niveau des espaces verts, de l’élagage ou de l’éclairage public fait aussi partie des priorités.
Des liens à créer – Tous deux assurent enfin qu’ils vont devoir s’investir sur le terrain : Gérard Moisan, pour prendre contact avec les services de l’Etat et les autres collectivités, pour se mettre à jour sur les dossiers en cours ; Laurent Morel, auprès des équipes non basées à la mairie, de l’agglo d’Henin-Carvin (Cahc) et de ses collègues DGS des autres villes.
Techniques, proches des équipes, mais surtout pas politiques.
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