Dans quel état se trouve la FP alors que débute ce nouveau quinquennat ? (1)

Pourtant, la situation de l’hôpital est catastrophique, les rémunérations ne sont pas à la hauteur de ce que cela devrait être. Et le président de la République ne nous a pas expliqué dans le détail son programme. On ne sait pas pour quoi la prochaine majorité va se battre. Il ne faudrait pas revenir aux errances du début de quinquennat. Nous devons, une fois pour toutes, mettre fin au new public management et au fonctionnaire bashing. En réalité, tout le reste découle de cela.
Johan Theuret : Je partage ces constats. Les mĂ©tiers en tension le sont en raison d’une dĂ©faillance salariale, mais aussi du fonctionnaire bashing. Cela doit nous inciter Ă rĂ©flĂ©chir. Comment attirer les jeunes gĂ©nĂ©rations ?


Le premier chantier devrait ĂŞtre celui du dĂ©gel du point d’indice. Quel serait le niveau minimum acceptable ?
JĂ©sus de Carlos : Nous sommes plusieurs organisations syndicales Ă rĂ©clamer une augmentation immĂ©diate de 10 % de la valeur du point d’indice. Ce n’est que le rattrapage. Cette mesure est finançable. Comment ? Via l’augmentation la dotation globale de fonctionnement de l’État aux collectivitĂ©s territoriales. Il faut une confĂ©rence salariale, mais aussi budgĂ©taire pour trouver, avec les collectivitĂ©s, les leviers qui financent ces mesures.
François Deluga : Une part de la perte d’attractivitĂ© de la fonction publique est due Ă la stigmatisation des agents publics, et c’est aussi un problème de rĂ©munĂ©ration. Je suis plus favorable Ă une augmentation du point d’indice qu’Ă des mesures catĂ©gorielles comme cela Ă©tĂ© fait dernièrement, et qui pourraient aboutir in fine Ă une dissociation entre fonctions publiques, et Ă l’intĂ©rieur de chaque fonction publique.
Je dois indiquer que si ma commune n’avait pas perdu 450 000 euros de DGF, nous aurions pu financer une augmentation linĂ©aire et rĂ©gulière du point d’indice. Mais on ne peut pas demander aux collectivitĂ©s de financer seules une revalorisation de 6 ou 10 %, mĂŞme si je ne crois pas, aujourd’hui, Ă une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Nous sommes dans l’incapacitĂ© de le faire. Nous avons mutualisĂ©, optimisĂ©… Il ne nous reste plus beaucoup de marges de manĹ“uvre pour dĂ©gager des ressources.
Alors oui, je suis favorable au relèvement du point d’indice, mais dans l’Ă©tat actuel des choses, avec les annonces de diminution de nos recettes, et sans la crĂ©ation de nouvelles ressources, il est Ă©vident que les collectivitĂ©s ne peuvent pas le financer.

En tout Ă©tat de cause, l’augmentation du point d’indice ne peut pas ĂŞtre infĂ©rieure Ă la dernière réévaluation du SMIC, puisqu’on a plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires qui sont au SMIC aujourd’hui.
Ce qui rend la chose insoutenable, c’est la manière dont c’est fait. On gèle le point pendant dix ans, puis on « lâche les chevaux ». Mais on ne peut pas demander aux collectivitĂ©s de compenser le dĂ©faut de réévaluation de la valeur du point par le rĂ©gime indemnitaire. C’est très dangereux. Les collectivitĂ©s riches pourraient se le permettre, mais les autres, plus fragiles, ne le pourraient pas. Cela dĂ©boucherait sur une concurrence malsaine.
HĂ©lène Guillet : Je ne vais pas me prononcer sur le taux, mais rappeler quelques chiffres. Relever d’un point, cela correspond Ă 2 % de l’épargne brute pour les collectivitĂ©s territoriales. En Loire-Atlantique, 1 point Ă©quivaut Ă 60 000 euros en moyenne par collectivitĂ©. Soit deux postes de catĂ©gorie C, un et demi de catĂ©gorie B, entre 20 et 30 m² de construction… C’est donc une affaire de choix politique, sachant que la ressource humaine, c’est ce qui permet l’action publique locale.
