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Vers un durcissement durable des conditions de financement ?
Publié le 04/10/2022 • dans : Contenu partenaire
Auteur de l’article : Patrick Aussannaire, CAPVERIANT
Un changement de paradigme
Cette normalisation a conduit à la hausse du taux français à 10 ans de plus de 250 pb depuis fin 2021. Malgré les risques croissants de récession pesant sur l’activité, la tendance reste haussière sur les taux. Entre inflation et récession, les banques centrales ont tranché en décidant de relever les taux directeurs jusqu’à ce que l’inflation revienne à 2 %, même au prix d’une récession économique.
À cela s’ajoute le risque de nouvelle crise de la dette souveraine en zone euro, pris au sérieux par la BCE, qui a mis en place un outil « Transmission protection instrument » (TPI) destiné à lutter contre un écartement trop fort des spreads, mais pour quelle efficacité ? Les chocs font ressurgir les problèmes structurels (crise politique, fragilité des finances publiques), jusqu’ici masqués par une phase de croissance et de taux bas, auxquels il va falloir s’attaquer.
Changement significatif du contexte de marché
Une inflation qui s’installe durablement
L’inflation moyenne d’environ 8,1 % attendue par la BCE pour la zone euro sur 2022 contraste avec celle de 1,6 % affichée en 2021, et avec le taux d’inflation moyen de 1,9 % observé entre 1985 et 2019. Alimentée par la chute du taux de change de l’euro de près de 20 % depuis un an face au dollar, en raison de la hausse du différentiel de taux entre les États-Unis et l’Europe, elle est plus difficilement maîtrisable (inflation importée) et accentue la hausse des prix de l’énergie majoritairement libellés en dollar.
Une crise durable des prix énergétiques
Depuis la pandémie, le secteur de l’énergie connaît des bouleversements sans précédent, accentués par la guerre en Ukraine. Le cours du baril de pétrole brut a atteint 139 dollars en juin, frôlant le record de 147 dollars de 2008. Le prix du gaz, sensible à la guerre en Ukraine, a aussi flambé. Si cette crise est une opportunité pour l’Europe de réduire sa dépendance extérieure vis-à-vis des énergies fossiles, l’inflation ne s’arrête pas au champ de l’énergie.
Le prix des autres biens aussi affectés
Les prix de l’alimentation ont augmenté de 4,2 %. La dépréciation de l’euro et la flambée des coûts de production et de livraison sont des facteurs aggravants. L’inflation hors énergie et alimentaire a atteint 4,3 %, la hausse du prix des biens 4,5 %, celle des services 3,7 %. Tous les pays de la zone euro sont touchés, avec une inflation qui vient désormais mettre une pression croissante sur les salaires.
Le risque d’une boucle prix/salaires
Le marché du travail est caractérisé par un taux de chômage historiquement bas en zone euro et les postes vacants n’ont jamais été aussi élevés. Une forte hausse des salaires relèverait les coûts de production, reportés sur le prix des biens de consommation. L’inflation deviendrait alors structurelle et durable. Ce n’est qu’en cas de crise profonde que le marché du travail se retournerait.
Face à cette situation, les banques centrales n’hésitent pas à prendre des mesures fortes.
Hausse des taux : entre resserrement monétaire et risque de récession
Les banques centrales réagissent à l’inflation
En juillet, la BCE a été une des dernières banques centrales à relever son taux directeur d’un demi-point de pourcentage, puis de 75 pb en septembre, après huit ans de taux négatifs. La Fed avait pris les devants avec des hausses cumulées de 300 pb. Les taux de la BCE pourraient terminer l’année 2023 à 3,5 % et ceux de la Fed à 4,5 %, malgré la montée des craintes sur l’activité.
Les risques de telles mesures sur l’activité
L’inflation et la crise énergétique font désormais craindre une contraction de l’activité en 2023. La BCE prévoit 0,9 % de croissance en zone euro, après 2,6 % en 2022 et 5,4 % en 2021. Ce ralentissement pourrait certes permettre de faire fléchir les anticipations d’inflation, mais l’hypothèse d’une « stagflation » (faible croissance et inflation élevée), difficile à contrôler pour une banque centrale, n’est pas à écarter.
Retour des risques de crise souveraine en zone euro
Depuis 2015, la BCE a accumulé un encours de 4.230 milliards d’euros d’obligations d’État, alors que la dette publique de la zone augmentait de 2.450 milliards. La BCE détient 36 % de la dette des pays de la zone euro. La remontée des taux — dans un contexte dégradé des finances publiques, de crise du pouvoir d’achat liée à la forte hausse des prix, et de tensions politiques — cumulée à l’arrêt des achats de la BCE, fait craindre une résurgence des tensions sur les dettes des pays les plus fragiles.
La BCE prend des mesures préventives contre la fragmentation
Création d’un mécanisme de lutte contre un écartement de spreads
La hausse de taux renchérit les coûts de financement des États, surtout les plus endettés. La crise de la dette traversée par la zone euro à partir de 2011, ayant conduit aux premiers achats de titres de la BCE, a laissé des séquelles profondes. Face à ce risque, la BCE a créé le TPI, outil permettant d’acheter un montant illimité de titres d’un État dont les taux augmenteraient trop fortement par rapport à ceux des autres pays, si ce n’est pas justifié par ses fondamentaux économiques.
Les limites financières du TPI de la BCE
Pour s’attaquer à l’élargissement des écarts de taux, la BCE évoque le réinvestissement flexible de ses avoirs du programme d’achat d’urgence pandémique (PEPP). Une mesure qui pourrait être insuffisante si la confiance dans les obligations d’État périphériques est mise à l’épreuve.
