Les nationalistes de la collectivité territoriale de Corse l’avaient demandé, Manuel Valls l’a fait. A compter de 2018, les régions ne seront plus principalement financées par une dotation globale de fonctionnement (DGF), mais « par une fraction de TVA dont l’effet dynamique garantira et pérennisera vos moyens d’action » a déclaré le Premier ministre, à l’ouverture du congrès de Régions de France. Un accueil favorable, à écouter les présidents de région : « révolution », « nouvelle étape de la décentralisation », par exemple. Qu’il soit permis de douter.
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Régions : Manuel Valls promet de remplacer la DGF par de la TVATrente ans après leurs premières élections au suffrage universel, les régions resteront donc des collectivités sans aucune fiscalité autonome. On a beaucoup théorisé sur le « consentement à l’impôt ». Ce serait l’une des bases de l’Etat constitutionnel moderne : un impôt n’est pas « valable » si son redevable n’a pas manifesté son accord.
La TVA, belle invention française, reste un impôt invisible, mais pas indolore. Tous les Français la paient, mais cela ne contribuera pas à la visibilité régionale et encore moins à sa lisibilité. Quelles sont les compétences régionales, qui ont un impact, positif ou négatif, sur la consommation des ménages et des entreprises. Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et développement économique, cela allait de soi, nouvelle taxe foncière, un temps envisagée et aménagement du territoire, cela pouvait se défendre. Mais la TVA ?
La TVA nette en baisse constante
Si l’Etat avait su différencier des taux de TVA, pour des territoires ultrapériphériques et la Corse, on ne voit pas bien comment il répartira territorialement une fraction de TVA. Restera pendante la question de la péréquation, qui était inscrite dans la DGF et il faudra surtout être vigilant sur le subtil distinguo entre TVA brute, dont le produit ne cesse effectivement d’augmenter de façon dynamique, et TVA nette. En effet, remboursements et dégrèvements de TVA sont tellement nombreux que le produit net de la TVA est passé de 8 % du PIB à 6,5 % en trente ans.
Certes, la TVA, comme la CVAE, sont collectées par les entreprises, perceptrices pour le compte du Trésor public. Mais on imagine bien que la voie d’une fraction payée territorialement à la région ne sera pas retenue, tant cette solution semble complexe. Une fois encore, cette ressource remontera dans le budget de l’Etat, puis, comme pour la CVAE, redescendra fractionnée, par des mécanismes dont seul Bercy maîtrise les rouages. De ce fait, il est fort probable que les régions ne voteront pas un taux de TVA, ce qui ne ferait d’ailleurs que renforcer les inégalités territoriales.
Opacité
Dans ce contexte, la réforme de la fiscalité locale, toujours annoncée mais toujours repoussée, devient une absolue nécessité. Sur la base du consentement à l’impôt, il est plus que temps de sortir de cet embrouillamini où, pour simplifier, l’impôt local finance communes, intercommunalités et départements, quand l’impôt national financera Etat et régions. Et l’on assistera à des hausses – souvent -, à des baisses – parfois -, sans que le contribuable citoyen ne sache qui remercier.
Loin de l’autonomie, inscrite dans la Constitution par Jean-Pierre Raffarin, la région bénéficiera, in fine, d’un changement de dotation… La dynamique sera peut-être meilleure, la dépendance tout aussi certaine.