Ce qui se joue-lĂ , c’est l’action et le service publics. Aujourd’hui, parce que les grilles sont tassĂ©es, on a honte d’expliquer aux agents qu’il faut attendre 9 ans pour une augmentation du point d’indice. Les B en fin de carrières sont au-dessus des A en dĂ©but de carrière, ce qui pose la question des concours et de l’engagement. Il y a pĂ©nurie de DG, car il n’y a plus d’intĂ©rĂŞt daller sur ces postes. Les grilles sont faites de telle sorte que des agents de catĂ©gorie B gagnent davantage que des emplois fonctionnels. Cela n’a plus aucun sens. De plus, quand on compare les avantages globaux du privĂ© par rapport Ă la fonction publique, il y a des distorsions Ă©normes, qui jouent en dĂ©faveur de notre attractivitĂ©. La problĂ©matique va donc bien au-delĂ du taux d’Ă©volution du point.
L’enjeu, demain, c’est de pouvoir attirer les jeunes gĂ©nĂ©rations en redonnant le goĂ»t des carrières publiques, comment faire ?
HĂ©lène Guillet : Il y a quatre Ă©lĂ©ments Ă prendre en compte en matière d’attractivitĂ© : la question du sens et du projet arrive toujours en numĂ©ro un, la qualitĂ© des relations est le deuxième facteur de motivation pour quelqu’un qu’on recrute. La question de la rĂ©munĂ©ration arrive en troisième position. Le dernier facteur, c’est la question des conditions de travail au sens large. C’est en activant l’ensemble de ces points que l’on peut rĂ©enchanter et gagner en attractivitĂ©, surtout auprès des jeunes gĂ©nĂ©rations.
Mais c’est très difficile aujourd’hui, notamment pour les plus petites structures, parce que tout est devenu très complexe. On ne peut plus jouer sur les carrières longues par exemple : les jeunes gĂ©nĂ©rations n’en veulent pas.
C’est un ensemble d’interventions qui peuvent faciliter et favoriser la venue dans la fonction publique. Il faut vraiment miser sur la dimension pĂ©dagogique autour des mĂ©tiers. Fonctionnaire, c’est un statut, pas un mĂ©tier. On ne fait pas venir les gens pour ĂŞtre fonctionnaires, on les fait venir parce qu’on a besoin d’un infirmier, d’un assistant social… Donc la question consiste Ă dire comment on peut travailler Ă l’Ă©chelle d’un bassin d’emplois, avec tous les acteurs, les universitĂ©s, mais aussi, plus en amont, Ă l’Ă©chelle des collèges pour redonner du sens et du contenu Ă ce que sont les missions dans la fonction publique.
François Deluga : Le CNFPT organise encore quelques concours pour les A + et je dois dire que l’on est assez effarĂ©s par la baisse de niveau des gens qui se prĂ©sentent. Notre difficultĂ© Ă recruter augmente aussi parce que le nombre de reçus aux concours ne couvre pas les postes ouverts. Nous connaissons une sĂ©rie de mĂ©tiers en tension car ils ne sont pas assez valorisĂ©s et que les rĂ©munĂ©rations sont trop faibles.
Il faut ajouter que le taux d’absentĂ©isme aux formations dispensĂ©es par le CNFPT, qui s’adressent Ă des agents dĂ©jĂ dans les effectifs, est passĂ© en quelques annĂ©es de 15 Ă 25 %. Beaucoup s’inscrivent et ne viennent pas. Cela a un impact logistique et financier non nĂ©gligeable. De manière globale, la valeur travail est extrĂŞmement dĂ©valorisĂ©e aujourd’hui. L’autre chantier, c’est plancher sur le manque de connaissance qu’ont les jeunes des mĂ©canismes qui permettent d’accĂ©der Ă la fonction publique.
Jésus de Carlos : Je voudrais apporter quelques contradictions à ce que vient de dire François Deluga. Les collectivités territoriales doivent aussi assumer certaines décisions politiques, notamment le fait de ne pas organiser de concours tous les ans, qui détourne les jeunes qui sortent de leurs études des carrières publiques.