En juillet, la BCE disposait de plus de 20 milliards d’euros à dépenser pour contenir les spreads, en supposant une réorientation complète des rachats. Mais entre novembre 2022 et février 2023, moins de 10 milliards seront disponibles, alors qu’en 2020, la BCE a utilisé plus de 20 milliards au cours de chacun des quatre premiers mois pour les seules obligations italiennes.
Les limites techniques du TPI
Le TPI constitue surtout une arme dissuasive. La BCE s’autorise des achats en cas d’écartement des spreads, mais sous conditionnalité. La crédibilité du TPI dépendra de la durée pendant laquelle il peut être maintenu si un État est en rupture avec les règles de l’UE en termes de fiscalité et de réformes.
Outre le risque d’aléa moral et le fait que le TPI fera éclater la clé de répartition par pays, une autre limite est la mention de l’impact sur la taille du portefeuille de titres de la BCE et sur l’excès de liquidité créé. En cas d’achats massifs, les marchés pourraient se demander si l’outil va à l’encontre du resserrement monétaire et tester sa crédibilité à long terme, ce qui pourrait freiner la BCE pour l’utiliser.
La dégradation des finances publiques fragilise les pays européens
La gestion du pouvoir d’achat des consommateurs, dégradé par la hausse durable des prix, ne sera pas résolue par la BCE, mais par les gouvernements. Des mesures ont déjà été prises pour limiter l’impact de la hausse des prix qui pèseront sur les finances publiques, dans une Europe marquée par le conflit en Ukraine et l’émergence des populismes en Italie et en France.
Une situation économique plus harmonisée des pays de la zone euro
Le déficit public en zone euro sera élevé entre mi-2022 et fin 2023, avec une dette qui devrait croître de 600 milliards d’euros. Or, les investisseurs hors zone devraient être mis à contribution puisque la zone euro présente un déficit extérieur sous l’effet de la hausse des prix des matières premières.
Entre 2009-2012, trois facteurs ont semé le doute : la capacité inégale des pays à redresser leur économie après la crise financière, des positions concurrentielles devenues intenables dans une union monétaire, et des finances publiques fortement dégradées dans certains pays.
Si les politiques budgétaires et monétaires mises en place lors du Covid ont permis aux économies de retrouver leur niveau d’activité d’avant crise, les réformes structurelles imposées aux pays fragiles ont conduit à une convergence des niveaux de compétitivité des États et à une forte réduction des différences de coûts salariaux. Reste à voir quel sera l’impact de la vague d’inflation.
Les finances publiques : talon d’Achille de la zone euro
Le facteur des finances publiques est le plus problématique. Malgré le contexte économique favorable entre 2017 et 2019, les pays sont entrés dispersés dans la crise Covid. Si l’état des finances publiques de certains États était déjà à risque en 2019, la situation générale s’est détériorée dans tous les pays depuis la crise.
Le financement des collectivités également sous tension
Le secteur public local est directement touché par ces mutations et les défis qu’elles entrainent. Après avoir été confrontés aux problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement dans la réalisation de leurs investissements, les emprunteurs publics ont vu, depuis le début de l’année, leurs conditions de financement se tendre très fortement et ont été confrontés à une forte volatilité de marché. S’il y a un an, une collectivité pouvait emprunter en moyenne autour de 0,75 % sur 20 ans, le taux fixe proposé actuellement se situe plutôt entre 3 % et 3,5 %, avec une sélectivité plus forte de la part des prêteurs et des banques qui ont raccourci les durées de validité de leurs offres face à la volatilité des marchés. Ces tensions ont également eu un impact sur les prêts bancaires à taux fixe devenus de plus en plus difficiles à offrir du fait d’un taux d’usure inférieur aux conditions réelles de financement dans un contexte haussier des taux.
Cette situation a amené certaines collectivités à décaler dans le temps le calendrier de leurs consultations, d’autres à se tourner vers des taux variables (avec un risque de taux important compte tenu des anticipations de marché — Euribor 3 mois anticipé à 3,50 % courant 2023 — voire vers des produits à barrière sur Euribor. Quelques-unes ont pour la première fois regardé l’obligataire avec toutefois beaucoup d’interrogations en amont quant à l’accès à ces formats en tant que primo-émetteurs.
Ce changement de paradigme crée beaucoup d’incertitudes dans la mise en œuvre des politiques et stratégies de financement des acteurs publics locaux. Dans un tel contexte, la diversification est essentielle pour sécuriser les financements les plus adaptés aux investissements à réaliser, et le recours à une plateforme de financement ne doit plus être seulement vu comme une alternative, mais comme une nécessité. Une telle démarche permet, tout d’abord, de solliciter directement une large palette d’investisseurs, diversement impactés par les bouleversements de marché en cours, sans retomber dans la logique des prêts structurés telle que l’on a pu la voir réapparaître. Si les acteurs bancaires font face à une hausse de leurs coûts de refinancement en raison de l’augmentation de la matérialité des risques crédit de leurs clients, avec pour conséquence une réduction des capacités de prêts en volume et/ou en durée, les investisseurs institutionnels ont un appétit renforcé pour des formats obligataires émanant d’acteurs publics locaux qui offrent une rémunération supérieure aux obligations souveraines et permettent de sécuriser des portefeuilles à bon prix sur des maturités longues, complétant alors les offres des banques historiques. Elle permet également de faciliter la mise en place effective des opérations de financement quels que soient les formats proposés (bancaire ou obligataire) ou les types d’investisseurs sélectionnés (banques ou assureurs) en proposant notamment des services « clés en main » de fronting, d’arrangement ou de notation. Même si les plateformes de financement ne sont pas encore arrivées à maturité dans leur développement, elles sont des outils indispensables à la sécurisation du financement des projets, de surcroît dans des contextes bouleversés et incertains tels qu’on les connaît aujourd’hui.
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