La réduction des délais de paiement des collectivités aux entreprises était l’un des points centraux du plan de relance, issu du décret du 19 décembre 2008. Une mesure appréciée des collectivités et des entreprises : de quarante jours en 2009, les délais sont passés à trente-cinq au 1er janvier 2010 et devaient atteindre trente jours à partir du 1er juillet. Il y va de la survie des entreprises, assène Bernard Muller, président de la communauté de communes du pays de Commercy (CCPC, 13 000 hab., Meuse).
Retour à la case départ.
Pour Viviane Borne, PDG de Calligée, bureau d’études qui travaille à 70 % sur des marchés publics, les collectivités font désormais très attention aux délais. Le cas échéant, 10 % d’entre elles appliquent d’office les pénalités de retard ; d’autres acceptent de le faire quand on réclame, mais certaines refusent encore.
Les entrepreneurs travaillant avec des collectivités se plaignent en effet souvent de retards de paiement qui concernent, selon Viviane Borne, 10 % des marchés. En moyenne, les paiements se font à quarante-cinq jours, les conseils généraux faisant généralement mieux que les directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, note-t-elle. En revanche, concernant les intérêts moratoires, François Asselin, président de la commission des marchés de la Fédération française du bâtiment, déplore qu’ils ne [soient] versés automatiquement que dans 5 % des cas, l’entreprise excluant presque toujours d’aller au contentieux.
Par ailleurs, il n’est pas rare, souligne François Asselin, qu’après le cheminement de la validation du maître d’œuvre à la trésorerie, en passant par les services du maître d’ouvrage, on revienne à la case départ. Souvent, ce dernier redemande un décompte général définitif, prétextant une erreur. Les délais de paiement peuvent alors atteindre quatre-vingt-dix jours.
Parfois, ce sont les sociétés qui sont en retard dans l’exécution du marché, comme le rappelle Bernard Muller. Et si le travail n’est pas conforme, le défaut de levée des réserves exclut le paiement. La CCPC paie dans les temps, selon son président, sauf quand, au 15 décembre, le trésorier arrête les mandatements et ne les reprend que le 10 janvier.
Pour les marchés longs, il faut, selon François Asselin, attendre entre trois mois et deux ans pour percevoir les soldes liés à un avenant ou une actualisation. Et Viviane Borne d’expliquer : Demander un paiement par phases est souvent refusé, sauf à signer une convention, un procédé trop compliqué ! La réaffirmation de la possibilité d’attribuer des avances, y compris pour les marchés en cours, pourrait avoir un effet un peu plus incitatif pour les collectivités…
Urgence.
Pour pallier les retards, Calligée fait appel à Oseo ou à un « facteur » qui garantit les paiements par nantissement. Cumulés aux agios, ces frais ont représenté 26 600 euros pour un chiffre d’affaires de 1,85 million HT en 2009… une somme non négligeable pour des PME. Mais les collectivités ne sont pas toujours insensibles aux problèmes de trésorerie de leurs partenaires. J’accorde parfois le paiement en urgence sous 24 à 48 heures, explique Marie-Claude Santini, DGA des Alpes-Maritimes.
« Avec la dématérialisation , nous passerons en dessous de 31 jours »
Marie-Claude Santini, directrice générale adjointe des Alpes-Maritimes, chargée de la commande publique
Depuis 5 ans, la direction centrale des marchés a fait un large effort pour former une dizaine de directions opérationnelles. Il y a 20 mois, nous payions à 50-60 jours, car notre chaîne de mandatement était dispersée et le trésorier payeur pas en reste. Désormais, les directions mandatent sans contrôle, la direction des marchés ne contrôlant que les premier et dernier acomptes. Nous sommes passés à 31 jours de délai en 2009 et de 643 000 euros d’intérêts moratoires, en 2007, à 138 000 en 2009 pour 400 millions investis. On poursuivra avec la dématérialisation de la procédure. A noter que les retards incitent les entreprises à renchérir leurs offres sans le dire tout en excluant les moins solides d’entre elles.