Par ailleurs, quand on rĂ©alise que le financement du CNFPT est Ă 0,9 % (2), mais que les collectivitĂ©s dĂ©pensent 2 Ă 3 % dans des formations extĂ©rieures, c’est-Ă -dire dans le privĂ©, cela interroge. Le CNFPT est notre bijou et il faut le prĂ©server. N’oublions pas la gĂ©nĂ©ralisation du new public management, qui a fait beaucoup de mal a nos organisations de travail.
La crise de sens des agents est liĂ©e au fait de rĂ©duire les moyens mais d’en faire toujours plus. Il y a des filières vraiment en souffrance, comme les assistants artistiques ou les Atsem. A cela s’ajoute une vraie concurrence sur les mĂ©tiers d’ingĂ©nieurs par exemple, entre le privĂ© et le public.
Ce n’est pas le statut qui pose une difficultĂ©, mais je pense qu’il y a une volontĂ© politique pour supprimer la fonction publique en tant que telle, et faire passer au privĂ© un certains nombres de services.
François Deluga : Je suis Ă©galement favorable Ă ce que nous revenions Ă l’organisation des concours tous les ans. Car lorsque les Ă©tudiants sortent de la fac et que cela tombe une annĂ©e oĂą il n’y a pas de concours organisĂ©s, ils n’attendent pas une annĂ©e supplĂ©mentaire.
Johan Theuret : Concernant l’attractivitĂ©, en 2019, l’Association des DRH des grandes collectivitĂ©s territoriales (ADRHGCT) avait fait une Ă©tude qui rĂ©vĂ©lait que 57 % des mĂ©tiers en tension dans le secteur public l’Ă©taient aussi dans le privĂ©. Il faut donc relativiser, mĂŞme si des freins sont propres Ă la territoriale.
Sur la question du sens, dans notre malheur, on a pu en redonner Ă la puissance du service public. Une grande campagne de communication nationale de valorisation de nos mĂ©tiers, sur le modèle de ce que fait l’armĂ©e, serait intĂ©ressante. C’est tout de mĂŞme paradoxal que les jeunes arrivent Ă se projeter dans des mĂ©tiers dangereux mais que nous, les employeurs territoriaux, n’arrivions pas Ă recruter !
Tout cela relève Ă la fois de la volontĂ© politique et des moyens financiers qu’on peut y consacrer. Il est important aussi d’arrĂŞter de parler de la fonction publique dans sa globalitĂ©, car cela donne l’impression d’un grand maelstrom et les jeunes gĂ©nĂ©ration s’y perdent. Parlons de mĂ©tiers avant tout.
Au delĂ de la problĂ©matique du calendrier des concours, nous avons des Ă©preuves qui sont encore trop acadĂ©miques. Il faut revoir le format des Ă©preuves et leur durĂ©e. Par ailleurs, quand les jeunes diplĂ´mĂ©s postulent dans le privĂ©, ils sont recrutĂ©s en moins d’une semaine et on leur paye le billet de train pour venir Ă l’entretien. Partant de lĂ , la fonction publique et ses concours, c’est has been !
Et puis, il faudrait un travail sur les conditions de travail au sens large, et j’entends par lĂ aussi la dimension salariale. J’insiste parce que, et encore plus en contexte d’inflation, il ne faut pas se leurrer, c’est un Ă©lĂ©ment qui va Ă©normĂ©ment peser sur les mĂ©tiers en tension.
Pensez-vous alors qu’il faille mettre en place davantage de mesures catĂ©gorielles, comme cela a Ă©tĂ© le cas sous le dernier gouvernement ?
Johan Theuret : Non, pas nĂ©cessairement car cela crĂ©e des disparitĂ©s entre les agents, un problème de lisibilitĂ© des rĂ©munĂ©rations et un sentiment d’injustice. Et puis, dans les conditions de travail, il y a deux axes sur lesquels les collectivitĂ©s ont dĂ©laissĂ© le sujet : c’est tout d’abord la question de la prĂ©vention qui a Ă©tĂ© longtemps un sujet tabou dans les collectivitĂ©s locales. Pourtant, la prĂ©vention permet de lutter contre l’absentĂ©isme, et d’amĂ©liorer les conditions de travail des agents.
