Vous parlez d’une « étape historique », en quoi l’accord collectif national du 11 juillet 2023 vous semble fondateur ?
Robert Chiche : Mieux couvrir les 1 900 000 agents publics territoriaux en prévoyance est un enjeu social majeur. Notamment pour les 70 % d’agents de catégorie C, les plus exposés aux risques de santé et sécurité au travail, avec des salaires proches du Smic : ne percevoir que la moitié de son traitement à partir du 91e jour d’absence peut les entraîner dans des situations dramatiques. L’accord collectif national du 11 juillet 2023 prévoit la mise en place d’une couverture collective à adhésion obligatoire avec une participation de l’employeur territorial à hauteur de 50 % du montant des garanties minimales.
Rendre l’adhésion obligatoire ne protège pas seulement les agents territoriaux, mais aussi les acteurs de la prévoyance. Pourquoi ?
Robert Chiche : La prévoyance est un risque lourd qui soulève la question de l’assurabilité. Quand l’adhésion est facultative, elle est en priorité souscrite par ceux qui pensent en avoir le plus besoin et on aboutit à de l’anti-sélection. Rendre l’adhésion obligatoire permet de mutualiser les risques. Je me félicite que cette décision ait été prise par les employeurs publics sous l’égide du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
Acteur reconnu de la prévoyance des collectivités, Territoria Mutuelle s’est alliée au Groupe Apicil. Quelles sont les raisons de ce rapprochement ?
Robert Chiche : Nos fonds propres ne nous permettent pas de développer des offres collectives. Nous avons donc décidé de nous adosser au Groupe Apicil pour bénéficier de son assise financière, et parce que c’est un groupe mutualiste et paritaire qui a une solide expertise dans le déploiement et le pilotage des régimes de prévoyance collective en entreprise. Or avec l’accord du 11 juillet 2023, les organisations syndicales vont jouer un rôle majeur dans la définition du cahier des charges, la mise en place, le pilotage et le suivi des contrats collectifs.
Et chez Apicil, qu’attendez-vous de cette alliance ?
Philippe Barret : Le marché de la protection sociale des entreprises privées est arrivé à maturité. Il nous faut trouver de nouveaux espaces de développement. Nous avons voulu le faire en partenariat avec un véritable expert des collectivités territoriales. Avec 150 000 agents protégés, Territoria Mutuelles s’inscrit parfaitement dans notre culture de la proximité exprimée par notre raison d’être : « Par une relation proche et attentionnée, soutenir toutes les vies, toute la vie. »
Que peut apporter votre expérience de la prévoyance collective des entreprises aux collectivités territoriales ?
Philippe Barret : Notre pratique du dialogue social et du paritarisme, comme l’a déjà dit Robert Chiche. Mais aussi notre capacité à faire de l’action sociale, encore trop peu développée dans les collectives territoriales, ainsi que de la prévention. Nous avons développé un ensemble de solutions opérationnelles au service de la santé et de la prévention de l’absentéisme. Et nous envisageons de créer une mutuelle de Livre 3 qui pilotera l’ensemble de nos actions de prévention, avec une gouvernance paritaire incluant des adhérents afin de mieux capter les besoins du terrain.
La prévention, c’est aussi un sujet important pour Territoria Mutuelle ?
Robert Chiche : Nous avons toujours été très attachés à la connaissance et la maîtrise de nos risques : 10 % de nos effectifs sont affectés à l’actuariat et la data. En plaçant ainsi la maîtrise du risque au cœur de nos activités, nous pouvons aider les collectivités territoriales à mieux comprendre leur absentéisme, cartographier les zones les plus exposées et mettre en place une prévention ciblée. Par ailleurs, nous sommes « Spaser compatibles » : nos offres répondent aux critères des Schémas de Promotion des Achats Publics Socialement et Economiquement Responsables.
La protection sociale des agents territoriaux est-elle en train de changer de visage ?
Robert Chiche : Nous sommes effectivement dans un vrai changement d’époque. À condition, toutefois, que l’accord du 11 juillet 2023 soit transposé : nous n’avons encore aucune visibilité sur ce calendrier législatif. Une autre question reste en suspens : la capacité des petites collectivités à financer leur participation obligatoire à la prévoyance de leurs agents. Un amendement sénatorial au PLFSS 2024 est venu proposer la création d’un fonds d’accompagnement pour les petites collectivités. Il n’a malheureusement pas été retenu.
Contenu proposé par Apicil