Alors que le Conseil Ă©conomique, social et environnemental prĂ©sentait jeudi 24 janvier 2017 ses recommandations pour faire Ă©voluer la fonction publique et les principes qui la rĂ©gissent, la CGT organisait sa journĂ©e d’Ă©tudes sur le statut gĂ©nĂ©ral des fonctionnaires qui cĂ©lèbre ses 70 ans d’existence.
Un anniversaire passĂ© « quasiment inaperçu », dĂ©plore Bernadette Groison, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la FSU, invitĂ©e Ă venir dĂ©battre. « Pourtant, il eut Ă©tĂ© utile de rappeler les fondements, dans une pĂ©riode oĂą le ‘pseudo-dĂ©bat’ tourne principalement autour du nombre de fonctionnaires nĂ©cessaires pour assurer les services publics. »
D’autant que certaines propositions autour de la fonction publique des candidats Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle, notamment celles de la candidate FN, restent imprĂ©cises.
Alors qu’il « [remet] sĂ©rieusement en question les principes d’indĂ©pendance, de responsabilitĂ© et d’Ă©galitĂ© qui fondent le statut gĂ©nĂ©ral du fonctionnaire », exprime Baptiste Talbot, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT, la territoriale est de plus en plus attirĂ©e par le programme du Front national.
Pour mémoire, selon une étude du politologue du Cevipof, Luc Rouban, 23,5 % des agents publics locaux votent pour le Front National. Ce taux culmine à 26,7 % parmi les catégories C.
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Des fonctionnaires « patriotes » ?
Selon le syndicaliste, les fonctionnaires, par ailleurs citoyens-Ă©lecteurs, devraient examiner de plus près le programme de Marine Le Pen et « dĂ©celer » ce qu’il sous-entend. Car elle souhaite, entre autres, que « dans le cycle de formation des fonctionnaires des trois fonctions publiques, l’accent [soit] portĂ© sur le sens de l’Etat et le patriotisme » et que « l’Ecole nationale d’administration [veille] en particulier Ă recruter des hauts fonctionnaires patriotes », cite le syndicaliste.
Un « patriotisme » qui va ainsi Ă l’encontre de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui pose sans ambiguĂŻtĂ© le fait que « la libertĂ© d’opinion est garantie aux fonctionnaires » et « qu’aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut ĂŞtre faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses ».
Dernière « attaque » du statut en date, l’interdiction du droit de grève des fonctionnaires envisagĂ©e par Michèle Alliot-Marie. L‘ex-prĂ©sidente du RPR a dĂ©clarĂ© au Parisien, dans son Ă©dition du vendredi 20 janvier, que les agents « ont un statut avec des droits, comme l’emploi Ă vie, mais aussi des obligations. Parmi [elles], [elle] propose qu’il y ait l’interdiction du droit de grève afin d’assurer la continuitĂ© du service public ».
Il s’agirait, en d’autres termes, de revenir Ă la conception de fonctionnaire-sujet dont Michel DebrĂ© donnait dans les annĂ©es 1950 la dĂ©finition suivante : « Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, travaille et se tait », rappelle la CGT.
Toutes ces intentions, si elles se réalisent effectivement, pourraient aggraver le ressenti quotidien des agents publics. Sophie Binet, dirigeante confédérale UGICT-CGT rappelle à cet égard les enseignements du sondage mené avec Vivavoice et livré en mai 2014 : 63% des cadres de la fonction publique observaient que les choix et pratiques de leur administration rentraient régulièrement en contradiction avec leur éthique professionnelle (51% dans le secteur privé). Par ailleurs, 81% des cadres ne se sentaient pas associés aux choix stratégiques (contre 71% dans le privé).
« Parler du statut, encore et toujours »
Ainsi, la publication du rapport du Cese, qui rĂ©affirme la notion de statut, dans l’entre deux tours de la primaire de la gauche tombait Ă point nommĂ©. Le Conseil y suggère notamment de rĂ©aliser un bilan de fonctionnement du Conseil national des services publics et de confier Ă ce dernier une mission d’observation des attentes de la sociĂ©tĂ© vis-Ă -vis des services publics et de la fonction publique en particulier.
Un point essentiel pour Bernadette Groison : « Nous manquons d’une instance permettant de nous concerter autour d’un diagnostic pour faire Ă©voluer la fonction publique et le statut dans le bon sens. »
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A noter que le CNSP, installĂ© en octobre 2014, Ă©tait chargĂ© de « discuter des Ă©volutions du service public » au cours de rĂ©unions se tenant une fois par mois et composĂ©es de reprĂ©sentants de l’Etat et des collectivitĂ©s, de parlementaires, d’employeurs publics, d’usagers et de syndicats.
« En rĂ©alitĂ©, le cahier des charges Ă©tait assez flou et très peu de rendez-vous se sont tenus. Finalement, son existence reste inconnue pour beaucoup ! « , observe Bernadette Groison.
En tout Ă©tat de cause, « pour que le statut continue de vivre, il faudra en parler, encore et toujours », insiste Philippe Laurent, prĂ©sident du Conseil supĂ©rieur de la fonction publique territoriale.
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