Et puis après, il y a la question de la PSC oĂą, encore une fois, nous avons du retard. C’est Ă dire que ce qui est un avantage salarial dans le privĂ©, ne l’est pas dans la fonction publique. Et ça, c’est aussi un dĂ©faut de considĂ©ration.
Jésus De Carlos : Le gouvernement actuel risque de continuer la dévalorisation des qualifications pour proposer des grilles indiciaires dans lesquelles des bac + 5 peuvent exercer des missions de catégorie B. La formation initiale est dès lors fortement dévalorisée.
Par ailleurs, nous avons un problème inhĂ©rent au fonctionnement des service de ressources humaines, souvent trop peu qualifiĂ©s. Il existe encore trop peu de cadres experts sur des questions de construction de parcours professionnels qui permettent de passer de la formation initiale Ă la formation continue avec des changements d’emploi et donc de culture professionnelle. Passer de la filière technique Ă la filière administrative dans une carrière, ça paraĂ®t aujourd’hui tout Ă fait logique, ce qui n’Ă©tait pas le cas il y a 20 ans.
La jeunesse a bien compris que aujourd’hui, on avait des parcours professionnels beaucoup plus hachĂ©s. Et si on veut rester dans la fonction publique, il faut pouvoir construire des passerelles entre ces diffĂ©rentes professions, dans le cadre d’emploi et donc changer de rĂ©fĂ©rentiel professionnel plus facilement qu’avant. Pour y parvenir, il faut sortir des contrats de Cahors qui empĂŞchent les collectivitĂ©s de construire par elles-mĂŞmes les politiques publiques locales !
Les collectivitĂ©s vont avoir besoin notamment d’effectifs sur les mĂ©tiers de la transition Ă©cologique, du changement climatique ou encore du numĂ©rique. Comment parvenir Ă concurrencer le secteur privĂ© sur ces mĂ©tiers ?
HĂ©lène Guillet : Quitte Ă ĂŞtre dans la provocation, j’ai envie de dire qu’il n’y a pas de concurrence possible et plus on sera en compĂ©tition et en concurrence et plus on ira dans le mur. Nous ne saurons pas nous aligner sur le secteur privĂ© marchand.
D’autre part, le secteur public a une valeur ajoutĂ©e sur certains champs que n’ont pas les intervenants du secteur privĂ©. L’ensemble des employeurs ont une responsabilitĂ© sur ces questions. Il faut sortir de ces logiques de confrontation et de compĂ©tition sur des urgences de transition. Il y a un vrai tour de table Ă faire sur la place de chacun et sur la manière dont on peut coopĂ©rer dans chaque territoire.
Johann Theuret : Nous devons a minima pouvoir travailler sur les mĂ©tiers en tension entre employeurs publics sur un bassin d’emploi. Il est très important de valoriser ces mĂ©tiers, imaginer aussi des passerelles entre collectivitĂ©s qui offriraient des parcours professionnels enrichis.
Pour parler de ma collectivitĂ©, Rennes MĂ©tropole, il y a une forte concurrence sur la cybersĂ©curitĂ©. Pourtant, tous les postes en informatique sont pourvus, parce que nous avons fait une campagne de valorisation des mĂ©tiers. Il y a aussi des agents qui Ă©taient partis dans le secteur privĂ© et que l’on a vu revenir parce que nous offrons du sens !
Quelle est votre position quant à la réforme des retraites annoncée par Emmanuel Macron, qui prévoit de reculer l’âge de départ à 65 ans ?
JĂ©sus de Carlos : Ce qui est annoncĂ© n’est pas une bonne rĂ©forme. Pour nous, avant mĂŞme la question du financement de ce projet, il y a d’abord la question de l’Ă©galitĂ© salariale, car il y a un diffĂ©rentiel de 30 % entre les hommes et les femmes en gĂ©nĂ©ral, en France. Dans la fonction publique, c’est 19 % et dans la fonction publique territoriale, c’est 13 %. Il faudrait donc commencer par effectuer ce rattrapage, si cette rĂ©forme Ă©tait justifiĂ©e, ce qui n’est pas le cas. Selon le dernier rapport du COR, nous n’avons pas de difficultĂ©s de financement des retraites jusqu’en 2050. Il faudrait en tout cas taxer les dividendes, et augmenter les cotisations patronales.
