C’est en septembre 2019, en plein échange avec sa directrice générale adjointe (DGA) que Céline Dumesnil s’est effondrée. « J’ai eu une crise de larmes, et la DGA a dû me raccompagner chez moi. Je pensais que cela irait mieux le lendemain, mais j’ai d’abord été arrêtée une semaine et, finalement, je n’ai repris qu’un mois et demi plus tard. Travailler était devenu un effort incommensurable », raconte cette directrice des ressources humaines (DRH). Plusieurs années à mettre en musique les textes réglementaires, qui se succèdent sans cesse, de surcroît dans un contexte de sous-effectif faute de parvenir à recruter, et en ne s’arrêtant jamais pour montrer l’exemple ont eu raison de cette professionnelle d’une quarantaine d’années entière et totalement investie.
Fonction qui frise la schizophrénie
Le burn-out, ou épuisement professionnel, est un syndrome résultant d’un stress chronique au travail. Il associe trois dimensions : sentiment d’épuisement, retrait, cynisme ou négativisme vis-à-vis du travail et perte d’efficacité personnelle. « Dans mon cas, le burn-out n’est pas lié à la collectivité, mais à la fonction qui frise la schizophrénie, puisque notre rôle est d’apporter un service opérationnel aux agents, sans en avoir forcément le temps ni les moyens », assure Céline Dumesnil.
DRH dans une commune de 200 agents, Sofiane s’est, lui, retrouvé quasiment seul pendant plusieurs mois à piloter l’impact de l’augmentation du temps de travail. « Quand on est dans les RH, encore plus dans une collectivité où l’on est au service du public, souvent en difficulté, on veut donner le meilleur. Je travaillais tous les soirs et le week-end pendant les siestes de ma fille. Lorsque j’ai enfin pu recruter et ralentir le rythme, j’ai connu une phase de décompression où je n’arrivais presque plus à travailler, je me suis dit qu’il fallait faire attention », témoigne-t-il. Pour lui, la crise sanitaire, qui s’est accompagnée d’une tendance à l’individualisme et au repli sur soi des agents, a encore dégradé ses missions, déjà exigeantes et empreintes d’une forte charge mentale.
Emmanuel Gobin en est convaincu. « L’exposition des DRH au burn-out est indéniablement plus élevée que pour d’autres fonctions », estime cet ancien DRH d’une commune de 1 600 agents. Intensité de la charge de travail, manque de marge de manœuvre ou d’autonomie, exigences émotionnelles… dans le contexte actuel, ces facteurs de risque du burn-out se concentrent tout particulièrement sur la fonction des RH.
« Le DRH est un acteur stratégique de toute collectivité et, notamment, le levier de mise en œuvre de ses politiques. Il est souvent l’interface entre la volonté politique et sa faisabilité budgétaire, puisque les coûts dans une collectivité sont essentiellement portés par la masse salariale. Et lorsqu’il ne parvient pas à recruter des policiers municipaux ou des personnels de crèche, c’est la tenue du service public qui est immédiatement mise en cause. A cela s’ajoutent parfois des revirements à 180 ° à l’arrivée d’un nouvel exécutif », décrit-il. Se retrouver en plein hiatus entre la réalité de court terme et la vision politique d’un élu, c’est, par exemple, ce qui a fait flancher cet ancien DRH.
Toujours plus de responsabilités
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