C’est une lame de fond qui bouscule les missions traditionnelles des collectivités territoriales : progressivement, elles deviennent les gardiennes de données variées, allant de la mobilité à la santé ou les services publics locaux. Ce mouvement, poussé par la décentralisation et les lois européennes sur l’ouverture des marchés, rencontre toutefois un certain nombre d‘écueils.
Les relations avec l’État restent complexes ; les collectivités doivent notamment naviguer entre les transferts de compétences insuffisamment accompagnés. Par ailleurs, les contraintes juridiques, comme les obligations de confidentialité ou les cadres réglementaires liés à la gestion des données personnelles (RGPD), ou encore à l’open data (la qualité et de l’accessibilité des données notamment) ajoutent une couche supplémentaire de difficulté.
Pourtant, ces données représentent un levier incontournable pour un meilleur pilotage des politiques publiques. « Reprendre la main sur la donnée ne se limite pas à une obligation réglementaire. C’est une opportunité stratégique pour les collectivités : elles peuvent non seulement mieux anticiper les attentes des citoyens, mais aussi redéfinir la manière dont elles pilotent leurs politiques publiques et priorisent leurs actions », souligne Maxime Vetillard, directeur Collectivités Territoriales chez Capgemini.
S’appuyer sur la data est nécessaire aussi pour relever des enjeux clés comme l’amélioration de la mobilité, l’adaptation des services locaux aux besoins des citoyens et la gestion des risques environnementaux. « Ces défis exigent des décisions mieux pilotées grâce à l’analyse des données » ajoute William Lesguillier, responsable Data & IA chez Capgemini.
Reprendre la main sur la donnée : une obligation et une opportunité pour les collectivités
Ce transfert de compétences s’inscrit dans un contexte de décentralisation continue. Depuis quelques années, les collectivités doivent gérer elles-mêmes des informations complexes, souvent issues de systèmes silotés. Reprendre le contrôle sur les données, notamment celles liées aux transports ou à la consommation d’eau, devient une priorité.
Avec l’ouverture à la concurrence des services publics, et la transformation de certaines entreprises (la SNCF est par exemple devenue une société anonyme à capitaux publics en 2020), elles se trouvent face à un impératif de gestion. « Les collectivités doivent développer une stratégie pour exploiter leurs données en interne, ce qui nécessite de se doter ou renforcer les moyens techniques et compétences associés », explique William Lesguillier, responsable Data & IA chez Capgemini.
Mais ce n’est pas uniquement une contrainte. C’est aussi une occasion unique de moderniser la gouvernance locale, de rendre les décisions plus précises et de s’adapter aux nouvelles réalités économiques et sociales. « La donnée a longtemps été perçue comme un angle mort dans les politiques locales, alors qu’elle est essentielle pour comprendre et anticiper les besoins des territoires », poursuit Maxime Vetillard.
Cependant, exploiter ces données efficacement reste un défi technique majeur pour de nombreuses collectivités. L’adoption limitée du cloud computing, pourtant essentiel pour stocker et traiter de gros volumes de données, freine leur capacité à valoriser pleinement ces informations. Sans infrastructures adaptées, la gestion de ces données massives devient un véritable casse-tête. Certaines collectivités ont opté pour la mutualisation de leurs moyens informatiques, ce qui leur permet de fournir des services spécifiques adaptés aux besoins locaux. Néanmoins, même avec l’augmentation des capacités de stockage, la gestion des flux reste insuffisante, particulièrement pour des projets ambitieux comme l’intelligence artificielle (IA). Lever ces freins techniques et repenser les infrastructures est désormais une priorité pour exploiter tout le potentiel des données et maximiser leur impact sur les territoires.
Des données au service du développement : optimiser les coûts et créer des revenus
Face à la baisse de leurs ressources financières, les collectivités cherchent aujourd’hui à optimiser leurs dépenses et, si possible, à générer de nouvelles recettes. « L’analyse dynamique des dépenses devient un levier essentiel pour les collectivités, qui souvent doivent faire plus avec moins », explique encore Maxime Vetillard.
Le secteur des transports est un bon exemple. Avec l’ouverture des marchés, la gestion des données permet aux collectivités d’adapter l’offre de mobilité en temps réel, de mieux anticiper les besoins des citoyens et de réduire les coûts liés à l’entretien des infrastructures. Certaines régions et métropoles ont bien saisi l’enjeu. A l’image de la Région Sud où les données de transport sont par exemple utilisées pour mieux comprendre la saisonnalité des déplacements, en particulier dans les zones touristiques. Leur exploitation a donc un impact direct sur le développement économique du territoire, influençant à la fois l’urbanisme, les déplacements des populations et le tourisme saisonnier.
Mais l’exploitation des données ne se limite pas à ce seul périmètre. Les collectivités investissent de plus en plus dans l’utilisation des images satellites et des captations locales pour anticiper les risques environnementaux. Par exemple, des données issues de la mesure des débits des cours d’eau et de l’analyse d’images satellites permettent d’identifier les zones à risque d’inondation. Ces informations aident à mieux planifier les aménagements et à déployer des actions préventives. « Nous sommes à un tournant où l’intelligence artificielle entre de manière concrète dans la gestion des territoires en assistant l’humain pour exploiter à grande échelle les données à sa disposition dans le domaine de l’observation du territoire et de la planification urbaine », analyse quant à lui William Lesguillier.
L’engouement est là. La question reste de savoir comment les collectivités pourront passer du traitement des données à une utilisation prédictive et proactive, notamment grâce à l’intelligence artificielle, tout en conciliant contraintes techniques et attentes citoyennes croissantes.
Contenu proposé par Capgemini