De plus, il ne faut pas oublier que seulement 38 % des personnes de plus de 60 ans sont encore en activitĂ©. C’est un vrai problème. Et dans les collectivitĂ©s, on a des contingents d’agents sans emploi car ils ne sont plus employables, pour reprendre le vocabulaire des employeurs publics. Vouloir passer Ă la retraite Ă 65 ans, c’est en rĂ©alitĂ© un projet de rĂ©cession. Mais ça promet une bataille sociale importante Ă la rentrĂ©e.
François Deluga : Je suis totalement hostile Ă la retraite Ă 65 ans. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une grande partie des femmes vont jusqu’Ă 67 ans pour avoir une retraite Ă taux plein. Je suis pour que, au minimum, on reste Ă 62 ans, et je fais partie de ceux qui soutiennent 60.
En outre, pour la territoriale – et ce n’est pas une problĂ©matique Ă laquelle l’Etat est confrontĂ© – 75 % de nos agents sont de catĂ©gorie C. A partir d’un certain âge, ils sont souvent absents, Ă cause de TMS, par exemple. Ce qui coĂ»te cher, parce qu’il faut remplacer. Cela n’a donc pas de sens d’allonger leurs carrières. D’autant que cela pose la question des transitions professionnelles, de l’anticipation, sur ces mĂ©tiers pĂ©nibles, pour ne pas ĂŞtre dans le curatif, mais dans le prĂ©ventif. Il faut une stratĂ©gie nationale lĂ -dessus, propre Ă la territoriale, compte tenu de nos profils d’emplois.
Johan Theuret : La question de l’âge ne peut pas ĂŞtre abordĂ©e que pour des questions d’équilibre financier. En tout cas, cela soulève beaucoup de problĂ©matiques qui vont se jouer dans les fonctions publiques. Et la première d’entre elles, c’est la question de l’assiette qui va servir de rĂ©fĂ©rence. Si on veut un alignement, cela veut dire qu’on doit prendre enfin en considĂ©ration le rĂ©gime indemnitaire. Ce qui soulève la question de la soutenabilitĂ© financière pour les employeurs et avec des hausses de cotisations patronales. Il faut aussi rappeler que la pension moyenne de la CNRACL est de 1  320 €, alors qu’elle est de 1 400 € dans le secteur privĂ©. Le niveau des pensions est donc en dĂ©faveur des retraitĂ©s du secteur public.
Un autre Ă©lĂ©ment Ă prendre en considĂ©ration, c’est le taux d’emploi, qui est, pour le secteur privĂ©, en dessous de celui du secteur public, qui emploie les agents jusqu’à l’âge de dĂ©part Ă la retraite, qu’ils soient « cassĂ©s » ou pas. Les employeurs continuent d’assumer la rĂ©munĂ©ration.
Les enjeux financiers sont monstrueux et honnĂŞtement, pour avoir commencĂ© Ă discuter du sujet avec Jean-Paul Delevoye (3) Ă l’Ă©poque, il n’y avait pas le dĂ©but d’une rĂ©ponse sur le financement dans la fonction publique.
HĂ©lène Guillet : Le SNDGCT Ă©tait plutĂ´t favorable Ă la retraite universelle, avec intĂ©gration des primes, Ă©videmment en prĂ©cisant les conditions de financements, et le rythme auquel on va. Parce que les primes reprĂ©sentent une part considĂ©rable de la rĂ©munĂ©ration, qui s’écroule complètement au moment du dĂ©part Ă la retraite. Et plus on est haut en responsabilitĂ©s et plus c’est vrai. C’est aussi très en lien avec des problĂ©matiques sociĂ©tales, notamment autour de l’Ă©galitĂ© femmes hommes, sachant que plus on monte en strate, plus on monte en niveau de responsabilitĂ©, et moins on trouve de femmes.
Il y a sans doute une problĂ©matique autour de l’âge, mais la question est surtout celle de la manière dont on va jusqu’au bout de sa carrière professionnelle. Aujourd’hui, une grande partie des agents publics ne vont de toute façon pas jusqu’Ă l’âge lĂ©gal Ă la retraite et s’arrĂŞtent bien avant pour des aspects de santĂ©, de rĂ©organisation, de restructuration… Cela renvoie Ă la question de la prĂ©vention en amont, qui est de la responsabilitĂ© des employeurs publics. Une partie des mĂ©tiers dans la FPT sont des mĂ©tiers dits ouvriers et impliquent que les gens, de toute façon, ne vont pas au bout, car ils sont usĂ©s prĂ©maturĂ©ment. Et puis il y a la question de la dĂ©cence, de la rĂ©munĂ©ration qui subsiste après le dĂ©part Ă la retraite. Ce sont ces deux problĂ©matiques-lĂ qu’il faut pouvoir traiter.
Johan Theuret : La clĂ© de voute c’est quand mĂŞme la lisibilitĂ© financière dont ont besoin les collectivitĂ©s. Quand aujourd’hui on s’attelle Ă nos prospectives financières, et qu’on ne sait pas s’il va y avoir, Ă la fin de l’annĂ©e, le retour du contrat de Cahors, la suppression de la CVAE, 3 % d’augmentation du point d’indice… est-ce qu’on est bien lĂ dans de la bonne gestion ?
La DGAFP aurait soumis au nouveau ministre l’hypothèse de la décorrélation du point d’indice. Est-ce une perspective de travail intéressante, qui permettrait à la territoriale de faire valoir ses spécificités, ou une fausse piste ?
Johan Theuret : Je ne sais pas si c’est une fausse piste, mais je trouve que c’est une fausse solution. Je ne vois pas l’intĂ©rĂŞt de la dĂ©corrĂ©lation. Je pense qu’il faut plutĂ´t se battre sur la lisibilitĂ©, avec une formule d’indexation, savoir quand il y a une réévaluation du point ; donner une place aux employeurs territoriaux pour aborder les nĂ©gociations et les discussions avec les organisations syndicales. La dĂ©corrĂ©lation, Ă l’heure oĂą on parle de mobilitĂ© entre les diffĂ©rents versants, je ne vois pas l’intĂ©rĂŞt, sauf Ă exacerber la concurrence entre les versants.
JĂ©sus De Carlos : C’est une solution tout Ă fait libĂ©rale qui est cohĂ©rente avec le programme portĂ© par monsieur Macron de marchandiser et de privatiser la fonction publique. Il y a juste un petit souci, c’est qu’un attachĂ© territorial ou un attachĂ© de prĂ©fecture ont les mĂŞmes rĂ©munĂ©rations – sans avoir forcĂ©ment les mĂŞmes primes d’ailleurs -, et on doit pouvoir exercer une mobilitĂ© entre les versants, qui serait totalement rompue si on devait dĂ©corrĂ©ler.
HĂ©lène Guillet : En fait, c’est quoi le but ? Est-ce que ce n’est pas, aussi, une manière de ne pas aller au bout des logiques de transposition en faveur de la territoriale ?
François Deluga : Je suis aussi totalement contre la dĂ©corrĂ©lation. Cela me rappelle une conversation avec Anicet Le Pors, le fondateur du statut de la fonction publique actuel, qui me disait : « ils ne prendront jamais le statut de front, mais le dĂ©tricoteront petit morceau par petit morceau ». Mais la dĂ©corrĂ©lation, c’est un gros morceau ! Avec une contradiction fondamentale avec le discours en vigueur de mobilitĂ©s accrue pour tout le monde dans toutes les fonctions publiques ! Je rappelle en outre que la coordination des employeurs territoriaux s’est dĂ©jĂ prononcĂ©e très officiellement contre cette dĂ©corrĂ©lation. Il y a unanimitĂ© des acteurs de la FPT contre cette idĂ©e, extrĂŞmement dangereuse.
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Notes
Note 01 La table ronde s'est déroulée le mercredi 25 mai et fait l'objet d'un article dans le numéro 24 du magazine daté du 13 juin Retour au texte
Note 02 de la masse salariale de chaque collectivité, ndlr Retour au texte
Note 03 ancien haut commissaire à la réforme des retraites Retour au texte



